Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

807 Billets

1 Éditions

Billet de blog 23 juin 2017

Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

Le bien être des élèves: inégalement partagé et en recul ?

Selon les résultats de PISA 2015, le sentiment de bien-être à l’école des élèves de 15 ans serait globalement en recul entre 2003 et 2015, et inégalement partagé. L’influence du milieu social et de l’origine sociale des élèves d’un même établissement est une nouvelle fois mise en lumière. Des points de vigilance essentiels pour les responsables de la politique éducative.

Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il est courant d’étudier les performances, les résultats, les compétences des élèves, moins fréquent de se poser la question de leur bien-être, que certains jugent sans doute encore aujourd'hui parfaitement inappropriée. C’est ce que s’est proposé de faire le numéro 71 de PISA à la loupe, intitulé : Les élèves sont-ils heureux ? Résultats du PISA 2015 : le bien-être des élèves[1].

Les résultats de cette étude sont contrastés.
D’une part, ils témoignent qu’à 15 ans, plus de 70% des élèves de l’OCDE font part d’un niveau de satisfaction à l’égard de leur vie égale à 7,3 sur une échelle allant de 1 à 10. Les élèves français affichent un niveau de satisfaction de 7,6.

Mais, comme toutes les moyennes, celles-ci cachent des disparités entre pays (de 7,8 de satisfaction aux Pays Bas à 6,1 en Turquie ou 6,4 en Corée du Sud) mais aussi entre sexes et milieux sociaux : les filles et les élèves de milieux défavorisés sont moins satisfaits que les garçons et les élèves de milieux favorisés.

D’autre part, ils témoignent aussi d’un fort taux d’élèves très angoissés, même s’ils sont bien préparés, par les contrôles : 64% des filles et 47% des garçons sont dans ce cas.

Cette enquête confirme également les effets du milieu social sur plusieurs domaines importants.

Sur le sentiment d’appartenance à la communauté scolaire d’abord : « dans 67 pays et économies, la majorité des élèves font part d’un sentiment d’appartenance à leur communauté scolaire. Dans de nombreux pays toutefois, les élèves défavorisés et les élèves immigrés de la première génération sont moins susceptibles que leurs pairs d’exprimer un sentiment d’appartenance à leur établissement ». L’étude observe également qu’ « en moyenne dans les pays de l’OCDE, et dans de nombreux pays et économies partenaires, le sentiment d’appartenance des élèves à l’école s’est affaibli entre 2003 et 2015».

Sur le sentiment de justice, qui est lié au précédent, ensuite : « un élève sur cinq affirme faire l’objet d’une forme de traitement injuste de la part de ses enseignants (punition sévère ou sentiment d’être insulté ou ridiculisé devant les autres) au moins quelques fois par mois ». Ce taux de 20% est à rapprocher de celui-ci : « Environ 11% des élèves indiquent faite l’objet au moins quelques fois par mois de moqueries de la part d’autres élèves, et 8%, de mauvaises rumeurs ».

Sur la manière d’envisager l’avenir enfin : « en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 44% des élèves de 15 ans comptent obtenir un diplôme universitaire. En Colombie, en Corée, aux Etats-Unis et au Qatar, plus de trois élèves sur quatre se disent dans ce cas. En moyenne, les élèves défavorisés sont 2,5 fois moins susceptibles (soit un écart de 40 points de pourcentage) que leurs pairs favorisés de compter obtenir un diplôme universitaire ». Cette donnée est à mettre en lien avec une autre observation des auteurs de cette étude : «les enfants dont les parents exercent une profession manuelle nourrissent des aspirations scolaires et professionnelles plus élevées lorsqu’ils fréquentent un établissement accueillant un pourcentage important d’enfants dont les parents exercent une profession intellectuelle ».

Ces quelques indications nous incitent à être attentifs en France à plusieurs points de vigilance.

D’une part, être conscient que ce que nous persistons à   appeler la « méritocratie républicaine »  est fortement marqué d’une bonne part d’«héritocratie ». L’objectif de «lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative» affirmé dans l’article L111.1 du Code de l’éducation demeure une très ardente obligation[2].

D’autre part, la dernière donnée citée conforte le caractère prioritaire de la mixité sociale dans tous les établissements scolaires, si l’on veut réduire les inégalités d’ambition et de réussite scolaires.

Enfin, associer la bienveillance à l’exigence dans l’idée que l’on se fait de l’école et de son action de professeur et d’éducateur demeure essentiel, si l’on veut améliorer le bien-être de tous les élèves en classe, condition préalable à leur plein engagement dans le travail scolaire, et à leur réussite dans celui-ci.

____________________________________________________________

[1]

OCDE (2017), PISA 2015 Results 5volume III : Students’Well-Being, PISA, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264267510-en.

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=D77F75CA4AEA07E7FF8D5E0301220ADD.tpdila07v_1?idSectionTA=LEGISCTA000006166558&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20170623

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.