Dans notre billet du 14 janvier, nous nous sommes interrogés sur ce que l’on pouvait lire dans le répertoire des métiers (REME) publié en novembre 20121 par le ministère de l’éducation nationale et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. En analysant les fiches consacrées aux enseignants et aux responsables des activités éducatives, on pouvait voir, écrivions-nous, « comme un retour à la séparation entre activité d’enseignement, intellectuellement noble, nécessitant curiosité intellectuelle et capacité d’adaptation, connaissance des enjeux du système éducatif, et activité d’éducation, ne nécessitant pas les mêmes réquisits intellectuels, mais se voyant explicitement dévolues, outre les activités traditionnelles de contrôle et de surveillance, une contribution à l’éducation à la citoyenneté et à l’apprentissage des règles de vie communes ».
Pour mieux dessiner l’avenir du métier de conseiller principal d’éducation, il importe aussi de lire la circulaire n° 2010-096 du 7-7-2010 qui présente le programme CLAIR, désormais ECLAIR (écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Est en effet créée, dans ce programme, une fonction de préfet des études, innovation majeure puisque « membre de l’équipe de direction, chaque préfet des études est, sous l’autorité du chef d’établissement, responsable pédagogique et éducatif du niveau de classe qui lui est confié ».
Le préfet des études a pour mission, selon la circulaire, de « coordonner et animer le travail pédagogique et éducatif des équipes (professeurs principaux, enseignants, personnels de surveillance, d’assistance pédagogique et éducative) » et d’ «organiser la vie scolaire». Ne se substituerait-il pas à terme au conseiller principal d’éducation, ainsi déchargé de l’organisation de la vie scolaire et de l’animation du travail des personnels de surveillance et d'assistance éducative ?
Sous une appellation particulièrement connotée, empruntée à l’enseignement privé religieux où, selon le grand Larousse universel, « le préfet (des études) dans les collèges jésuites (frère préfet) ou dans d’autres établissements religieux d’enseignement, veille à la discipline et à la bonne marche des études », le préfet des études serait-il le fossoyeur du CPE de l’enseignement public ?
Coïncidence temporelle intéressante, alors que la circulaire est parue au Bulletin officiel du 22 juillet 2010, moins de trois semaines plus tard, le 10 août 2010, dans une question posée au ministre de l’éducation nationale, un député « attire (son) attention sur la nécessité de réintroduire la fonction pleine et entière de surveillant général. Sa mission exclusive serait de surveiller les élèves, de contrôler les entrées et les sorties, de prendre en charge les élèves punis et de s’assurer que les sanctions sont effectuées».
Faut-il croire à un scénario de restauration : le préfet des études et le surveillant général prenant la place du CPE, chacun pour ce qui le concerne ?
On prendra ici le parti contraire.
Pour le faire, on s’appuiera d’abord sur la réponse du ministre au parlementaire, réponse datée du 28 décembre 2010. « La nomination des préfets des études correspond (…) à la création de nouvelles missions, complémentaires de celles des enseignants et des CPE, dont, notamment, la coordination et l’animation du travail éducatif et pédagogique des équipes (…) Ce nouveau dispositif manifeste la volonté d’assurer une meilleure cohérence entre les dimensions pédagogique et éducative au sein de l’établissement ».
Comment ne pas souscrire à un tel objectif ? Dans notre billet du 14 février, nous écrivions en conclusion : « Si, dans nos établissements, la tension existe entre professeurs et conseillers principaux d’éducation, si les uns et les autres n’agissent pas de manière concertée et dans le respect du travail et des compétences de chacun pour éduquer les élèves, quel résultat attendre pour Marie et celles et ceux qui sont dans la même situation ? Tant qu’il y aura une école d’en haut et une école d’en bas, le second degré ne surmontera pas les difficultés éducatives que chacun de ses personnels peut y rencontrer.»
Les préfets des études ne constituent pas en effet un corps nouveau, distinct de celui des enseignants et des CPE. Il s’agit d’une mission confiée
- soit à « un enseignant dont le service est défini en fonction des misions et des responsabilités qui lui sont confiées par le chef d’établissement ; il peut notamment enseigner dans une classe dont il est le professeur principal »
- soit à « un, ou, le cas échéant, des conseiller(s) principal(aux) d’éducation de l’établissement ».
On peut alors écrire un scénario plus optimiste pour les CPE. La fonction de préfet des études, dans laquelle peuvent se retrouver des enseignants et des CPE, n’et-elle pas un moyen de parvenir à réduire le cloisonnement des uns et des autres dans rôle exclusivement pédagogique ou éducatif ? Progressivement, ne peut –on imaginer que cette nouvelle organisation du travail contribue efficacement à dissiper les tensions encore observées entre professeurs qui professent et CPE qui éduquent ? A terme, ne pourrait on pas imaginer dans l’établissement un réseau constitué du CPE, intervenant sur tous les niveaux, des préfets des études, intervenant sur un niveau spécifique chacun, des professeurs principaux coordonnant le travail pédagogique et éducatif pour une classe de chaque niveau ?
Pour que ce scénario puisse advenir, il faudra dépasser certaines frilosités toujours vives dans le corps des CPE. Les préfets des études étant membres de l’équipe de direction, on voit mal comment un CPE qui n’en ferait pas partie pourrait coordonner leur travail à l’échelle de l’établissement sous l’autorité du chef d’établissement.
Mais la recherche obstinée de la cohérence éducative, alliant action pédagogique collective et accompagnement personnalisé, apprentissages disciplinaires e éducation, formation civique par l’action et l’accès à l’humanisme numérique, ne vaut-elle pas que la profession des CPE s’inscrive dans une dynamique susceptible de lui permettre d’atteindre la finalité même de sa mission ? Pour cette perspective ambitieuse, le costume taillé par le REME pour le « responsable des activités éducatives »[1] est bien trop étroit.
[1] Voir notre billet du 14 janvier et http://www.education.gouv.fr/cid56479/repertoire-des-metiers-de-l-education-nationale-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche.html