« Les compétences sociales et civiques doivent pleinement trouver leur place dans le socle commun – davantage que dans une note de vie scolaire qui a perdu tout son sens.[1] »
Cette phrase, extraite du rapport de la concertation sur la refondation, semble sceller le destin d’une note instaurée par la loi d’orientation du 23 avril 2005, dite « Loi Fillon» dans son article 32. Celui-ci précise qu’« une note de vie scolaire » est incluse dans le diplôme national du brevet. Un arrêté de mai 2006[2] et une circulaire de juin 2006[3] en ont précisé le sens et les modalités de mise en œuvre. La circulaire interministérielle du 16 août 2006[4], signée par Gilles de Robien, Nicolas Sarkozy et Pascal Clément, en a conforté le sens.
Que devait-on retenir de ces textes ? On retiendra l’expression gouvernementale la plus achevée du sens politique de la note de vie scolaire, exprimée dans la circulaire du 16 août 2006 de prévention et lutte contre la violence en milieu scolaire.
« Afin de promouvoir les comportements positifs, valoriser l’engagement des élèves, les inciter à prendre des responsabilités et les soutenir dans cette démarche, une note de vie scolaire sera instaurée dans les collèges à la rentrée 2006. Elle sera attribuée en tenant compte notamment du respect de l’assiduité, du règlement intérieur (respect des adultes, des autres élèves, des locaux et du matériel, tenue, politesse), et de l’engagement dans la vie de l’établissement ou dans des activités organisées ou reconnues par l’établissement. Si cette note prend évidemment en compte les incivilités, elle doit avant tout valoriser des comportements responsables. Au-delà même de cette note de vie scolaire, il importe de rappeler que valoriser signifie aussi approuver, renforcer, récompenser. Aussi convient-il d’encourager, de féliciter, les élèves méritants pour leur sérieux, leur travail, leur motivation, leur civisme, leur engagement ou leur esprit de solidarité. »
« Promouvoir, valoriser (trois occurrences), inciter, soutenir, approuver, renforcer, récompenser, encourager, féliciter », on ne peut pas dire que ce texte n’indique pas clairement la direction dans laquelle on veut aller. Comment, à partir d’un sens aussi limpide, en arrive-t-on au constat, six ans plus tard, que la note de vie scolaire « a perdu tout son sens » ?
Il y a, à cela, plusieurs explications.
La première tient à une double résistance. Celles de professeurs, censés proposer la note au chef d’établissement qui la fixe en conseil de classe : bien des professeurs ont considéré que, s’ils étaient de experts dans leur discipline, ils ne l’étaient pas en matière de vie scolaire. Attribuer une telle note, c’était admettre qu’ils étaient aussi des éducateurs, ayant en face d’eux des élèves à instruire mais aussi à éduquer. Celle de conseillers principaux d’éducation, choqués que l’on puisse noter des comportements, et les faire noter par des professeurs dont on connaît la propension de certains à une notation sommative par soustraction plutôt que par addition.
La seconde tient au compromis démocratique tel qu’il se produite souvent en régime de gouvernance. Mieux vaut, croit-on, une cote mal taillée qu’un conflit ouvert. On s’est donc arrangé, en « coupant la poire en deux », 10 points pour le CPE, 10 points pour les professeurs, avec une grille de notation élaborée par eux, sans que les élèves y soient associés. Un temps de concertation plus ou moins rapide avant le conseil de classe entre CPE et professeur principal, et le tour est joué.
Résultat, observé en cette fin de premier trimestre dans un collège. Dans chaque classe, une forte majorité d’élèves obtient entre 16 et 19 (le 20 est tabou), et quelques élèves ont entre 4 et 6. Quels sens ont ces bonnes et mauvaises notes, dont tout laisse à penser qu’elles se répéteront de trimestre en trimestre ? La question n’est pas posée, il faut une note de vie scolaire pour le brevet, on en met une, on est donc inattaquable, dans la conformité.
Heureusement, dans certains établissements, on ne s’en est pas tenu à la conformité, on a pris le risque de l’intelligence, car celle-ci n’est pas le moins du monde incompatible avec la conformité.
Le risque de l’intelligence, c’est d’abord inscrire la note de vie scolaire dans un ensemble signifiant. Celui de la loi d’orientation de 2005, qui instaure le socle commun de connaissances et de compétences, et deux compétences clefs, les compétences sociales et civiques et l’autonomie et l’initiative. On sait combien les notes prise en compte pour évaluer les élèves dans les disciplines tiennent fort peu compte de ces compétences-là.
Celui de l’heure de vie de classe, instaurée depuis la fin du siècle dernier et si peu mise en pratique, hors situation de crise, alors que les dix heures annuelles de vie de classe, effectivement organisées, permettraient sans doute de prévenir certaines de ces crises. On voit bien tout le parti que l’on peut tirer d’un heure de vie de classe pour expliquer aux élèves les objectifs de progrès comportementaux attendus à leur niveau (on ne peut avoir les mêmes exigences en 6e et en 3e), dans leur classe (toutes les classes n’ont pas les mêmes comportements collectifs). Pour certains élèves, il s’agira d’objectifs personnalisés (on pense notamment aux élèves qui sont abonnés à une mauvaise note de vie scolaire), réalistes, atteignables. En fin de trimestre, une heure de vie de classe permettra aux élèves d’auto-évaluer leurs progrès collectifs et personnels, et de confronter leur évaluation à celle de l’équipe pédagogique et éducative. On se sera ainsi servi de la note de vie scolaire pour mettre les élèves en situation d’acquérir des compétences du socle commun, et la note chiffrée de vie scolaire n’interviendra qu’en bout de chaîne comme la traduction d’une évaluation d’étape sur le caractère non acquis, en cours d’acquisition, acquis, renforcé de tel objectif : je suis à l’heure en cours, je respecte mes camarades, je respecte les membres de la communauté éducative, je fais le travail scolaire demandé, je suis actif dans mon projet de formation…
On le voit, il serait dommage de tirer hâtivement la conclusion que la note de vie scolaire a perdu tout son sens. Elle ne l’a pas perdu partout. Elle a permis à des équipes de mettre en oeuvre un apprentissage concret, en classe et hors la classe, de compétences du socle commun. D’autres s’interrogent sur la manière de lui donner encore plus de sens, en lien avec l’acquisition du socle de connaissances et de compétences.
Il est souhaitable que cet acquis puisse se trouver renforcé par la mise en œuvre nouvelle de l’acquisition des compétences sociales et civiques, de l’autonomie et de l‘initiative dans le collège de la refondation.
[1] Refondons l’école de la République – Rapport de la concertation, page 45
http://cache.media.education.gouv.fr/file/10_octobre/62/6/Refondons-l-ecole-de-la-Republique-Rapport-de-la-concertation_228626.pdf
[2] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000242331&dateTexte=&categorieLien=id
[3] http://www.education.gouv.fr/bo/2006/26/MENE0601604C.htm
[4] http://www.education.gouv.fr/bo/2006/31/MENE0601694C.htm