A l’occasion de la semaine de la presse et des médias dans l’école®, une rencontre des médias scolaires a été organisée hier à l’atelier CANOPE de Montpellier conjointement par le CLEMI (centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information) et la délégation académique à la vie lycéenne et collégienne (DAVLC). Elle a réuni une centaine d’élèves engagés dans des médias scolaires et des professionnels des médias, journalistes, photographe, dessinateur de presse, maquettistes.
Elle a donné lieu à des échanges entre élèves et professionnels des médias mais aussi à la production d’une page, qui a suivi toutes les étapes du travail, de la conférence de rédaction à l’édition, en passant par les entretiens ou enquêtes, la prise de photos et de vidéos, la rédaction des articles, le choix des titres, la mise en forme et la publication.
La conférence de rédaction, co-animée par une journaliste et une experte de l’éducation aux médias, a réuni des représentant de chacun des médias scolaires pour déterminer le travail à accomplir à partir des propositions de chacun. Progressivement s’est élaborée la maquette de la page à produire. Choix du titre, à partir d’une proposition Le Caneton pour indiquer qu’il s’agissait d’une nouveau « canard » de jeunes, choix et hiérarchie des articles : à quoi servent les journalistes aujourd’hui ?, le quotidien d’un journaliste, ce que les jeunes attendent de la presse, une colonne de brèves sur l’actualité du jour…
Ensuite, les équipes se sont réparti le travail et l’ont conduit dans des temps resserrés qui leur ont fait éprouver le stress du journaliste. Dans un groupe, par exemple, il a fallu réaliser des entretiens avec des professionnels pressés, contourner les esquives possibles pour enrichir les informations recueillies, mettre en commun les éléments essentiels de chaque interview pour dégager la ligne directrice de l’article et envisager son titre. Compte tenu de ce qui ressortait des entretiens, c’est Profession journaliste : sacerdoce ou liberté ?[1] qui a été retenu. Le travail d’élaboration de l’article a débuté, à partir des notes écrites ou des enregistrements vidéos, par le choix de quelques citations saillantes à retenir dans le texte de l’article. La rédaction s’est faite collectivement, avec saisie immédiate et projection à l’écran, de façon à ce que chacun puisse s’exprimer et qu’on procède à une validation collective phrase après phrase. Ce qui frappe chez ces élèves journalistes scolaires, c’est l’attention portée au choix des mots, pour trouver l’expression la plus juste de ce que l’on veut dire. Ce n’est pas la même chose, par exemple, d’écrire « la liberté dont ils jouissent » ou « la liberté dont ils disposent parfois ».
Il est intéressant d’observer la manière dont les élèves coopèrent simultanément à plusieurs échelles : au sein de leur micro-équipe d’interview et au sein plus large de l’équipe de rédaction de l’article, de manière à être le plus précis dans la retranscription de ce qu’ils ont perçu dans le corps de l’article.
On est tenté de mettre en relation ce qu’on observe dans cette situation avec ce que certains commentaires postés sur ce blog laissent entrevoir d’une école où les savoirs seraient déconsidérés au profit de considérations strictement utilitaristes. Ces élèves journalistes ne sont peut-être pas les meilleurs élèves dans les enseignements disciplinaires, mais il ne fait pas de doute qu’ils apprennent, à travers cette activité qui ne relève pas d’un enseignement disciplinaire, à formuler leur pensée, questionner des adultes, confronter des points de vue, synthétiser des observations, à être très attentifs à la justesse et à la correction de leur expression. Et tout cela, non pas dans la concurrence avec les autres, mais dans la coopération avec eux.
Cet exemple n’et-il pas le meilleur démenti qui puisse être porté à l’égard des discours sur l’école du déclin ? Les médias scolaires dans toute leur diversité -journaux, webradio, webTV, blogs…-, sont bien sur un espace privilégié d’éducation à l’information et aux médias, à la citoyenneté démocratique, mais aussi à la maîtrise des langages écrits et visuels, à la connaissance des voies de formation et des métiers. Un ou plusieurs médias scolaires sont, pour les élèves d’un établissement, autant d’occasions d’enrichir leurs parcours de formation, leurs connaissances, leurs compétences et leur culture. Et l’on perçoit bien qu’une telle entrée n’est en rien contradictoire avec les ambitions fondamentales de l’école républicaine, rappelés dès 1791 par Condorcet : « Le but de l'instruction n'est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l'apprécier et de la corriger. Il ne s'agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacune devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison[1]».
[1] https://leblogdejulesraimu.wordpress.com/category/coups-de-coeur/
[2] Condorcet, Cinq mémoires sur l’instruction publique, Premier mémoire, page 42, Présentation, notes, bibliographie et chronologie part Charles Coutel et Catherine Kintzler. Paris : Garnier-Flammarion, 1994, 380 pp. Coll. : Texte intégral.