Aujourd’hui, des syndicats d’enseignants appellent au boycott des évaluations nationales standardisées commencées hier dans les écoles et à la grève pour demander plus de professeurs et d’AESH.
On aurait tort de ne voir dans cette information qu’un marronnier de rentrée, les syndicats s’opposant rituellement à la politique ministérielle et réclamant toujours plus de moyens à la rentrée.
Cette situation soulève en effet quelques questions. Nous retiendrons trois d’entre elles.
1/ Quel sens ont les évaluations standardisées ?
2/ Les conclusions qui en seront officiellement tirées sont-elles déjà écrites ?
3/ Derrière cet écran de fumée, n’y aurait-il pas d’autres questions à se poser ?
Quel sens ont les évaluations standardisées ?
Du point de vue des apparences on ne peut que trouver avantage à évaluer nationalement ce que les élèves sont capables de faire en lecture, écriture, compréhension et calcul, de manière à ce que la politique éducative parte d’une connaissance fine de la réalité, tant de la part du ministère et des rectorats que de la part des enseignants eux-mêmes.
Au delà des apparences, les enseignants savent par expérience que la valeur ajoutée de ces tests quantitatifs est très pauvre par rapport à la connaissance qualitative qu’ils ont des élèves, et les résultats obtenus servent surtout à établir des diagnostics de performance qui réaffirment d’année en année une courbe de Gauss permettant de distinguer nettement une élite scolaire à une extrémité et des élèves en difficulté scolaire à l’autre.
Les conclusions qui en seront officiellement tirées sont-elles déjà écrites ?
Il y a fort à parier que les conclusions officielles seront les suivantes :
- par rapport aux années précédentes on observe un ralentissement de la dégradation des résultats, imputable à l’efficacité de la politique ministérielle
- il n’en demeure pas moins que le nombre d’élèves en difficulté demeure considérable, et il est donc indispensable de renforcer les heures d’enseignements dits « fondamentaux » (français et en mathématiques) et d’organiser les classes en groupes de niveau (Version Attal) ou de besoin (version Belloubet) pour remédier plus efficacement à cette situation ;
- et il s’agit, à partir de ces résultats objectifs, d’appliquer en classe à tous la bonne méthode, la seule qui vaille et utilisant le manuel labellisé et pas un autre, et les vadémécums ministériels ou académiques : de la fluence à la compréhension de l’écrit, du quart d’heure de lecture, de mathématiques, etc.
Derrière cet écran de fumée, n’y aurait-il pas d’autres questions à se poser ?
Il est tout de même curieux d’observer les angles morts de la réflexion sur un sujet capital : qu’enseigne-t-on aux élèves et qu’apprennent-ils effectivement ? Pas une seule fois on ne s’interroge sur la réduction au français et aux mathématiques du savoir lire, écrire compter, comme si on ne lisait pas, on n’écrivait pas, on ne comptait pas dans d’autres domaines disciplinaires et de la vie scolaire et familiale. Pas une seule fois on ne sort des recettes anciennes comme celle de la bonne vielle dictée, qui permet de noter non pas les réussites mais ce qu’on persiste à appeler des fautes. Pas une seule fois on n’incite les enseignants à s’appuyer sur leur expérience et leur expertise professionnelle pour ajuster au mieux pour leurs élèves concrets les choix méthodologiques, pédagogiques et éducatifs qu’ils vont faire pour aider chacune et chacun à progresser. Les évaluations nationales standardisées, supervisées par le conseil scientifique de l’éducation nationale, permettent donc de dispenser les enseignants de leur ingénierie pédagogique en leur demandant de s’en remettre aux vadémécums officiels.
Il y a fort à parier que le ou la ministre qui sera finalement nommé(e) par le président de la République sur proposition de son premier ministre poursuivra dans cette voie : celle dont on sait qu’elle ne résout rien et qu’elle renforce la perte de sens pour les enseignants comme pour les élèves de ce qu’elles et ils enseignent et apprennent à l’école.