Le grand mouvement de recteurs du 12 mars dernier a concerné douze académies.
Ces nominations ont conduit les nouvelles et nouveaux arrivant(e)s à adresser un premier message aux personnels de leur académie.
Ce premier message peut être l’occasion d’affirmer auprès d’eux tout à la fois les contours d’une personnalité et un message politique fort.
Or, il semble que ce premier message soit sorti d’un modèle pré rédigé, prêt à l’emploi, dans lequel il suffit de préciser le nom de l’académie et, éventuellement, de la région académique et le genre de l’expéditeur. Qu’on en juge plutôt :
Mesdames et Messieurs,
C’est avec une grande joie que je viens de prendre mes fonctions de rect.eur/rice de l’académie de XXX et de la région académique XXX.
Arriver dans cette belle académie, au sein d’une région académique riche de son histoire, de sa diversité et de son dynamisme, est un véritable honneur. Je mesure pleinement la responsabilité qui m’est confiée, et je tiens à vous dire combien je suis impatient(e) et heureu.x/se de travailler avec vous, fort(e) de votre engagement et de votre expertise.
Nos missions sont nombreuses, essentielles et passionnantes : permettre à chaque jeune de construire son parcours de réussite, d’épanouissement et d’insertion ; transmettre les valeurs de la République et encourager l’engagement ; accompagner l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Je suis convaincu(e) que c’est ensemble, dans un esprit de confiance, de dialogue et de coopération, que nous continuerons à porter ces ambitions nobles au service de la jeunesse et de la société tout entière.
Je sais pouvoir m’appuyer sur des équipes compétentes, dévouées et passionnées, et je m’en réjouis. J’ai hâte d’aller à votre rencontre, de découvrir vos projets, vos réussites, vos défis aussi, et de bâtir avec vous les prochaines étapes de notre action commune.
Avec enthousiasme et détermination, je me tiens à vos côtés pour construire un avenir éducatif ambitieux, humain et porteur de sens.
Très chaleureusement,
Signature
Il n’y a là en effet aucun message véritablement personnel, tant sont nombreuses les répétitions du plaisir et de l’honneur d’être nommé(e) ici (grande joie, véritable honneur, impatient(e) et heureu.x/se, je m’en réjouis, j’ai hâte, enthousiasme et détermination), tout aussi nombreuses que les compliments convenus adressés aux destinataires (belle académie, riche de son histoire, de sa diversité et de son dynamisme, votre engagement et votre expertise, équipes compétentes, dévouées et passionnées, vos projets, vos réussites, vos défis aussi).
Le message politique est lui aussi fondé sur des généralités : les missions sont « nombreuses, essentielles et passionnantes » - cela va de soi- comme les ambitions sont « nobles au service de la jeunesse et de la société tout entière » : on n’oublie rien, ni le « parcours de réussite, d’épanouissement et d’insertion » du jeune, ni la transmission des « valeurs de la République », ni « l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation » et on va construire « un avenir éducatif ambitieux, humain et porteur de sens ».
On peut voir dans cet excès d’enthousiasme affiché et de compliments la volonté de gagner la bienveillance de personnels passablement éreintés par les avalanches de directives venues d’en haut, et dans ce discours politique enfilant des généralités l’absence de cap politique clair après une succession exceptionnelle de ministres en un peu plus d'un an.
Il n’est pas sûr que ce premier message atteigne son objectif minimal : les destinataires peuvent avoir en effet le sentiment que l’hypertrophie des compliments et la banalité des objectifs politiques affichés ne sonnent pas juste par rapport aux réalités auxquelles ils sont confrontés chaque jour. Et il n'est pas sûr non plus que cette avalanche de compliments efface le sentiment d'avoir reçu un message pré rédigé, qui n'augure pas favorablement de l'avenir.