Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

814 Billets

1 Éditions

Billet de blog 23 novembre 2025

Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

"Savoirs fondamentaux" : vulgate ministérielle ou intelligence collective ?

Jean-Pierre Veran (avatar)

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est un post de l’académie de Rennes sur Linkedin[1] qui fait écho à la réunion, le 18 novembre dernier, du conseil académique des savoirs fondamentaux (CASF), mis en place conformément à la note de service du 10 janvier 2023[2], signée « Pour le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, et par délégation, Le directeur général de l'enseignement scolaire, Édouard Geffray » désormais ministre en titre.

Ce post est remarquable en ce qu’il est la parfaite expression des éléments de langage officiels pour fonder la politique des savoirs mise en place sous les deux quinquennats du Président Macron et renforcée lors du passage éclair de M. Attal au ministère de l’éducation nationale, que ses différents successeur.e.s à ce poste ont confirmée.

Le titre de la note de service du 10/1/2023 « Conseils académiques des savoirs fondamentaux : une stratégie académique cohérente au service de la réussite des élèves » est sagement repris dans le texte du post  où figurent notamment les expressions « dynamique du projet académique », « offrir à chaque élève les moyens de réussir ».Mais les mots clés de la note de service sont également présents dans le post.

La note de service précise-t-elle que « chaque recteur ou rectrice élabore, avec le conseil académique, une feuille de route d'une durée de cinq ans pour l'apprentissage des savoirs fondamentaux » ? Le post indique que « les membres du CASF ont posé les fondations d’une feuille de route résolument tournée vers l’avenir ».

La note de service indique-t-elle que « le conseil procède à l'analyse des résultats aux évaluations à l'échelle académique et départementale, et partage les éléments d'analyse à l'échelle de la circonscription et des écoles ou établissements » ? Le post précise que le CASF s’appuie « sur les enseignements tirés des évaluations nationales ».

La note de service préconise-telle que « le conseil examine également l'ensemble des actions pédagogiques existantes en matière de renforcement des apprentissages fondamentaux et de réduction des inégalités en la matière, afin de partager avec l'ensemble des cadres territoriaux, directeurs et directrices d'école et chefs d'établissement, les meilleures pratiques et les résultats observés » ? Le post indique que le conseil s’appuie « sur la richesse des projets innovants portés par la Cellule académique recherche, développement, innovation et expérimentation ».

On notera toutefois la non reprise dans le post de la recommandation suivante de la note de service : « le suivi des effets sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux des projets des écoles et établissements engagés dans le CNR - « Notre école, faisons-la ensemble ». Il ne s’agit pas d’un oubli de la part d’un bon élève attentif aux prescriptions ministérielles, mais plutôt de passer discrètement sur la disparition au budget des crédits affectés, les années précédentes, dans le cadre du conseil national de la rénovation (CNR), aux écoles et établissements s’engageant dans la démarche « Notre École, faisons-la ensemble ».

On notera, à l'inverse, une notion absente de la note de service, celle d’« intelligence collective » dans la conclusion du post : « L’académie de Rennes s’engage à réduire les inégalités et à offrir à chaque élève les moyens de réussir. Il reste donc à concrétiser cette vision, en mobilisant l’intelligence collective ». Le ministère pourrait s’étonner que cet objectif, préconisé dès janvier 2023, ne connaisse pas encore, près de trois ans plus tard, de réalisation concrète...

Mais c’est sans doute l’intelligence collective, sur laquelle se termine le post, qui permettra de dépasser la simple reprise des éléments de langage ministériels, fidèlement déclinés à l’échelle de l’académie de Rennes.

On pourrait même attendre de l’intelligence collective qu’elle exerce son esprit critique sur ce que peut bien signifier le dogme des « savoirs fondamentaux », quand on sait combien, aujourd’hui, il importe, non pas de trier et hiérarchiser les savoirs, tout comme on trie et hiérarchise les élèves selon leur « niveau », mais de les relier, de façon à assurer non pas un bagage minimaliste en français et en mathématiques pour les élèves les plus fragiles, mais un accès, comme tous les autres, en coopérant avec tous les autres, à une véritable culture commune partagée. Mais cela supposerait qu'une autre politique des savoirs, qui rompe avec celle où s’est illustré M. Geffray, soit enfin élaborée démocratiquement.

_______________________________________________

[1] https://www.linkedin.com/posts/academie-de-rennes_les-savoirs-fondamentaux-la-rectrice-helene-activity-7396593038124273665-bDgg/?utm_source=social_share_send&utm_medium=android_app&rcm=ACoAAATx5kcB0B5nCcvMiDNUyf6b_Miz-6b_Ji8&utm_campaign=whatsapp

[2] https://www.education.gouv.fr/bo/23/Hebdo2/MENE2300948N.htm

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.