La lecture du rapport du haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) consacré à la Formation à l’égalité filles-garçons[1] appelle à «faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité ».
Il fait à ce sujet plusieurs recommandations touchant à la formation initiale et continue de ces personnels comme aux compétences requises pour leur recrutement et à la constitution d’un vivier de formateurs sur ce thème.
Il observe avec justesse que « la loi pour la refondation de l’école a constitué un progrès indéniable en prévoyant que les ESPE organisent des « formations de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes[2]». Mais il omet de citer le début même de cette loi et de celle qui l’a précédée (la loi Fillon de 2005), qui ont fait inscrire au code de l’éducation (article L111-1) qu' « outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l'éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains (…) Dans l'exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en oeuvre ces valeurs[3] ».
Cet article appelle en effet de manière implicite à l’exemplarité les personnels et l’institution elle-même.
L’étude de la distribution par sexe des personnels de direction est révélatrice du chemin qui reste à parcourir pour que, de ce point de vue aussi, les élèves échappent dans leur fréquentation des collèges et des lycées, à la consolidation de stéréotype sexistes au travers de la composition des équipes de direction de leurs établissements.
L’origine des chiffres que nous allons donner est incontestable. Tous figurent au Bilan social des personnels de direction 2015[4] publié par le ministère de l’éducation nationale.
On apprend dans ce bilan que l’on compte 57% d’hommes parmi les chefs d’établissement (soit 43% de femmes), alors que l’on compte 55% de femmes parmi les adjoints (soit 45% d’hommes). Seules quelques académies échappent à la règle qui veut que les hommes soient majoritaires parmi les chefs (Guadeloupe, Martinique, Paris et Versailles) et que les femmes le soient parmi les adjoint.e.s (Caen, Guadeloupe, Lille, Nantes, Reims, Réunion).
La répartition en grades est éloquente également. Il y a trois grades de personnels de direction : la deuxième classe, la première classe et la hors-classe. Sera-t-on surpris d’apprendre que les femmes représentent 54% de la deuxième classe, mai seulement 45% de la première et 40% de la hors-classe ? Comme l’écrit sobrement le Bilan social, « au sein du corps des personnels de direction, on constate que plus le grade est élevé, plus la proportion d’hommes est importante ». On observera sans surprise que, dans les promotions à la hors classe, on compte 59,5% d’hommes contre 40,5% de femmes. La proportion parmi les promus de la 2e à la première classe est e 51,5% de femmes contre 48,5% d’hommes.
La répartition des affectations entre les catégories d’établissement est tout aussi révélatrice. La répartition entre les sexes n’est strictement paritaire que dans les plus petits établissements (catégorie 1). A l’autre bout de la chaîne, pour les établissements les plus importants (catégorie 4e exceptionnelle), on compte 75% d’hommes et 25% de femmes. La même loi s’applique donc : plus la catégorie de l’établissement est élevée, plus la proportion d’hommes et importante.
La composition des jurys de concours de recrutement est également symptomatique. Il y a en effet deux catégories de concours, selon le grade d’origine des candidats. Pour la catégorie 2, on est presque à la parité, avec 48,6% de femmes et 51,4% d'hommes. Pour la catégorie 1, on compte seulement 41,5% de femmes contre 58,5% d’hommes.
Il n’y a pas jusqu’au nombre de personnels de direction non titularisés à l’issue de leur stage qui n’échappe pas à la règle du genre : spectaculairement, 71% des personnels non titularisés sont des femmes, contre 29% d’hommes.
Ces quelques exemples témoignent de la manière dont l’institution elle-même peut contribuer de fait à consolider des stéréotypes de genre dans le recrutement, la titularisation, l’affectation et la promotion des personnels de direction. La formation des élèves à l’égalité entre les hommes et les femmes passerait aussi par un changement plus visible dans ce domaine.
[1] http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_formation_a_l_egalite_2017_02_22_vf.pdf
[2] Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la république – Chapitre VI.
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000027682584&idSectionTA=LEGISCTA000006166558&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20170223
[4] http://cache.media.education.gouv.fr/file/personnels_de_direction/87/2/2015_bilansocial_WEB_573872.pdf