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Billet de blog 29 octobre 2012

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Vous avez dit «droit de retrait»?

Il n’est pas rare de lire ou d’entendre, quand des événements graves à caractère violent surviennent dans un établissement scolaire, que « les enseignants ont fait valoir leur droit de retrait »[1].

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Il n’est pas rare de lire ou d’entendre, quand des événements graves à caractère violent surviennent dans un établissement scolaire, que « les enseignants ont fait valoir leur droit de retrait »[1].

Il semblerait ainsi que le droit de retrait soit un droit collectif, et qu’il puisse s’exercer dès lors que les personnels estiment les conditions de travail dégradées au point d’être potentiellement dangereuses pour leur sécurité. Il n’en est rien.

Il est bon de revenir au décret n° 82-453 du 28 mai 1982[2] relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique.

Le décret indique que, « si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les système de protection, il en avise immédiatement l’autorité administrative. »

L’article 5-6 précise :

« I. - L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. 

Il peut se retirer d'une telle situation. 

L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. 



II. - Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. 



III. - La faculté ouverte au présent article doit s'exercer de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. »

Le droit de retrait est donc un droit individuel, pouvant s’appliquer à un groupe de personnels placées dans la même situation, mais ne peut s’appliquer  à un collectif de personnels unis par le même statut ou partageant les mêmes locaux sans se trouver dans les mêmes conditions de travail. C’est pourquoi le tribunal administratif requalifie certains arrêt de travail au titre du droit de retrait en mouvement revendicatif susceptible de faire l’objet d’une retenue sur traitement pour service non fait.

Le droit de retrait s’exerce en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé de la personne. Le juge administratif apprécie la gravité de ce danger et l’imminence inéluctable d’une atteinte à la vie ou à la santé de l’agent concerné.

Le droit de retrait enfin ne peut s’exercer s’il provoque un risque accru pour d’autres personnes.

Ainsi, la jurisprudence relative à l’éduction nationale[3] éclaire bien l’exercice très encadré du droit de retrait. Régulièrement le juge administratif considère  « que les conditions de travail sont dégradées mais qu’il n’y a pas de motif raisonnable de penser, pour chaque personnel concerné, que la situation de travail présentait un danger grave et imminent » et conclut donc à la légitimité de la retenue sur traitement (TA, Cergy-Pontoise, 16 juin 2006, 28 septembre 2006,) ou qu’ « une simple situation de danger ainsi qu’une dégradation certaine des conditions de travail ne peuvent suffire à justifier un droit de retrait »(TA, Marseille, 7 mai 2009).

On le voit, le droit de retrait  est loin d’être considéré comme opposable à des situations de travail dégradées au sein d’un établissement scolaire.

Le chef d’établissement, responsable de la sécurité des personnes et des biens, peut voir sa responsabilité pénale engagée si celle-ci n’est pas assurée par lui-même ou des personnels placés sous son autorité. C’est dire l’importance du diagnostic de sécurité[4] et du suivi effectif de ses recommandations, du document unique de sécurité, de la mise en place d’une commission d’hygiène et de sécurité dans l’établissement, susceptible de formuler des propositions adaptées, et de l'agent chargé de la mise en œuvre des règles d'hygiène et sécurité (ACMO). C’est dire aussi l’importance du CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) dont la circulaire n° 2006-197 du 30 novembre 2006[5]rappelle qu’il prépare le plan de prévention de la violence en visant l’acquisition des compétences civiques et sociales par les élèves. Et le rôle des nouveaux assistants de prévention et de sécurité dont nous avons parlé dans notre billet du 1er octobre[6]

Les personnels expriment au travers d’un souvent illusoire droit de retrait une exigence de sécurité pour les élèves et pour eux mêmes. C’est une politique résolue de protection du milieu scolaire dans l’établissement, appuyée au besoin par l’équipe académique de sécurité, qui est le plus sûr garant de la sécurité de chacun.


[1] Voir, par exemple, l’article publié le 4 octobre 2012 http://www.politis.fr/Mon-bahut-va-craquer,19573.html

[2] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006063791&dateTexte=vig

[3] le guide pratique du chef d’établissement employeur réalisé par le service juridique de l’académie de Créteil apporte de précieuses informations à ce sujet. http://ww2.ac-creteil.fr/cartable20102011/guide-du-chef-d-etablissement-employeur-janvier-2011.pdf

[4] http://eduscol.education.fr/cid46845/diagnostic-de-securite-au-college-et-au-lycee.html

[5] http://www.education.gouv.fr/bo/2006/45/MENE0602019C.htm

[6] http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/011012/assistants-de-prevention-et-de-securite-nouveaute-ou-continuite

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