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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 16 mai 2024

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Education au développement durable : un enjeu politique partout

L’éducation au développement durable, quand elle sort de la périphérie des enseignements et aborde les enjeux sociaux, économiques et politiques de la durabilité, peut devenir un puissant levier d’action collective et de formation démocratique. Panorama de la question avec le dernier numéro de la Revue internationale d'éducation de Sèvres.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il n’est pas fréquent que la rédaction de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, ouvre l’un de ses dossiers par un avant-propos. C’est le cas à l’occasion de la parution du numéro 95 dont le dossier porte sur l’éducation au développement durable[1]. On pourrait en effet se demander si un tel dossier n’aurait pas plutôt sa place dans une revue de comparaison internationale des politiques publiques. Mais, s’il s’agit de changer le monde, alors l’éducation est l’arme la plus puissante dont on dispose, comme l’affirmait Nelson Mandela et comme nous le rappelle la rédaction.

Et, de ce point de vue, le dossier, par sa variété d’études de cas, de l’Inde au Brésil, en passant par l’Iran et la Norvège, de la Corée du sud à la Slovaquie en passant par le Burkina Faso et la Suisse, tient toutes ses promesses. Comme le notent les coordonnateurs du dossier dans leur introduction, l’éducation au développement durable se déploie entre internationalisation et effets locaux. Mais, outre cette tension, on observe aussi des fils conducteurs qui, d’un pays à l’autre, irriguent la question de l’éducation au développement durable.

Il en va ainsi de l’écart entre le prescrit (internationalement, nationalement, localement) et les mises en oeuvre effectives, comme le soulignent l’article norvégien à propos d’une société progressiste pétro-dépendante, l’article burkinabé signalant la déconnexion par rapport au réel des finalités affichées ou l’article suisse, qui met l’accent sur l’écart entre le prescrit officiel et les pratiques réelles. La question des finalités est justement posée dans ces trois articles, d’une manière bien différente de la contribution venue d’Iran, où l’omniprésence de la religion chiite pèse sur tous les enseignements et leur finalité. Ce n’est peut-être pas un hasard si l’article iranien consacre deux tableaux aux énoncés environnementaux dans les manuels scolaires, signalant par là l’importance du prescrit qui donne leur place aux analyses critiques et incite au changement de comportement individuel, en évitant soigneusement les questions socio-économiques.

L’influence du contexte socio-politique est perceptible en Iran, bien sûr, mais aussi au Burkina Faso, qui affronte des crises sécuritaires et humanitaires multiples, et en Inde, où une approche curriculaire critique affronte aujourd’hui une régression fruit d'un contexte gouvernemental en rupture avec le gandhisme.

On perçoit aussi, au travers des diverses études de cas, la tendance forte à passer d’un enseignement au travers d’une matière scolaire à une démarche éducative plus globale, associant connaissances et actions : c’est particulièrement le cas, à l’échelle nationale, en Corée du Sud, où désormais l’objectif est de former, dans et hors l’école, l’éco-citoyen terrestre, ou au Brésil, cette fois à l’échelle d’ écoles plus engagées que ne le sont les prescriptions officielles, où l’on passe des savoirs sur l’écologie à l’écologie des savoirs. La contribution de Suisse romande est intéressante à plus d’un titre : d’un part, le caractère confédéral du pays fait que, d’un canton à l’autre les politiques éducatives peuvent différer ; d’autre part, l’enjeu est aussi celui de la formation initiale et continue des enseignants et directeurs, qui doit elle aussi s’adapter à une éducation transformative, au sein même des disciplines scolaires. Ce qui fait écho à la formule clé de l’éducation à l’environnement en Slovaquie : « nous faisons ce que nous enseignons, nous enseignons différemment, nous faisons le changement ensemble ». L’étude de cas française, qui porte sur l’enseignement agricole, trop souvent dans l'ombre de l'éducation nationale mais souvent innovant, montre comment vont de pair l’évolution de la formation des professionnels de l’agriculture et l’évolution de ce secteur d’activité économique en direction de l’agro-écologie.

Ce qui frappe à la lecture de ce dossier, c’est bien, d’une part, l’intrication entre le curriculum de formation des élèves et celui des enseignants, et, d’autre part, la portée transformatrice d’une éducation, dès lors qu’elle sort des marges de l’enseignement pour se situer en son cœur. Les coordonnateurs[2] le soulignent dans leur conclusion : « il y a là un combat collectif à mener pour redonner pleinement à l’éducation son rôle, afin qu’elle propose des pratiques de mobilisation collective, qu’elle renoue avec plus d’imagination démocratique, qu’elle tende à former des citoyens autonomes et critiques, qu’elle permette l’affirmation de toutes les aires culturelles… »

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[1] https://journals.openedition.org/ries/14838

[2] Angela Barthes, Aix-Marseille Université, et Jean-Marc Lange, Université de Montpellier

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