L’enquête "PROFETIC 2016", réalisée auprès de 5000 professeurs du second degré à la demande du ministère de l’éducation nationale[1], dégage cinq profils d’enseignants par rapport au numérique et indique l’évolution de leur répartition depuis 2012.
Deux de ces profils rassemblent ceux qui ne sont pas du tout convaincus de l’intérêt du numérique (profil A) ou ne l’utilisent pas (profil B) : les premiers sont passés entre 2012 et 2016 de 3 à 2%, les seconds de 17 à 13%. La tendance est donc plutôt à la baisse pour les «numérophobes » et les « numérosceptiques ».
Deux autres profils rassemblent ceux qui sont convaincus de l’intérêt du numérique (profil E) ou utilisateurs réguliers (profil D) : les premiers ont plus que triplé, passant entre 2012 et 2016 de 5 à 16%, les seconds évoluant de 34 à 40%. La tendance est donc corrélativement à la hausse pour les « numérophiles » et les « numéropratiquants ».
Entre ces deux ensembles, le profil C, qui rassemble ceux qui se caractérisent par une vision plutôt positive du numérique et une utilisation modérée, passe de 41 à 29%. Cette diminution forte va de pair avec l’évolution à la hausse du nombre des convaincus et de pratiquants réguliers.
Approfondir les caractéristiques de chaque profil permet de mieux cerner les pratiques de chacun.
Les tenants du profil A n’utilisent le numérique qu’en préparation de leurs cours ou activités. C’est dire que ces professeurs, s’ils ne sont pas convaincus du tout de l’intérêt pédagogique du numérique, n’en sont pas moins utilisateurs comme outil de recherche d’information et de ressources. Ce profil fortement minoritaire concerne pour deux tiers des professeurs masculins.
Les tenants du profil B se caractérisent par une maîtrise très insuffisante du numérique renforcée par leur non participation à des actions de formation. Ils connaissent également moins les équipements et ressources disponibles dans leur établissement. Ce profil ne concerne que 7% des professeurs de lycée professionnel mais 17% des professeurs de plus de 50 ans.
Les tenants du profil C utilisent en classe le numérique pour des fonctions simples, compte tenu de la fragilité relative de leur maîtrise, et redoutent l’aspect chronophage d’une autre utilisation. Ce profil concerne 33% des professeurs quadragénaires.
Les tenants du profil D ont une vision largement positive des usages du numérique, dont ils jugent leur maîtrise suffisante. Ils l’utilisent tous les jours en classe sans manipulation par les élèves et au moins une fois par mois avec manipulation du matériel par les élèves. Ce profil concerne 53% des professeurs de moins de 30 ans, et 44% des trentenaires.
Les tenants du profil E se distinguent par l’utilisation au moins une fois par semaine de manipulations par les élèves, en autonomie notamment. Ils jugent plus que les autres leur maîtrise suffisante et estiment que le recours au numérique les a conduits à modifier l’organisation spatiale de la classe et leur manière d’interagir avec les élèves. Plus que les autres, ils ont bénéficié de formations de diverses origines, de 3 à 10 jours dans les deux dernières années. Ce profil concerne 20% des professeurs de lycée, 29% des professeurs de sciences humaines et sociales.
Au final, la photographie 2016 des usages numériques professionnels par les professeurs du second degré fait apparaître, en quatre ans, un renforcement d’usages quotidiens (préparation des cours, cahier de textes, notes) ou fréquents (séquences incluant le numérique sans manipulation par les élèves) qui sont majoritaires parmi les répondants.
Les pratiques se diversifient selon l’âge des professeurs : il y a bien l’arrivée d’une « génération y » parmi les professeurs, soulignée par la répartition des profils selon la pyramide des âges. Elles varient également selon les types d’établissement et d’élèves.
« Les enseignants en collège se distinguent des enseignants en lycée par des séquences d'activités en classe avec manipulation par les élèves moins fréquentes, une utilisation plus quotidienne du cahier de textes, une communication plus fréquente avec les parents via le numérique, mais moins fréquente avec les élèves.
Les enseignants en lycée se déclarent plus enclins à demander aux élèves de poursuivre le travail à la maison ou à donner des activités à la maison … mais sans que cela soit encore une pratique régulière / établie, sont plus nombreux à communiquer avec les élèves via le numérique, sont plus nombreux à ne pas utiliser le numérique pour évaluer les élèves.
Les enseignants en lycée professionnel sont plus nombreux à engager leurs élèves à la manipulation de matériel numérique en classe, dans l'ensemble moins tournés vers l'exploitation du numérique à la maison par les élèves, plus enclins à utiliser le numérique pour personnaliser les apprentissages et évaluer les élèves ».
On retiendra aussi de cette étude la mise en question de quelques idées reçues sur les professeurs et le numérique.
59% des répondants ont une vision positive de leur maîtrise des instruments numériques (+5% en 2 ans), le poids des formations progresse, en formation initiale et en établissement notamment, le nombre des enseignants formés augmente (62% formés au cours des deux dernières années contre 57 % en 2012) et leur jugement est positif sur ces formations (7 enseignants sur 10).
65% des répondants estiment l’utilisation du numérique en direction des élèves insuffisamment développée (pour 47%, elle est en cours, pour 17% elle ne l’est pas), contre 31% qui la trouvent suffisamment développée et 1% trop développée.
Ainsi, des usages pédagogiques des instruments numériques sont, pour la majorité des professeurs, intégrés à leur culture professionnelle, et leur développement est souhaité. Et les plus engagés d’entre eux dans ces usages auprès des élèves perçoivent la nécessité de transformer les espaces scolaires et la relation pédagogique. Une évolution progressive de la forme scolaire pourrait donc se dessiner à bas bruit.