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Billet de blog 18 décembre 2015

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RETOUR SUR LA RÉVOLTE DES ISOLOIRS

Il y a aussi des démarches qui s’imposent. Les élus locaux et nationaux doivent subir de notre part une pression permanente. Ecrivez à vos élus pour les mettre devant leurs responsabilités.

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Après les résultats des élections régionales, on a ressenti dans les scores du Front National comme un vent de révolte envers le système politique et ceux qui sont censés représenter le peuple. Ici même, sur Mediapart, de nombreux commentaires, de nombreux billets ont exprimé leur exaspération envers ceux qui, normalement, symbolisent les volontés de la Nation. Certains prônent l’indifférence par l’abstention, d’autre le vote blanc. Quelques-uns préconisent une révolution physique, ce qui, depuis un certain temps, ressemble à une véritable utopie.

            Il y a aussi d’autres démarches qui s’imposent. Les élus locaux et nationaux doivent subir de notre part une pression permanente. Il nous faut leur faire part de notre mécontentement, nos revendications, nos remarques et nos propres analyses des situations, en permanence. Il faut leur montrer que "nous ne sommes pas à genoux". C’est ainsi que j’ai écrit la lettre ci-après au maire de ma commune avec copie au député de ma circonscription ainsi qu’à un sénateur de mon département. Je leur fait part de mes interrogations. Je leur fait part de ma révolte. Ecrivez à vos élus pour les mettre devant leurs responsabilités.

Bonjour Bastien,

            Après les résultats insupportables des élections régionales, la situation impose qu’on réfléchisse, qu’on prenne le temps d’extirper nos idées et qu’on livre nos points de vue, nos exigences. Il est grand temps de ne plus laisser les instituts politiques, les sondeurs et autres éditorialistes politiques analyser les causes de l’échec, c’en est un, du parti socialiste qui a entraîné derrière lui celui de la gauche. Il appartient aux citoyens de faire connaître leur propre analyse et le fond de leurs pensées aux élus, aux responsables politique. Nous ne pouvons plus nous contenter seulement de voir notre réflexion prendre vie uniquement dans un isoloir de temps en temps. Car il est évident qu’il y a eu dimanche dernier un fiasco total, dans notre région, voire dans toute la France, de la "gauche". A cet endroit, je veux te rassurer immédiatement, j’ai appliqué au deuxième tour la discipline républicaine de gauche, mais sans grande conviction.

            Je commence par le qualificatif "gauche" qui me semble de plus en plus estompé quant à la démarche politique des élus et des responsables du P.S. dont tu es un des responsables locaux. La politique menée dans tous les domaines de la vie publique est de plus en plus libérale et autoritaire. Cette réalité - ce n’est hélas pas une impression – n’a pas pris naissance uniquement au moment de ces élections. Non, elle se développe depuis beaucoup de mois, voire d’années. Voilà pourquoi, il y a quelques temps, je n’ai pas répondu à la demande de faire partie du Conseil des Sages de la commune. Je ne peux accepter de faire de la figuration et d’émettre des avis ou des souhaits qui au bout de la chaîne restent lettre morte ou presque. Je considère la démocratie participative beaucoup plus effective, celle ou les avis sont propositions mises en délibéré et adoptées ou refusées par un vote. Je crois savoir que je ne suis pas seul à penser de la sorte.

            Il me faut aussi aborder l’envolée généralisée du Front National qui enfle au fil des mois avec des engagements de personnes qui ne restent plus dans l’ombre. Elles se montrent et disent les raisons acceptables ou pas de leurs engagements. Il suffit d’écouter les commentaires, à la télévision ou à la radio, des gens qui sont interpellés pour savoir que ce pourrait être des arguments de gauche si la droite était au pouvoir. On entend le manque de travail de nombreux citoyens, l’enchaînement des licenciements chaque jour qui ne cessent de gonfler le nombre de chômeurs, la misère qui s’accroît et qui jette des familles entières à  la rue. Tous ces maux sociétaux provoquent la montée en flèche du F.N. Ce parti utilise cette situation catastrophique que les élites au pouvoir sont incapables d’atténuer et d’éteindre. Il est facile pour ce parti de nouer le lien avec l’immigration qui afflue du Proche Orient, ce qui amplifie son aura, même dans le monde rural où les scores sont à un niveau inquiétant et probablement durable si des améliorations draconiennes ne bousculent rien dans les semaines et les mois à venir. Je note ici que le racisme n’est pas la cause principale de la montée de ce parti d’extrême droite dans ce monde rural. Le monde agricole subit aussi de nombreuses difficultés.

