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Billet de blog 11 novembre 2025

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Enseignement catholique : le contrat, tout le contrat, ou pas de contrat !

Vouloir la liberté d’affirmer la caractère catholique d’un établissement scolaire dans le cadre des enseignements qui y sont dispensés, comme le souhaite le secrétaire général de l’enseignement catholique, est à sa portée: il suffit pour cela de rompre le contrat d’association avec l’État.

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Comme le rappelle l’article L151-1 du Code de l’éducation, « L'Etat proclame et respecte la liberté de l'enseignement et en garantit l'exercice aux établissements privés régulièrement ouverts ». Ce parti pris ne remonte pas à la loi Debré de 1959, mais à un principe posé par Condorcet dès la première République. Le décret du 29 frimaire an 2 stipule (en son article 1) que « l’enseignement est libre », mais dans sa section III indique que cet enseignement « aura pour objet la constitution et la morale républicaine et comme moyens les livres seulement adoptés par la représentation nationale ». Le lien avec l’article L151-1 est net.

Toutefois, les propos du secrétaire général de l’enseignement catholique, d’intervention en intervention, confirment une lecture fautive du contrat d’association liant les établissements privés catholiques à l’État.

Tout s’annonce apparemment bien dans son dernier post sur Linkedin[1] : « les écoles catholiques sont aussi des écoles publiques ». Suivent « dix raisons pour cesser d’opposer école catholique et service public ».

S’agit-il de reprendre les termes du contrat d’association qui stipule bien, depuis 1959, que « la conclusion du contrat est subordonnée à la vérification de la capacité de l'établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public » (article L 442-5 du Code de l’éducation) ? Cet enseignement, comme l’indique l’article L 141-2, est « conforme aux aptitudes des élèves dans un égal respect de toutes les croyances », et l’article L 442-1 confirme : « Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus aux articles L 442-5 et L 442-12, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'Etat. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès ».

Or, si l’on en croit le secrétaire général de l’enseignement catholique, « les écoles catholiques ne sont associées au service public qu’au titre de leur singularité, appréhendée par la notion de « caractère propre ». Si elles se contentaient de reproduire l’enseignement prodigué dans les écoles laïques, l’administration serait donc fondée à cesser leur financement ».

Il y a là un renversement complet des termes du contrat. Le « caractère propre » des établissements privés sous contrat ne peut en aucun cas s’exprimer dans les enseignements qui y sont prodigués, puisque ces enseignements doivent « être conformes aux programmes officiellement définis par l’État et respecter totalement la liberté de conscience des élèves ». C’est exclusivement en dehors des enseignements obligatoires et dans des activités facultatives que le caractère propre de l’établissement peut s’exprimer, pour demeurer en conformité avec le contrat.

Si le secrétaire général de l’enseignement catholique plaide pour que s’exprime dans les enseignements le « caractère propre » des établissements qui en relèvent , il a la pleine liberté de le faire : il suffit de renoncer au contrat d’association avec l’État.

Rappelons que c’est au nom de ce contrat que « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association des établissements d'enseignement privés du premier et du second degré sont prises en charge sous la forme de contributions forfaitaires versées par élève et par an et calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public » (article L442-9 du Code de l’éducation) et que les 37000 professeurs des écoles et les 76000 professeurs de collège et lycée perçoivent un traitement versé par l’Etat.

Exposer ces faits n’est pas du tout, comme voudrait le faire croire le secrétaire général de l’enseignement catholique, se livrer « à des confrontations aussi désuètes et stériles qu’éloignées des besoins concrets des enfants et des familles ». C’est tout simplement réaffirmer que tout contrat comporte pour chacun des contractants des obligations, et que, si l’État respecte les siennes, on est en droit d’attendre que l’enseignement catholique en fasse tout autant. Ce sera le meilleur moyen d’éviter de très légitimes confrontations.

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[1] https://www.linkedin.com/posts/guillaume-pr%C3%A9vost-2aa3661a_les-%C3%A9coles-catholiques-sont-aussi-des-activity-7393305101462929408-NsMZ/?utm_source=social_share_send&utm_medium=android_app&rcm=ACoAAATx5kcB0B5nCcvMiDNUyf6b_Miz-6b_Ji8&utm_campaign=whatsapp

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