Selon le ministère de l’éducation nationale, « Au cours de l’année de 3e, l’élève et sa famille se décident pour la voie générale et technologique ou la voie professionnelle. Pour faire son choix, l’élève doit s’informer sur son orientation et évaluer ses centres d’intérêts, ses résultats scolaires tout au long de son année[1] ».
Le discours est clair : « l’élève et sa famille se décident pour la voie générale et technologique ou professionnelle », et l’élève fait « son choix » en évaluant « ses centres d’intérêt, ses résultats scolaires tout au long de son année ».
Cette présentation des choses est effective pour celles et ceux dont les résultats scolaires satisfaisants leur permettent en effet de faire un choix validé par l’institution. Car il ne faudrait pas croire, comme on pourrait le penser à la lecture de cette présentation, que tout se passe comme s’il n’y avait pas, en fin d’année de troisième, l’examen des vœux de l’élève et de sa famille par le conseil de classe, qui évalue souverainement les résultats scolaires de l’élève, et une décision d’orientation prise non par les intéressés mais, au final, souverainement par le chef d’établissement, suivie d’une décision d’affectation prise ensuite par le DASEN. Or, si tout se passe idéalement pour celles et ceux qui réussissent dans les enseignements dispensés au collège, pour toutes et tous les autres, majoritairement issus des milieux populaires, ces décisions d’orientation, qui ne leur appartiennent pas, constituent un verdict, car elles et ils sont orientés trop souvent contre leur gré, sur la base d’un échec dans des enseignements généraux plus que d’un intérêt pour tel ou tel champ professionnel. Cette amère expérience génère une désaffiliation scolaire et civique, comme on a pu le voir lors des émeutes urbaines de juillet 2023.
Ce n’est pas la même chose de faire des vœux sur lesquels une autorité se prononce que de choisir vraiment son orientation.
Nous n’allons pas soupçonner le Ministère de mal informer élèves, les parents et le public, mais, au contraire, remercions-le d’anticiper sur ce que pourrait être en effet une orientation laissée au choix des élèves et de leur famille, où le droit à l’erreur serait reconnu. En dessinant cette réponse idéale à la question « que faire après la troisième ?», il nous incite à revoir profondément la liaison entre le collège et le lycée, en proposant, par exemple, de créer un cycle de formation incluant 3e et classe de véritable seconde de détermination. Ainsi les années collège seront libérées de la perspective du tri nécessaire entre les bons et les moins bons, et tous les élèves de seconde bénéficieront d’un tronc commun de formation et de la liberté d’expérimente des choix personnels, ce qui leur permettra de se décider vraiment pour la suite du lycée. C’est ce que préconise le Manifeste pour le Collège du CICUR[2] : « il faut supprimer l’orientation imposée en fin de troisième. Tous les lycées devraient faire partager à tous les lycéens une culture commune, de manière à ce que rien de définitif ne fige l’orientation des élèves avant qu’ils puissent expérimenter leurs vrais points forts et désirs ».
___________________________________
[1] https://www.education.gouv.fr/reussir-au-lycee/que-faire-apres-la-troisieme-12506
[2] R-F Gauthier & J-P Véran, Manifeste pour le Collège, (P)oser les vrais termes du débat !, Librinova, 2024