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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 7 juillet 2025

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Circulaire de rentrée 2025 : l’insoutenable légèreté des mots

La circulaire de rentrée de Mme Borne est un condensé d’éléments de langage en impressionnant décalage avec la réalité de l’expérience vécue à l’école par bon nombre d’élèves, de familles et de personnels.

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Publiée au Bulletin officiel du 3 juillet[1], la circulaire de rentrée 2025 est un concentré des éléments de langage ministériels habituels, visant à couvrir du voile d’un imaginaire éducatif partagé les inégalités scolaires et les faiblesses et contradictions d’une politique.

Dès le titre sont mobilisés à la fois « la promesse républicaine de l’école », l’obsession du « niveau », et l’égalité des chances condensée dans la formule volontariste « donner les mêmes chances à tous ».

Les intertitres ne sont pas en reste, et leur ordre d’apparition constitue la hiérarchie des priorités politiques : instruction en un, éducation en deux, élèves en trois. En tête viennent bien évidemment les prétendus « fondamentaux » sous le slogan « consolider l’apprentissage des savoirs fondamentaux et favoriser la réussite de tous les élèves ». Arrive logiquement, après l’instruction, l’éducation, placée au second rang, avec le mot d’ordre « bâtir une école de l’engagement, de la justice et de la responsabilité ». Mais, comme on n’est pas à une contradiction près, on affiche dans un sous chapitre de cette deuxième partie, « les apprentissages transversaux, au cœur des missions de l’École », ce qui fait un cœur lourd, déjà chargé des  « apprentissages des savoirs fondamentaux ». Au troisième rang, viennent enfin les personnes des élèves avec l’objectif de « garantir les conditions d’une École qui protège et qui rassemble », décliné en deux sous-objectifs : « offrir un cadre propice à l’épanouissement de chaque élève/tous les élèves », « refuser toute forme de violence ».

Bien entendu, les mots sont faits pour rassembler, mais ils détonnent particulièrement avec la réalité vécue par les élèves, les familles et les personnels.

L’entêtement à maintenir les groupes de niveau constitués en 6e et 5e au collège en mathématiques et en français, ne tient aucun compte du rapport de l’inspection générale[2], rendu en mai dernier, qui soulignait, dans la dernière partie de l’analyse des résultats de son enquête, « un risque fort d’accroître les écarts entre les élèves », une « dérive programmée des continents », notant par exemple « la pauvreté des contenus enseigné dans certains groupes de niveau faible ».

Les promesses relatives à la sécurité et à l’épanouissement des élèves paraissent très éloignées de la réalité observée par le récent rapport parlementaire qui pointe de nombreuses défaillances dans l’Éducation nationale, notamment dans l’enseignement catholique sous contrat avec l’État, une culture de l’omerta mais aussi des obstacles systémiques, voire institutionnalisés[3].

Quant à « l’école de l’engagement, de la justice et de la responsabilité », on ne peut s’appuyer sur des réussites éducatives exemplaires pour passer sous silence l’injustice fondamentale d’une école du tri social, de la séparation accrue entre ceux qui réussissent et sont destinés à la voie générale et ceux qui, en difficulté, en sont exclus et sont orientés par l’échec. Car l’école qui se dit celle de la prétendue « méritocratie républicaine », autre élément de langage constitutif de l’imaginaire scolaire dominant, puisqu’elle prétend assurer « l’égalité des chances », est une école du verdict où celles et ceux qui y entrent n’ont dès le départ pas du tout les mêmes chances de réussite. Et une école dont l’inspection générale elle même constate qu’elle accroît les écarts entre les élèves en organisant leur tri dès l’entrée en 6e.

Il y a donc, dans cette circulaire de rentrée signée Elisabeth Borne, une insoutenable légèreté des mots qui contraste avec les lourdes réalités auxquelles sont confrontés élèves, parents et personnels.

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[1] https://www.education.gouv.fr/bo/2025/Hebdo27/MENE2518841C

[2] https://www.education.gouv.fr/mise-en-place-des-groupes-de-besoins-en-francais-et-mathematiques-450559

[3] Rapport de la commission d’enquête parlementaire publié le 25 juin : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L17B1642-tI.html#_Toc256000115

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