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Billet de blog 8 mai 2025

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« S’approprier les valeurs de la République » : la même exigence pour tous ?

Puisqu’on demande à des candidats aux concours de recrutement d'enseignants de faire vivre et partager les valeurs de la République dans l’exercice de leur futur métier, on en vient à souhaiter que la même exigence s’applique systématiquement aux hauts responsables de nos institutions.

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En ce début de mois de mai, dans tout le pays, les étudiant(e)s qui ont passé les épreuves d’admissibilité aux concours de recrutement des enseignant(e)s et des conseiller(e)s principaux d’éducation préparent les épreuves d’admission qui ont toutes un point commun, l’épreuve d’entretien, au cours de laquelle, en soumettant aux candidat(e)s deux situations en lien avec l’enseignement et la vie scolaire, le jury apprécie l’aptitude du ou de la candidat(e) à « s'approprier les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire dont la neutralité, lutte contre les discriminations et stéréotypes, promotion de l'égalité, notamment entre les filles et les garçons, etc.), faire connaître et faire partager ces valeurs et exigences[1] ».

Il y a là une volonté incontestable de recruter non seulement des professionnels experts dans leur discipline scolaire d’enseignement ou dans leur spécialité (documentation, vie scolaire), mais également, quelle que soit leur spécialisation, des professionnels porteurs de valeurs, engagés, au delà du respect de la déontologie, par une éthique personnelle et collective qui leur permet de faire vivre à l’école les valeurs de la République.

En écoutant puis questionnant des étudiantes et étudiants hier dans le cadre d’un oral blanc, il était intéressant d’observer combien cela nécessite de réflexion continue sur chacune des décisions prises, avec les tensions qui peuvent surgir parfois entre application stricte d’une déontologie – je fais ce que je dois faire, et ce qui m’est demandé par mon supérieur hiérarchique[2]- et mise en œuvre des valeurs de la République de liberté, d’égalité et de fraternité. Un candidat exprimait hier cette tension en évoquant un « jonglage » entre déontologie et éthique.

On ne peut s’empêcher de penser à ce que cette épreuve de recrutement pourrait apporter si les cadres dirigeants de notre pays et de nos institutions y étaient également soumis et s’ils s’imposaient d’y réfléchir avant leurs prises de parole ou de décision. Quand on apprend qu’un rapport de l’inspection générale de l éducation du sport et de la recherche (IGESR) sur l’institution Stanislas a pu faire l’objet d’une présentation à tout le moins édulcorée par rapport aux analyses et conclusions des membres de la mission d’inspection[3], on ne peut que s’interroger sur ce qu’il reste de déontologie et d’éthique au(x) responsable(s) qui se sont permis cette falsification quand ce qui est en jeu, c’est le respect dû aux personnes, quelle que soit notamment leur statut (élève ou adulte), et leur orientation sexuelle, enjeu de protection à l’égard de toute violence et discrimination qui doit prévaloir sur toute volonté, fort peu éthique et déontologique, de « protéger » un établissement privé « prestigieux ».

On se prend alors à rêver. A l’heure où notre Président annonce une nouvelle convention citoyenne, ne pourrait-on pas imaginer que des commissions citoyennes puissent soumettre chaque année les hauts responsables de nos ministères et institutions à un examen de leurs actions au regard des valeurs de la République ? Cela serait sans doute salutaire, pour éviter la tentation de privilégier les solidarités de l’entre-soi clanique au détriment d’une action toujours fondée sur les valeurs de la République, quoi qu’il en coûte, par exemple, pour la réputation usurpée d’un établissement élitiste.

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[1] https://www.devenirenseignant.gouv.fr/les-epreuves-du-capes-externe-et-du-cafep-capes-section-lettres-lettres-modernes-538

[2] « L'agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public » selon l’article L121-10 du Code de la fonction publique

[3] https://www.mediapart.fr/journal/france/290425/les-conclusions-du-rapport-d-inspection-sur-stanislas-ont-ete-falsifiees-pour-proteger-l-etablissement

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