Les données françaises de l’enquête internationale Health behaviour in Scholl-aged children (HBSC) relatives au vécu scolaire des collégiens[1], publiées en ce mois de décembre par l'agence Santé publique France, apportent quelques éléments utiles à la compréhension du vécu scolaire des collégiens. Précisons d’abord que l’enquête a été réalisée en 2014, ce qui exonère la réforme du collège de 2016 de tout impact sur les résultats.
D’une part, on constate une notable évolution entre les données de 2010 et celles de 2014. « La proportion d’élèves déclarant être assez ou beaucoup stressés par le travail scolaire a significativement augmenté entre 2010 (21,4 %) et 2014 (25,3 %). Cette hausse s’avère la plus importante chez les filles entre 2010 et 2014 (26,1 % vs 36,3 %) ».
Si « 79,6 % des garçons se disent pas du tout ou un peu stressés vs 69,6 % des filles», « la perception d’exigences scolaires élevées augmente avec l’avancée dans le collège, pour les deux sexes, passant de 16,2 % 25,2 % entre le début et la fin du collège. La proportion d’élèves jugeant les exigences scolaires élevées atteint un pic chez les garçons en 4e (27,5%) alors que chez lesfilles ce pic est observé en 3e (27,2%) ». Il y a là de quoi donner à réfléchir sur le climat scolaire régnant dans les classes de 4e et 3e nos collèges. Le fait que plus d’un quart des élèves de 4e et 3e perçoivent les exigences scolaires comme élevées, et se sentent stressés, doit-il être considéré comme une bonne chose, révélant aux élèves eux mêmes le caractère exigeant du travail scolaire ? Ou ces chiffres sont-ils l’indice que ces élèves perçoivent déjà leur destin scolaire comme marqué par un échec dans la course à l’excellence (poursuivre ses études en lycée général) qui se traduira par une orientation en lycée professionnel ? Comme le rappelle L’Etat de l’Ecole 2016[2], « parmi les élèves en troisième à la rentrée 2014, près de 27 % ont intégré la voie professionnelle sous statut scolaire ». La correspondance entre les données de 2014 est en tout cas frappante.
Si un peu moins d’un tiers des collégiens (33,4% des garçons vs 28,9% des filles) perçoivent un soutien élevé de la part de leurs pairs (31,2%), plus de la moitié déclarent un soutien de niveau moyen (54%). On peut voir là une confirmation de la pertinence de l’objectif affiché par l’article 2 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de « favoriser la coopération entre les élèves ».
Les données concernant le redoublement sont éclairantes. Si 80% des collégiens sont « à l’heure » et 3,1% « en avance », 16,9% (18,8% des garçons vs 14,8% des filles) sont « en retard ». La proportion de ces derniers augmente au fil des ans au collège, chez les garçons (14,8% en 6e vs 22,3% en 3e ) comme chez les filles (12,2% en 6e vs 21,1 % en 3e). La proportion d’élèves déclarant aimer beaucoup l’école est beaucoup plus faible chez ces élèves que chez les élèves « en avance » (19,3% vs 34,6%). Seuls 23,1% des élèves « à l’heure » aiment beaucoup l’école. La proportion d’élèves déclarant ne pas aimer du tout l’école est de 21 ,5% chez les élèves « en retard » contre 11,3% chez les autres. Chez les élèves « en retard » la perception d’avoir des résultats inférieurs à la moyenne de leurs camarades est trois fois plus forte que chez les élèves « à l’heure » (27,9% vs 8,9%), alors qu’elle est nulle chez les élèves « en avance » (0,9%). La perception inverse (avoir des résultats meilleurs que la moyenne de ses camarades) concerne 28,2% des élèves ayant redoublé, 56% des élèves « à l’heure » et 84,5% des élèves « en avance ». Ces données montrent qu’en 2014 encore, le collège doublait le nombre d’élèves en retard entre la 6e et la 3e. Elles semblent démentir en tout cas l’idée selon laquelle le redoublement permettrait de redonner confiance à l’élève concerné.
Entrer dans ces données permet de nuancer quelque peu une approche trop rapide qui se satisferait de constater que 2/3 des collégiens disent aimer l’école, ou que 80% des élèves y sont « à l’heure ».
L’entrée « vécu scolaire » n’est qu’une des douze entrées de cette enquête qui permet, par la diversité de ses angles d’approche, d’offrir ce que Le Monde appelle, dans son édition du 23 décembre, un « portrait des adolescents d’aujourd’hui », de la santé mentale à la santé dentaire, en passant par les habitudes alimentaires, les relations familiales et avec les pairs, la perception du corps ou les relations amoureuses. Les comparaisons entre les données nationales et les données issues de 41 autres nations permettent de mieux cerner la spécificité des collégiens français : plus grande difficulté de communication avec leurs parents, perception moins positive de leur vie, particulièrement peu actifs physiquement entre 13 et 15 ans, en tête du palmarès concernant la consommation de cannabis à 15 ans ; peu fréquemment en surpoids ou obèses, parmi les plus nombreux à utiliser préservatif ou pilule contraceptive. On regrettera que cette fiche évoque la comparaison entre les vécus scolaires seulement au travers de la plutôt bonne perception par les collégiens français du soutien de leurs pairs (8e sur 42). D’autres enquêtes permettent de le faire de manière plus approfondie.
[1] http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1723.pdf
Pacoricona Alfaro D. L., Ehlinger V., Sentenac M., Godeau E. La santé des collégiens en France/2014. Données françaises de l’enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC). Vécu scolaire. Saint-Maurice : Santé publique France, 2016 : 6 p.
« Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) est une enquête transversale conduite en classe auprès d’élèves de 11, 13 et 15 ans, par auto-questionnaire anonyme, tous les 4 ans depuis 1982, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé. Elle porte sur la santé, le bien-être des jeunes, leurs comportements de santé et leurs déterminants. En 2014, elle a été menée dans 42 nations selon une méthodologie et un questionnaire standardisés. En France, l’échantillon de 2014 comporte 7 023 collégiens scolarisés dans 169 collèges métropolitains. Les établissements et classes sélectionnés pour participer à l’enquête ont été tirés au sort par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère chargé de l’Éducation nationale selon un sondage en grappes aléatoire stratifié/équilibré afin d’assurer la représentativité de l’échantillon final. Le seuil de significativité des différences présentées dans les brochures est fixé à 1 ‰, sauf mention contraire ».
[2] http://cache.media.education.gouv.fr/file/etat26/13/3/depp-etat-ecole-2016-voie-professionnelle_675133.pdf