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Billet de blog 16 avril 2012

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Deux rapports au Ministre sur la réforme du lycée: des pharmakons ?

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Dans notre billet du 13 mars dernier, nous avons déploré que le rapport des inspections générales sur le suivi de la mise en œuvre de la réforme du lycée général et technologique[1] dresse un constat préoccupant - « Les CVL ne sont pas consultés sur ces questions. Les élèves sont peu ou pas informés des objectifs et modalités de l’AP (accompagnement personnalisé, NDR) au niveau du lycée comme au niveau de leur classe. Cela contribue à leur incompréhension et déception face à l’AP. »- sans pour autant recommander que l’on s’efforce de procéder différemment dans l’intérêt même de la réforme du lycée.

Le Ministère vient de mettre en ligne le rapport de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée sur la mise en œuvre de cette réforme[2]. Le travail de cette mission est coordonné par un inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche avec le concours du directeur général de l’enseignement scolaire.

Deux regards croisés valent mieux qu’un. L’approche choisie par cette mission est différente de celle retenue par les inspections générales. « La mission d’accompagnement de la réforme du lycée s’est, entre octobre 2011 et février 2012, rendue dans toutes les académies métropolitaines1 afin de rencontrer, en présence du recteur, les acteurs qui, au quotidien, mettent en œuvre cette réforme : l’ensemble des proviseurs de l’académie, les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, le chef du service académique d’information et d’orientation (CSAIO) ainsi que toute personne dont la présence paraissait utile au recteur. Lors de chaque déplacement, la mission a également rencontré les élus lycéens au conseil académique de la vie lycéenne (CAVL) ».

Alors que les IG se sont rendus dans 7 académies et 40 lycées, rencontrant ainsi plus de 400 enseignants et autant d’élèves, la mission a visité toutes les académies mais pas d’établissement scolaire. En revanche, elle a inscrit au programme de chacune de ses visites une demi-journée de travail avec les élus lycéens au CAVL.

Un chapitre du rapport est donc consacré à la vie lycéenne. Le rapport rappelle que « de par ses attributions nouvelles, le CVL apparaît, au côté du conseil pédagogique, comme l’autre organe consultatif sur lequel le proviseur peut s’appuyer pour la gouvernance de l’établissement, notamment et y compris en matière pédagogique ». Il observe aussitôt, comme l’ont fait les inspections générales, que « c’est malheureusement loin d’être le cas ainsi que cela ressort des échanges avec les chefs d’établissement et les lycéens ». Il constate que « des questions d’ordre pédagogiques aussi centrales que la mise en place de l’AP ou l’organisation du temps scolaire (ne sont) pas évoquées alors même que demandées par les lycéens ». Et il donne sur ce constat le point de vue des différents acteurs, celui des chefs d’établissement comme celui des  élus lycéens qui « regrettent la faible visibilité des CVL liée à des élections souvent mal préparées, sans possibilité de rencontrer les élèves dans les classes ni de faire un point régulier de l’activité du CVL faute de plages dans l’emploi du temps des élèves qui permettraient d’organiser des réunions en dehors des heures de cours. »

Il observe que « certains proviseurs toutefois ont fait part à leurs collègues du bénéfice qu’ils avaient tiré du rôle accru du CVL(…)(afin ) de créer, entre le CVL et le conseil pédagogique, une dynamique qui permet de répondre exactement aux besoins des élèves et/ou d’expliquer les choix faits par les équipes pédagogiques, les rendant acteurs et entraînant leur adhésion à la formation mise en place. »

La mission préconise donc quatre propositions relatives à cette dimension de la réforme.

Elle poursuit son examen de la mise en œuvre de la réforme avec la maison des lycéens au sujet desquelles la mission formule deux propositions.

La publication de ce rapport présente donc l’avantage de donner aux élus des lycéens la place qui leur revient et de proposer sur la mise en oeuvre de la réforme un regard qui ne néglige aucune de ses dimensions. La mission d’accompagnement y fournit un éclairage exclusif sur la manière dont les lycéens, à travers leurs élus, vivent la mise en œuvre de la réforme.

On retiendra le dernier paragraphe de ce rapport : « En ce qui concerne la gouvernance des établissements, le conseil pédagogique a bien pris la place qui est la sienne dans la réforme et il constitue une véritable force de proposition, qu’il s’agisse notamment de la mise en place de l’AP ou des heures de groupe à effectif réduit, pour les chefs d’établissement dont le rôle en matière pédagogique n’est plus réellement contesté. C’est assurément un des points forts de la réforme qui est désormais en œuvre dans pratiquement tous les lycées. En revanche, il convient de veiller à ce que le CVL prenne également la place dans cette gouvernance, faute de quoi les lycéens ne deviendront jamais acteurs de leur propre formation. S’agissant enfin de la vie lycéenne, outre le rôle nouveau déjà évoqué que doivent jouer pleinement les CVL, il convient que l’utilisation des outils mis à disposition des lycéens pour leur permettre d’acquérir plus d’autonomie et de s’engager dans une démarche citoyenne, telles que les MDL, soit pleinement favorisée par tous les acteurs adultes présents dans l’établissement, lesquels doivent s’efforcer d’aller au- delà de la représentation traditionnelle qu’ils ont des élèves. »

Les deux rapports mis en ligne coup sur coup se complètent donc très utilement. Ils sont bien l’un pour l’autre des pharmakons, comme le dit Bernard Stiegler, « ce qui remédie aux failles de la mémoire et ce qui affaiblit cette mémoire »[3].


[1] http://media.education.gouv.fr/file/2012/96/8/Rapport-IG-Suivi-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-reforme-du-lycee-d-enseignement-general-et-technologique_209968.pdf

 [2] http://media.education.gouv.fr/file/03_mars/22/9/Mise-en-oeuvre-de-la-reforme-du-lycee_212229.pdf

[3] Stiegler, Bernard, Prendre soin de la jeunesse et des générations, Flammarion, 2008, (p. 19)

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