Le 46e colloque de l’Association française des acteurs de l’éducation (AFAE) réuni à Montpellier ce week-end[1] portait sur libertés et responsabilités des acteurs de l’éducation. Nous avons particulièrement été intéressés par l’attention portée aux élèves, à travers une table ronde de lycéennes et lycéens issus des voies professionnelle, technologique et générale et un atelier qui questionnait le statut des élèves, entre agents, acteurs ou auteurs de leur parcours scolaire.
Des témoignages portés par Maéva, Soumia, Eldin et Lucas, en réponse aux questions de Benjamin Paul, on retiendra plusieurs traits qui permettent de dessiner par petites touches parfois contradictoires un tableau contrasté.
Contraste entre ce que l’un d’entre eux appelle la « dictature » des cours, compensée par le fait qu’en classe de BTS, les élèves peuvent proposer de présenter un exposé sur une question au programme. Contraste entre le régime illibéral imposé par une proviseure qui contraint les élus lycéens à renoncer au projet d’action qu’ils ont choisi pour leur imposer le projet qu’elle a décidé et, dans un autre établissement, la consultation démocratique de tous les lycéens, via le logiciel Pronote, pour choisir le personnage féminin dont une sculpture sera installée au lycée.
Contraste encore entre le refus ferme opposé à une élève en fin de 3e de son passage en seconde générale et l’accompagnement bienveillant du conseiller principal d’éducation (CPE) de ce même collège qui permet à l’élève concernée de trouver son chemin dans la voie professionnelle, chemin qui l’a conduite désormais en classe de BTS.
Selon les moments, selon les établissements, selon les professeurs ou CPE, les élèves sont donc parfois seulement agents de leur parcours dont les figures leur sont imposées (leçons, devoirs, orientation), parfois acteurs également, dans le cadre de la vie collégienne ou lycéenne comme dans la responsabilité qui est la leur dans le travail personnel de préparation et de révisions, parfois encore auteurs, lorsque le choix du sujet de l’exposé ou du projet annuel du conseil de vie lycéenne est laissé à leur responsabilité.
L’atelier, préparé et animé par Yves Zarka, a permis de confronter la réalité vécue par les élèves français à celle vécue par les élèves finlandais et italiens.
Ce qui frappe, c’est que des éléments de langage habituels à propos de l’école finlandaise évoquent rarement des traits spécifiques : les élèves fréquentent une école où la continuité du parcours commun conduit à plus de 99% de « bacheliers », avec une école publique qui scolarise 98% des élèves. L’école finlandaise est donc bien une école commune où l’équité n’est pas un horizon mais une réalité.
Une école aussi ou l’on part du principe que le bien-être des enseignants est la garantie du bien être des élèves. Et qu’on ne peut être recruté comme enseignant que si on a fait la preuve en se préparant au métier de sa capacité à coopérer au sein d’équipes enseignantes. L’histoire scolaire italienne a été marquée par des personnages comme Don Lorenzo Milani, prêtre fondateur de l’école de Barbiana, à destination des plus démunis, dont une des devises était dans les années cinquante du siècle dernier : « l’obéissance n’est plus une vertu ».
Critique de la hiérarchie, de l’évaluation invalidante, objectif d’avoir « des mains libres pour expérimenter » figurent également au programme d’autres écoles, où ce sont les élèves qui choisissent leurs ateliers d’apprentissage et où les enseignants sont des facilitateurs. Ces éclairages extérieurs, apportés par Franck Le Cars et Francesca Grillo, permettent de mettre en évidence ce qui peut peser sur les élèves et leurs enseignants dans l’école française, ce qui pourrait être modifié dans la formation initiale des enseignants comme dans le parcours scolaire qui s’apparente plus à une course continue destinée à sélectionner les plus « forts » et à éliminer les autres qu’à un parcours laissant toute sa place à la confiance mutuelle, à la tranquillité et à la liberté.
Ce colloque a donc permis de mesurer ce qui est en train de « bouger » dans la liberté et les responsabilités des élèves, mais aussi ce qui pèse sur l’épanouissement du pouvoir d’agir de l’ensemble des acteurs de l’éducation, élèves, personnels, cadres, pouvoir d’agir largement contraint par des consignes et des modes d’évaluation qui transforment en course d’obstacles l’apprentissage des uns et l’enseignement des autres.
______________________________________
[1] https://www.afae.fr/colloques/46e-colloque-national-de-lafae/