La vie scolaire et l’éducation à la citoyenneté constituent une des 5 entrées de la thématique les élèves au cœur de la refondation[1].
Deux données sont placées en exergue : 10 heures et 38,5%.
La première se réfère au nombre minimum (souligné par nous) d’heures de vie de classe par an qui doivent être intégrées dans l’emploi du temps des élèves « de collège » indique le site, alors que ce minimum est également dû aux lycéens depuis la fin du siècle dernier[2].
La seconde donne le taux de participation aux élections aux conseils de la vie lycéenne en 2011 et précise qu’il fut de 47,82% en 2006.
Concernant l’heure de vie de classe, on peut s’étonner que la présentation officielle du thème, soit en retrait par rapport aux objectifs fixés en 1999 par le ministère lui – même.
Ce que chaque observateur averti de la vie scolaire sait, c’est que, en collège comme en lycée général, technologique ou professionnel, les heures de vie de classe dues aux élèves ne sont pas assurées dans un grand nombre d’établissements, pour une majorité de divisions. Et tout se passe comme si, d’entrée de jeu, à l'heure du débat sur la refondation de l'école, on considérait que rappeler la nécessité d’heures de vie de classe pour les lycéens était placer la barre trop haut par rapport à la réalité.
On s’en étonne d’autant plus qu’il nous paraît intéressant de corréler heure de vie de classe effective et participation des lycéens aux élections aux conseils de la vie lycéenne (CVL).
Si les lycéens participent de manière de plus en plus minoritaire à l’élection des conseils de la vie lycéenne, c’est pour une multitude de raisons.
Evacuons d’abord la réponse rituelle : « ça ne les intéresse pas »,. Et la preuve imparable qui l’accompagne : « on n’arrive même pas à trouver des candidats ». Si le constat est exact, il ne décrit pas une cause, mais une conséquence. Si la vie lycéenne a si mauvaise presse ou pas de presse du tout auprès des lycéens eux-mêmes, c’est que les instances chargées de la faire vivre ne font pas sens pour eux.
D’abord, ces élections, qui se déroulent en début d’année scolaire, ne s’inscrivent pas dans un processus d’éducation civique et démocratique engageant l’établissement sur l'ensemble de l'année. Complètement déconnectées de l’enseignement d’éducation civique, juridique et sociale, elles sont confiées comme un pensum au référent vie lycéenne, bien souvent conseiller principal d’éducation, qui est trop rarement entouré d’une équipe pédagogique représentative des différents niveaux de classe, mobilisée tout au long de l’année scolaire. Trop souvent, le CVL n’est pas réuni comme il devrait l’être ni consulté sur les sujets relevant de sa compétence.[3]
Ensuite, la moyenne nationale de participation n’est pas plus représentative que les taux de participation académiques. D’un établissement à l’autre, celle-ci peut varier de 0% à 98%. Dans le premier cas, aucun travail éducatif n’a été entrepris et l’opération a été si confidentielle que personne n’y a participé. Dans le second, on a fait défiler systématiquement les élèves par division au bureau de vote, selon une pratique qui n’a que de lointains rapports avec la participation responsable de l’électeur à une élection. Dans les deux cas, l’élection même a été vidée de son objectif d’éducation démocratique.
Faut-il s’étonner, cela posé, que les lycéens ne croient pas à un simulacre de vie démocratique ?
Les heures de vie de classe pourraient être un temps régulier de réflexion collective sur la vie dans la classe et dans l’établissement, les délégués de classe pourraient être porteurs auprès des élus du CVL de constats, de demandes et de propositions, et pourraient faire retour à leurs mandants en heure de vie de classe sur les questions traitées en CVL.
Les maisons des lycéens, dont l’existence est obligatoire depuis la rentrée 2010, sont également conçues pour donner aux lycéens la possibilité d’exercer dans leur établissement des activités culturelles, artistiques, de loisir, de prendre des responsabilités dans leur animation et leur gestion, et donc de se sentir partie prenante de l’établissement et de sa vie. Mais comment créer chez les élèves un sentiment d’appartenance à leur lycée quand, dans cet établissement, en dehors des heures de cours, il n’y a d’autre espace de travail, d'initiative, d’accueil et de convivialité qu’un CDI sous-dimensionné et une salle de permanence qui déborde ? En cette rentrée 2012, combien de lycées ont une maison des lycéens effectivement animée et fréquentée par de nombreux lycéens ?
Peut-on se résigner à ce que la vie lycéenne reste le parent pauvre des lycées, puisque les objectifs assignés depuis plus de vingt ans aux instances de vie lycéenne sont loin d’être atteints partout ?
Si l’on souhaite qu’au lycée aussi, le changement ce soit maintenant, il faut sortir d’une approche, juxtapositive dans le meilleur des cas, des enseignements et de la vie lycéenne. Un véritable projet collectif d’éducation à la responsabilité civique, offrant à chaque lycéen la possibilité de réaliser un parcours citoyen, peut rassembler professeurs de disciplines diverses, professeurs principaux, professeurs-documentalistes, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation, personnels des services de santé et sociaux. Temps d'enseignement et temps de vie lycéenne particpent d'une démarche intégrative d'éducation. Les heures de vie de classe ne sont plus dans ce cadre des heures dont on ne sait quoi faire, les élections au CVL et les débats au CVL intéressent les lycéens qui y sont associés, en débattent en heure de vie de classe et étudient le fonctionnement des instances démocratiques en éducation civique, juridique et sociale. Dans un établissement où existe une maison des lycéens dynamique, un centre de connaissances et de culture où les élèves approfondissent leur culture de l’information et leur culture artistique et civique, où les personnels dans leur complémentarité sont partie prenante avec les élèves et leur parents d’un projet de formation démocratique, cela n’est pas hors de portée.
[1] http://www.refondonslecole.gouv.fr/sujet/la-vie-scolaire-et-leducation-a-la-citoyennete/
[2] Selon une circulaire parue au Bulletin officiel de l'éducation nationale n° 21 du 27/5/1999, les heures de vie de classe
" visent à permettre un dialogue permanent entre les élèves de la classe, entre les élèves et les enseignants ou d'autres membres de la communauté scolaire, sur toute question liée à la vie de la classe, à la vie scolaire ou tout autre sujet intéressant les lycéens. Elles sont inscrites à l'emploi du temps de tous les élèves. Si la fréquence et les modalités d'organisation de ces heures peuvent être variables selon les établissements, elles doivent cependant avoir lieu au minimum tous les mois et être organisées sous la responsabilité du professeur principal ou des conseillers principaux d'éducation, avec le concours des enseignants de la classe, des conseillers d'orientation-psychologues, des documentalistes et des personnels de santé. Selon les thèmes et les sujets abordés au cours de ces heures, elles peuvent être animées par des personnels de l'établissement ou par les lycéens eux-mêmes. L'organisation et le contenu de ces heures sont définis par le conseil d'administration après avis du conseil de la vie lycéenne."
[3] Dans notre billet du 16 avril 2012, nous avons cité à ce propos le rapport de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée sur la mise en œuvre de cette réforme
http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/160412/deux-rapports-au-ministre-sur-la-reforme-du-lycee-des-pharmakons