            Le nombre de familles dont les comptes bancaires se retrouvent à découvert s’accentue comme les retards de loyers. L’hiver cessant les expulsions vont reprendre et le nombre de gens à la rue, les "sans domicile fixe", va s’accroître dès le printemps. On ne peut pas omettre non plus les décisions du gouvernement actuel qui refuse de donner un "coup de pouce" au SMIC, comme l’a annoncé la ministre du travail (on devrait dire du chômage !), Myriam El Khomri. Peut-on vivre correctement avec un SMIC de 1143 € net par mois après une hausse de 6 € (1466,62 € brut et 9 € de hausse), avec des enfants à faire vivre, des loyers à payer. Quand on est dans ces situations où la dignité humaine est malmenée, on s’abstient ou on cède à la tentation du vote F.N.

            Les problèmes sociétaux et politiques sont nombreux et le monde politique s’éloigne de plus en plus du peuple. Les édiles veulent rester édiles à vie ce qui limite l’alternance, les nouvelles idées portés par de nouveaux élus, surtout ceux issus de la jeunesse, ceux qui ont le dynamisme de l’âge, porteur de projets d’avant-garde. Mais, voilà, le pouvoir est confisqué par la durée et le cumul des mandats, qui devaient disparaître selon une des promesses de F. Hollande. Or nombreux sont les exemples de ces excès . Je n’en prendrais qu’un, au sein du P.S. dans notre département. Le cumul des mandats de nombreux élus ne choquent pas seulement par l’interrogation quant aux facultés des édiles d’accomplir correctement leurs tâches mais aussi par l’amoncellement des rémunérations, payées par nos impôts, qui atteignent des niveaux exorbitants.

            Ainsi, Didier Marie, Président du Conseil Départemental de Seine-Maritime, a encaissé pendant des années la bagatelle de 12000 euros mensuels. Comment ? Son poste de président au département lui apportait 4400 € auxquels s’ajoutent 1460 € pour la vice-présidence de la communauté d’agglomération de Rouen, 970 € comme adjoint au maire d’Elbeuf, 415 € pour sa participation au conseil d’administration des autoroutes Paris-Normandie mais encore 5500 € comme conseiller de Laurent Fabius à l’Assemblée Nationale. Ces derniers émoluments ont été revus à la baisse à 1900 euros seulement. Mais voilà, par un contrat à la fédération de Seine-Maritime du Parti Socialiste, comme chargé de mission auprès du président de l’Association Démocratie et Culture, nom officiel du P.S. dans notre département, il a récupéré 3200 € par mois pour… 14 heures de travail par semaine ! Cette dernière entrée d’argent a été décidée par le premier secrétaire de cette fédération, le député de notre circonscription Christophe Bouillon. Notre sénateur possède plusieurs biens immobiliers en France et sur l’île grecque de Paros ! Et il ose déclarer qu’il n’y a rien d’extravagant à cela. Ancien instituteur, il procédait comment pour enseigner la morale à ses élèves. Et le parti auquel il appartient se prétend de gauche.

            Si j’ai pris cet exemple, c’est parce que Didier Marie vit et opère politiquement dans notre région, notre département et que son passage au Sénat a permis de dévoiler cette situation. Sinon comme pour nombre d’élus nous serions restés dans l’ignorance totale. Malheureusement il n’est pas seul. Dans l’ensemble des partis politiques ces pratiques existent. Les citoyens ignorent le degré de ces extravagances, le nombre de mandats exercés par tous les élus et leurs coûts pour les finances publiques donc nos impôts. Il ne faut pas s’étonner que les électeurs rejettent, par écœurement ou par ignorance, l’importance d’un bulletin de vote. Il en est de même pour la durée des mandats qui font de l’activité politique un métier pour tous ceux qui se voient affubler dans le temps d’un titre, que ce soit maire, conseiller départemental ou régional, conseiller ou président de communautés de communes, député, sénateur et encore en s’incrustant dans les cabinets des ministres ou dans les palais de la République.

