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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 31 janvier 2012

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La division du travail d’encadrement : quel avenir pour l’inspection pédagogique?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La lecture du  REME (Répertoire des métiers - éducation nationale - enseignement supérieur et recherche) a déjà inspiré nos trois billets (voir les billets des 14, 19 et 26 janvier).

On a vu comment le REME semblait maintenir implicitement une distinction entre ceux qui professent et ceux qui éduquent, on analyse aujourd’hui la manière même dont y sont classés les métiers de l’encadrement de l'éducation nationale.

Le REME est composé de plusieurs parties. Celle intitulée « management, pilotage et contrôle » présente les métiers que l’on appelle communément d’encadrement.

On trouve sans surprise dans cette dernière successivement les fiches métiers de recteur, cadre dirigeant, cadre dirigeant en établissement public, directeur d’un grand établissement public, cadre de direction, cadre de direction en établissement public, responsable sectoriel, directeur d’un établissement public d’éducation et de formation, gestionnaire d’établissement responsable de projet, inspecteur général. Il ne viendra à personne l’idée de s’interroger sur l’ordre qui prévaut dans le classement de ces métiers. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est pas alphabétique.

A ceux qui s’étonneront de ne pas trouver la fonction d’inspecteur d’académie,  on répondra  d'une part qu’il s’agit d’une fonction et non d’un métier, d’autre part que le décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012 relatif à l’organisation académique a officialisé le remplacement des IADSDEN par les Directeurs académiques des services de l’éducation nationale (DASEN). Ces emplois, dans le REME, correspondent parmi d’autres  (chef de service en administration centrale, secrétaire général d’académie) au métier générique de cadre dirigeant.

Bien entendu, le métier de directeur d’un établissement  public d’éducation et de formation ouvre sur les postes de proviseur, principal  et  de proviseur ou principal adjoint.

On cherchera vainement dans cette partie le métier d’inspecteur du premier ou du second degré.

La fiche métier qui correspond aux emplois d’inspection du premier et du second degré (IEN, IEN-IO, IEN-ET-EG et IA-IPR) existe pourtant bel et bien. Mais elle ne figure pas dans la partie « management, pilotage et contrôle ». Elle est classée dans la partie « éducation et formation tout au long de la vie », sous le titre générique d’inspecteur. Et l’on peut trouver une indication sur le sens d’un tel classement, quand on lit la mission générique attachée à ce métier « mettre en œuvre la politique éducative ; assurer des missions de pilotage, d’évaluation et de conseil ». Si le terme « pilotage » est bien présent dans cette définition, ce qui pourrait justifier la présence de la fiche dans la même partie que  les autres personnels d’encadrement,  il ne vient qu’en second, la première mission étant  de « mettre en œuvre » et non pas d’impulser, contribuer à définir, « la politique éducative », qui est justement définie par ceux qui managent, pilotent et contrôlent.

Des corps d’inspection pédagogiques, seuls les inspecteurs généraux sont donc inclus, in extremis, dans la liste des métiers relevant du management, du pilotage et du contrôle. Les autres inspecteurs « mettent en œuvre », avec les autres professionnels de l'éducation et de la formation tout au long de la vie.

A l’heure de la bonne gouvernance, de la responsabilisation,  de la délégation, ce décrochage des inspecteurs territoriaux  du reste de l’encadrement de l’éducation nationale peut légitimement interroger. 

Faudrait-il y lire la survivance de la vieille distinction entre les « pédagogues  » et les « administratifs », les inspecteurs territoriaux étant fortement marqués par leur appartenance aux premiers ?  L’inspecteur n’est-il jamais qu’un super-prof, quand un cadre est quelqu’un qui sait administrer, manager, faire autorité ? Apparemment entre ligne pédagogique et ligne administrative, la séparation reste claire, les seuls inspecteurs généraux relevant des métiers de management, pilotage et contrôle, en dépit de leur incontestable expertise pédagogique, en quelque sorte.  

On observe plutôt une sorte de solution de continuité de la chaîne pédagogique, séparant inspecteurs généraux et inspecteurs territoriaux, tandis que la chaîne administrative confirme sa solidité dans  une hiérarchie qui va du recteur au gestionnaire d’établissement en passant par les cadres dirigeants et  les directeurs d’établissement.

On peut dès lors se poser quelques questions. Les IEN, par exemple,  - qui ont, dans le premier degré, la responsabilité d’une circonscription » sous l’autorité du DASEN (ci-devant IADSDEN)- « contribuent au pilotage du système éducatif », « évaluent les enseignements et les établissements », « inspectent et conseillent les personnels enseignants », « contribuent au management des personnels » selon les termes mêmes de leurs missions présentées sur le site du ministère de l’éducation nationale[1].  Que signifie leur absence des métiers de «management,  pilotage et contrôle » dans le REME ? Peut-on s’empêcher d’établir un lien entre cette absence et le projet de décret modifiant les modalités d’évaluation des enseignants et confiant cette responsabilité au chef d’établissement dès la rentrée 2012 ?

Quel effet ce classement des inspecteurs territoriaux hors « management, pilotage et contrôle », peut-il  avoir sur le dialogue, la coopération, l’action concertée avec leurs collègues de l’encadrement stricto sensu, et , notamment , les DASEN et chefs d’établissement ? 

Faut-il voir, dans ce découplage,  sinon l'avis d’une mort annoncée, plutôt un schéma d’avenir qu’un legs du passé ?

[1] http://www.education.gouv.fr/cid1138/inspecteur-education-nationale.html

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