Le Conseil supérieur de l’éducation a donné un avis favorable, le 6 juin, au projet d’arrêté fixant le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation[1].
Ce référentiel définit les quatorze compétences communes à tous les métiers, les quatre spécifiques des professeurs-documentalistes et les huit spécifiques des conseillers principaux d’éducation.
Comme les circulaires fixant les missions de ces deux métiers ont été publiées en 1982 pour les CPE[2] et en 1986 pour les personnels exerçant dans les CDI[3] (le CAPES qui recrute les professeurs-documentalistes a été créé en 1989), on peut rechercher dans ces compétence spécifiques une forme de mise à jour des compétences professionnelles requises pour les uns et les autres.
Le professeur documentaliste « a la responsabilité du centre de documentation et d’information, lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information. Il contribue à la formation de tous les élèves en matière d’éducation aux médias et à l’information ». Dans cette phrase introductive est bien résumée sa double identité professionnelle de documentaliste, responsable du CDI et de professeur contribuant à l’éducation aux médias et à l’information des élèves. La « mise en œuvre d’une politique documentaire », « la diffusion de l’information au sein de l’établissement, et « l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel » s’inscrivent dans la continuité du protocole d’inspection élaboré par l’inspection générale en 2007[4].
Le conseiller principal d’éducation est présenté comme « conseiller de l’ensemble de la communauté éducative et animateur de la politique éducative de l’établissement ». On note donc dans ce référentiel une référence directe à la politique éducative de l’établissement, et non plus seulement à la vie scolaire[5]. Cela se traduit notamment par une compétence spécifique, « Impulser et coordonner le volet éducatif du projet d’établissement ». On pourra discuter le recours à la notion de volet. Elle peut en effet se traduire par une forme de juxtaposition contraire au concept même de politique : un projet d’établissement avec un volet culturel, un volet éducatif, un volet orientation, un volet numérique tiendrait plus du catalogue que du projet cohérent. En outre, elle peut laisser entendre que l’on maintiendrait la dichotomie entre le pédagogique (pour les professeurs) et l’éducatif (pour les CPE).
Pour les CPE comme pour les professeurs-documentalistes, l’accent est mis, par delà leurs responsabilités spécifiques, sur leur coopération avec les autres personnels de l’établissement.
Le professeur-documentaliste « exerce ses activités dans les établissements scolaires au sein d’une équipe pédagogique et éducative dont il est membre à part entière». Qu’il s’agisse d’éducation aux médias et à l’information, d’incitation à la lecture ou de politique documentaire ou encore d’ouverture de l’établissement, le référentiel insiste sur la coopération « avec les professeurs de discipline », « les autres professeurs », et sur « les travaux disciplinaires ou interdisciplinaires ». A propos de l’évolution des espaces de travail, son action est « en lien avec l’équipe pédagogique et éducative ».
Pour le CPE, il s’agit notamment de « contribuer » « à l’enseignement civique et moral de l’élève ainsi qu’à la qualité du cadre de vie et d’étude », « à la promotion de la santé et de la citoyenneté », « à l’élaboration de réponses collectives pour aider les élèves à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent », « au suivi de la vie de la classe » « avec les enseignants et avec le concours des assistants d’éducation aux dispositifs d’accompagnement des élèves », « avec les enseignants, les professeurs documentalistes et les conseillers d’orientation psychologues, au conseil et à l’accompagnement des élèves dans l’élaboration de leur projet personnel » et de « travailler dans une équipe pédagogique ».
On le voit, le mérite de ce référentiel professionnel est de mettre l’accent sur le fait que les professeurs-documentalistes et les CPE, qui sont souvent seuls dans un établissement de taille moyenne, notamment en collège, sont des acteurs –clefs du travail d’équipe, que leur participation active au conseil pédagogique comme au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté est un facteur déterminant de la politique pédagogique et éducative de l’établissement que formalise le projet de l’établissement. On est bien loin des images réductrices qui subsistent parfois dans les représentations de certains de leurs interlocuteurs, on perçoit clairement la complexité et la richesse de leur apport à la vie de l’établissement. Ces métiers, que d’aucuns considèrent parfois comme des spécificités françaises, voire des incongruités, trouvent dans ce référentiel une illustration de la valeur ajoutée qui est attendue d’eux au sein des établissements secondaires français.
Le professeur-documentaliste est un professeur pour tous les élèves, sans classes spécifiquement attribuées et sans service d’enseignement normé par un programme. Le CPE accompagne également tous les élèves dans leur parcours de formation.
Cette originalité ne manque pas d’intérêt quand, une fois encore, un cycle national d’évaluation témoigne, en histoire, géographie et éducation civique, d’une baisse du résultat des collégiens français entre 2006 et 2012[6].
A l’heure où la forme scolaire traditionnelle est fortement interrogée par l’essor des moyens numériques de communication et d’information[7] et par son incapacité à atteindre l’objectif de réussite scolaire de tous les enfants d’une génération, conseiller principal d’éducation et professeur-documentaliste sont sans doute, des modèles professionnels complémentaires précieux pour refonder l’école.
Je souhaite à mes contacts comme aux membres du club, que je remercie pour leurs commentaires, et à tous les lecteurs de ce blog un bel été.
Le prochain billet paraîtra quand la rentrée s’annoncera.
[1] http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/competencesprofs.pdf
[2] http://cpe.paris.iufm.fr/spip.php?article139
[3] http://www.cndp.fr/savoirscdi/?id=209
[4] http://disciplines.ac-bordeaux.fr/documentation/uploads/news/33/file/Protocole_inspection_2007%20pdf.pdf
Les lecteurs du Guide TICE du professeur-documentaliste publié en novembre 2012 par le SCEREN-CNDP(coord. Denis Tuchais et Jean-Pierre Véran) retrouveront avec intérêt la mention de ces différentes entrées dans le référentiel.
[5] De la vie scolaire à la politique éducative est le sous-titre de l’ouvrage publié par Berger -Levrault en 2009 (2e édition en 2012) Le conseiller principal d’éducation, coordonné par Jean-Paul Delahaye.
[6] Note d'information - DEPP - N° 13.11- juin 2013
« Mesurées dans le cadre d’un cycle d’évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon (Cedre), les performances des élèves de troisième en histoire-géographie et éducation civique se dégradent sensiblement entre 2006 et 2012. Sur l’échelle décrivant six niveaux de performance, les collégiens obtiennentun score moyen inférieur de 11points à six ans de distance et la part des élèves dans les groupes de faible niveau augmente. »
Auteurs : Émilie Garcia et Jérôme Krop, DEPP B2
[7] On lira avec intérêt à ce sujet le dossier mis en ligne le 10 juin par le ministère de l’éducation nationale :
et notamment
« Une intégration de l’éducation aux médias de manière transversale dans les différentes disciplines, ainsi qu’une inscription lisible de ces compétences dans le futur socle de compétences, de connaissances et de culture (…)
Une implication renforcée des conseillers principaux d’éducation dans la veille des réseaux sociaux numériques de l’établissement et une vigilance accrue quant aux conséquences sur la vie scolaire de l’établissement »