En 1999, le recteur Daniel Bloch observait, alors que la France vivait le passage à l’euro, que, pour bien des Français, l’école idéale n’était pas celle de l’euro, mais celle des anciens Francs. Il signalait ainsi la vision nostalgique de "l’école d’avant" dominant souvent l’imaginaire éducatif des citoyennes et citoyens. Il n’imaginait pas que sa formule imagée aurait une telle actualité après la récente conférence de presse du Président de la République de ce mois de janvier 2024.
Depuis quelques mois, avec les déclarations de MM. Macron et Attal et de Mme Oudéa-Castera, on assiste en effet à la mise en œuvre d’une contre-réforme éducative. Sont jetées par dessus bord les avancées constituées par l’idée de permettre à tous les enfants de France d’accéder à un socle commun de culture, au sein d’un collège les accueillant théoriquement tous dans leur diversité. Des classes de niveau dès l’entré en 6e à l’examen d’entrée au lycée en passant par le retour au redoublement-sanction, c’est bien une école de la séparation et di tri qui se renforce, et l’expérimentation du port d’une tenue unique apparaît pour ce qu’elle est : un cache-misère de l’inégalité sous un uniforme, qui pourrait bien être la seule chose partagée dans cette école des anciens Francs.
Heureusement, face à ce déferlement, aggravé par le discrédit jeté sur l’école publique par la ministre qui est censée la protéger, associations, syndicats, chercheurs, professionnels de l’éducation[1] relèvent le défi et s’organisent pour riposter et proposer un autre chemin. C’est le sens de l’appel publié par le Café pédagogique, qui vise à rassembler toutes celles et ceux qui ne se résignent pas à une école toujours plus sélective et ségrégative, au mal-être des élèves qui en sont victimes, à une gouvernance autoritaire, à la pénurie d’enseignants qualifiés massivement remplacés par des vacataires, au déclin programmé de l’école publique. Toutes celles et tous ceux qui veulent pour les professionnels une formation initiale et continue de qualité, l’essor de coopérations partagées entre professionnels et chercheurs, acteurs de l’école et associations éducatives, et sont prêts à s’engage dans une réflexion collective, essentielle, de long terme : celle des programmes, savoirs, méthodes et leurs enjeux sociétaux culturels, éthiques, politiques. « Faut-il alourdir les programmes ou les réduire à des questions centrales qui regroupent, rendent la diversité des savoirs nécessaires et complémentaires ? Faut-il laisser les équipes pédagogiques penser leur mise en œuvre adaptée aux établissements, à leur public ? Quelles articulations à penser avec le périscolaire ? La question demande d’autres conceptions des programmes, la fin de leurs modifications incessantes sans aucune évaluation, des gestes et postures professionnels, certes à inventer, où les élèves seront davantage des acteurs, des explorateurs dans des collectifs de travail ».
Les signataires se proposent d’ouvrir 4 ou 5 chantiers successifs autour des questions vives posées, et d’organiser sur chacune d’elles des séminaires ouvrant des débats documentés, par la recherche, les expérimentations, les innovations de terrain, les témoignages. Il s’agit ainsi de construire ensemble des consensus pour être force de proposition. La perspective pourrait déboucher sur un grand rendez-vous pour un « Grenelle alternatif de l’école », en juillet ou septembre 2024, des états généraux pour faire le point sur l’ensemble des discussions menées.
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[1] Parmi les signataires, figurent notamment les syndicats de la FSU et de l’UNSA, la Fédération des conseils de parents d’élèves, l’association française des enseignants de français, la ligue de l‘enseignement, les CEMEA, le GFEN, les CRAP-Cahiers pédagogiques, etc.
Pour rejoindre cet appel : https://www.afef.org/halte-la-casse-de-lecole-une-riposte-collective-simpose-0