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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université
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Billet de blog 25 juin 2017

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«La rentrée en musique»: un symptôme de «la poudre de perlimpinpin»?

Appeler sous forme d’une « information » émanant du ministre publiée le 21 juin, jour de la fête de la musique, à une mobilisation pour une « rentrée en musique » le 4 septembre prochain, traduit pour le moins un mode de gouvernance désinvolte par rapport à l’autonomie des établissements scolaires, et marque l’écart entre le dire et le faire ministériels.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une information de Jean-Michel Blanquer[1], parue sur le site du ministère de l’éducation nationale annonce une «  "rentrée en musique", le lundi 4 septembre 2017, afin de marquer de manière positive le début de l'année dans les écoles, les collèges et les lycées ». 

Les arguments ne manquent pas pour justifier cette initiative : « Le développement de la pratique collective de la musique est essentiel pour bâtir l'école de la confiance (…) Il s'agit de proposer aux élèves, qui étaient déjà présents l'année précédente, d'accueillir leurs nouveaux camarades en musique, manière chaleureuse de leur souhaiter la bienvenue ».

Mais l’information précise aussi les modalités de cette opération : « La chorale et/ou l'orchestre des écoles maternelles et primaires, du collège ou du lycée seront au cœur de l'organisation de cet événement. Les élèves et les parents musiciens seront aussi associés à ce temps fort de même que le milieu associatif et les collectivités locales. Cette opération se réalise en lien étroit avec le ministère de la culture de sorte que toutes les institutions culturelles pourront être sollicitées pour anticiper ce moment exceptionnel ».

A partir de cette information, il est légitime de se poser quelques questions.

1/ S’agit-il vraiment d’une information ? Il semble plutôt qu’il s’agisse d’une instruction destinée aux écoles et aux établissements publics locaux d’enseignements. Une instruction déguisée en quelque sorte, qui ne prend pas la forme rituelle de la circulaire ministérielle. La direction générale de l’enseignement scolaire n’est apparemment pas concernée, « l’information » émane du ministre.

2/ On peut donc s’interroger sur la forme de gouvernance caractérisée par ce procédé. Si les instructions passent désormais par un canal d’"information", elles demeurent néanmoins des instructions peu compatibles avec la volonté affichée par le ministre d’élargir l’autonomie des établissements scolaires en faisant confiance aux enseignants.

3/ Accessoirement, on notera la pertinence d’une information donnée le 21 juin, quand les élèves et enseignants des lycées sont depuis longtemps hors de leur établissement en raison du baccalauréat, pour inviter à une rentrée en musique le 4 septembre. C’est pour le moins faire confiance à une capacité remarquable de réactivité et de mobilisation des élèves et des personnels, si ce n’est faire preuve de la plus parfaite désinvolture à leur égard.

Le syndicat SNPDEN-UNSA des personnels de direction a relevé le caractère surprenant du procédé.

« 1 - Cette "lettre" (qui, d’ailleurs, ne nous est bizarrement pas adressée et ne semble pas être parvenue partout) n'est pas une circulaire : elle n'induit aucune obligation (et certainement pas des circulaires, enquêtes ou gloses locales, comme certains se sont déjà empressés de le faire).
2 - - Si la "lettre" devient un mode de communication destinée à ce que le ministre fasse partager ses préférences, le mieux serait de nous les adresser directement avec le mode d'emploi de cette nouvelle gouvernance...[2]
»

On peut de demander si cette information-invitation-instruction ne traduit pas une nouvelle fois l’écart entre le dire et le faire, le dire valorisant l’autonomie des acteurs, le faire prenant des moyens détournés pour maintenir un régime d’injonction bureaucratique « allégé », descendant du sommet vers la base[3]. Autrement dit, certains discours ministériels pourraient n’être que "de la poudre de perlimpinpin".

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[1] http://www.education.gouv.fr/cid117986/la-rentree-en-musique.html

[2] http://www.snpden.net/node/4292

[3] A titre d'exemple, voici le message reçu par les chefs d'établissement d'un département :

Madame, Monsieur,
s/c du Directeur Académique Adjoint des Services de l'Education Nationale,
Notre nouveau ministre, monsieur Blanquer, souhaite que la rentrée du 4 septembre 2017 ait lieu "en musique" :
http://www.education.gouv.fr/cid118176/jean-michel-blanquer-et-francoise-nyssen-proposent-une-rentree-en-musique-aux-eleves.html
Dans notre département, il s'agirait donc d'accueillir les futures classes de CP,  6e et 2nde par un moment musical convivial, si possible en incluant les élèves des niveaux plus élevés.
Cet accueil pourra prendre la forme qui vous semble la plus simple et opportune pour votre établissement, par exemple :

-l'apprentissage d'un chant "de rentrée", éventuellement avec les parents
-l'écoute d'un groupe de l'établissement (chorale, groupe instrumental, groupe d'adulte de l'établissement...)
-une visite de l'établissement "en musique"
-une mini "scène ouverte" dans la cour pour les musiciens volontaires (parents, anciens élèves, associations de la ville...)

[liste non exhaustive]
Cette action pourra  être intégrée au projet fédérateur et structurant 2017-2018 des établissements secondaires. La presse, Mme le Recteur et M. le DAA-SEN se déplaceront sur les lieux participants à l'opération.
Il semblerait donc opportun -selon la formule choisie- de décaler la rentrée des nouveaux élèves au lundi 4 septembre après-midi, afin de laisser la matinée disponible pour d'éventuelles répétitions.
N'hésitez pas à vous manifester assez vite par mail pour que nous puissions préparer ensemble les modalités de cette opération.
Il n'y a cependant pas d'obligation cette année,si cela s'avère trop complexe, de participer à cette action. Un grand merci d'avance donc, à tous les établissements et adultes qui se porteront volontaires pour participer à cette journée dans un timing aussi serré.
 

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