            Ainsi le peuple demeure ignoré sauf au moment des élections. On ne lui demande jamais son avis sur les décisions qui le concernent ou vont concerner sa vie courante, sa vie de tous les jours, de tous les instants. C’est un peu ce que j’appelle "la lettre morte" au début de cette révolte écrite. Quand, par un premier exemple, on demande au peuple de se prononcer, comme lors du referendum de 2005 où le NON l’a emporté avec 55 % des suffrages, on bafoue son vote, sa volonté citoyenne. Alors il se sent offensé et l’humiliation le pousse à entendre, et non plus simplement écouter, les voix qui haussent le ton, comme celle de Marine Le Pen.

            D’autres décisions ont provoqué le désintérêt pour la vie publique et des records  des taux d’abstentions, y compris au niveau local parce que les habitants ont été mis devant le fait accompli sans avoir été consulté. Ainsi, une communauté de communes, "Caudebec-en-Caux-Brotonne", nait en 1994 puis devient "Caux-Vallée de Seine" en 2007 par le regroupement d’autres com-com, "Port-Jérôme et Bolbec". Rien n’était inscrit dans les programmes électoraux des élections municipales de l’époque. Aucune consultation ! Non, toujours le fait accompli… Il en a été de même pour la modification et le regroupement des cantons réalisé dans une obscurité totale où l’on ne sait plus qui est le représentant de la population et où se situe le "Chef-lieu". L’accumulation des changements, avec les modifications des territoires régionaux, là aussi décidés sans notre avis, a montré, aux élections régionales, la très grave dérive qu’un peuple plongé dans l’ignorance peut entraîner.

            Voilà la dernière en date de ces modifications imposées : la fusion des communes. Et, là, on nous consulte… enfin même si des informations ont été données lors de réunions publiques dans chacune des trois communes. On nous pose tout simplement une question par un prospectus déposé dans nos boîtes à lettres : « Quel nom pour la commune nouvelle ? ». Là encore, les programmes des élections municipales ont ignoré cette décision prise par délibérations des conseils municipaux voire imposée par le Préfet dans le cas de refus des élus. Nous demander le nom de la nouvelle commune est burlesque sinon dangereux. Que l’on regroupe les communes dans un souci d’efficacité, cela peut être une bonne chose, mais dans le cadre d’une démarche citoyenne, officielle, par un vote.

            De tels processus mettent la Nation à mal et vont plonger encore plus les électeurs vers l’abstention et les conséquences sur la qualité de la représentativité des élus de la République. Plus grave c’est ce qui amène le F.N. à des scores dangereux pour la démocratie.

            Et puis, maintenir la date des élections régionales si peu de temps après les attentats de Paris, était, à mon avis, une erreur. L’émotion, dans des cas semblables, génère des influences sur la réflexion et le comportement. Elle provoque en général des réactions souvent irréfléchies, parfois violentes. Comme je l’ai écrit entre les deux tours dans un billet de mon blog sur Mediapart (Le pire, pour dimanche prochain ?: nombre de personnes avaient l’esprit ailleurs que de se rendre aux isoloirs, avec toutes les dispositions prises dans le cadre de cet état d’urgence et le déploiement généralisé des forces de l’ordre et de l’armée. Le fait que les attentats furent commis par des jeunes  à la folie meurtrière inspirée par des gourous hérétiques qui osent se réclamer de l’Islam, il est évident que nombre d’indécis soient attirés par l’extrême droite.

            Voilà, Bastien toutes les raisons qui m’ont amené à t’écrire cette lettre dont j’envoie copie à notre député Christophe Bouillon ainsi qu’à Didier Marie, notre sénateur. Il me fallait extirper ma colère qui enfle depuis des mois, en espérant que tu comprendras que notre liberté d’expression citoyenne doit aussi s’adresser à ceux qui nous représentent ou qui sont censés nous représenter. J’espère une réponse.

            Je publierai cette lettre sur mon blog pour inciter une même démarche ailleurs.

Jean Riboulet

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