Qu’est-ce que le populisme éducatif ? Selon Xavier Pons[1], c’est « une situation politique dans laquelle des gouvernants proposent un programme d’action publique flattant les attentes perçues de la population sans tenir compte des propositions, des arguments et des connaissances produits dans le cours de l’action publique par les corps intermédiaires ou les spécialistes du sujet (experts, évaluateurs, chercheurs…). Ce populisme n’est pas « éducatif » uniquement parce qu’il se déploie dans le secteur de l’éducation mais aussi parce qu’il véhicule une vision simplifiée de l’éducation (…) et parce qu’il permet d’« éduquer » aux enjeux de la politique éducative une partie de la population traditionnellement éloignée des questions de gouvernance de l’école ».
Ce mois-ci, un sondage Kantar pour L’Hémicycle et Epoka[2], a questionné un échantillon de Français pour savoir ce qu’ils veulent en matière d’éducation, à l’occasion de l’élection présidentielle. Le résultat est résumé en un phrase : « L’école doit se concentrer sur les disciplines de base (français et mathématiques), réaffirmer l’autorité des enseignants, diminuer le nombre d’élèves par classe et favoriser l’apprentissage ». Et l’opinion majoritaire (67%) est que « la situation s’est dégradée ces dernières années ».
Sans surprise, bien des candidates et candidats à l’élection présidentielle vont partager ce discours sur la dégradation de l’Ecole et sur les solutions qu’il convient d’y apporter : la centration sur les fondamentaux, la restauration de l’autorité des enseignants, l’essor de l’apprentissage. Ainsi le « plus d’heures d’enseignement du français et des mathématiques à l’école », la « restauration de l’autorité et de la discipline » sont préconisés par Mme Pécresse, Mme Le Pen veut « la moitié du temps scolaire dédié à l’apprentissage du français », « autoriser l’apprentissage dès l’âge de 14 ans » et rendre « le port de l’uniforme obligatoire », M. Zemmour souhaite « recentrer l’enseignement autour des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter) », « contrôler l’acquisition des savoirs fondamentaux à la fin du primaire » en instaurant un Certificat de Fin d’Etudes quand Mme Pécresse veut rétablir l’examen d’entrée en 6e… M. Macron, pour qui « l’école, c’est d’abord les fondamentaux », annonce « un effort massif pour l’apprentissage »…
L’adéquation de ces diverses propositions aux résultats du sondage d’opinion est manifeste, alors que, pour prendre l’exemple de l’enseignement du français et des mathématiques à l’école, la France détient déjà le record horaire des pays de l’OCDE sans que les résultats des élèves aux évaluations nationales et internationales ne cessent de baisser. On est bien là dans le populisme éducatif.
Les citoyens français valent mieux que ce simplisme caricatural. Comme l’a rappelé récemment le CICUR dans sa Lettre ouverte aux candidats aux élections de 2022 sur ce que l’Ecole doit enseigner aux élèves[3], « Le respect des citoyens impose d’écarter les fausses solutions : l’énième réforme de structure qui ne touche à rien de l’essentiel, la restauration de l’École d’avant (rétablir l’examen d’entrée en 6e…). Le retour nostalgique aux pratiques du passé n’est d’aucun secours pour répondre aux défis éducatifs ». L’essentiel, quel est-il ? «Il est urgent de définir :
- ce que notre société estime indispensable d’apprendre à l’École, à partir de finalités qui seront d’abord à expliciter ;
- les savoirs et leurs mises en œuvre pédagogique et didactique capables de susciter l’intérêt et l’engagement des élèves à court et à long terme ;
- les organisations disciplinaires et interdisciplinaires des enseignements ;
- des temps et des espaces scolaires formateurs de futurs citoyens ;
- la formation et les recrutements d’enseignants concepteurs de cette fonction majeure pour la société ;
- les modalités d’affectation, d’évaluation et de certification des élèves ».
Et si l’on en parlait, à dix-huit jours du premier tout de l’élection ?
__________________________________________________________________
[1] https://www.cahiers-pedagogiques.com/un-populisme-educatif-en-france-soyons-serieux/
[2] Sondage Kantar sur l’éducation pour L’Hémicycle et Epoka. Échantillon national de 1000 personnes représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, interrogées en ligne du 24 février au 1er mars 2022, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne de référence et région).
https://lhemicycle.com/2022/03/10/recherche-education-francaise-desesperement/