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Billet de blog 1 janvier 2020

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Quatre groupes de souris remettent en question une théorie répandue sur l’autisme

Une analyse de quatre modèles de souris annule certaines hypothèses sous-jacentes à la «théorie du déséquilibre de signalisation», une hypothèse populaire sur les origines de l’autisme dans le cerveau.

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spectrumnews.org Traduction par Sarah de "Four sets of mice call popular autism theory into question"

 de Sarah DeWeerdt  /  25 Février 2019

Illustration 1
Stimulation des poils : les neurones qui répondent au mouvement des moustaches ne sont pas plus excitables chez les souris autistes que chez les contrôles © Thomas Eder / Shutterstock

Une analyse portant sur quatre modèles souris met en cause certaines hypothèses sous-jacentes dans la « théorie du déséquilibre de la signalisation », une hypothèse répandue sur les origines cérébrales de l’autisme. (1)  Ces résultats indiquent que le déséquilibre est une réaction de compensation à d’autres problèmes dans le cerveau, plutôt que la cause sous-jacente de l’autisme.

La théorie du déséquilibre de la signalisation considère que le cerveau des personnes autistes a trop d’activité cérébrale d’activation, et insuffisamment de signaux d’inhibition pour compenser. Dès lors, ce déséquilibre est la cause d’une activation trop fréquente des neurones, d’après cette théorie, et il contribue aux problèmes de motricité, à l’hypersensibilité sensorielle et à d’autres traits autistiques.

Cette hypothèse, émise pour la première fois en 2003, est si répandue qu’elle est souvent évoquée comme un fait.

La nouvelle étude remet en question ces hypothèses, toutefois. Les chercheurs ont effectivement constaté un équilibre de signalisation faussé, mais il ne s’agissait pas d’un niveau anormalement élevé d’activation neuronale, ou « pics ».

« Ce n’est pas aussi simple que l’hypothèse classique le formule », déclare le responsable de l’étude Dan Feldman, professeur de neurobiologie à l’Université de Californie à Berkeley. « [Les signaux] se modifient de manière à stabiliser la fonction du cerveau plutôt qu’à créer des pics excessifs. »

L’équipe de Dan Feldman a observé ce schéma chez quatre modèles répandus d’autisme : des souris sans les gènes CNTNAP2 ou FMR1, ou auxquelles il manque une copie TSC2 ou une zone du chromosome 16 appelée 16p11.2.

« C’est vraiment une force d’avoir des modèles multiples », affirme Audrey Brumback, professeure assistante de neurologie et de pédiatrie à l’Université du Texas à Austin, qui n’a pas participé à l’étude. « C’est plutôt rare d’avoir autant de modèles étudiés autant dans le détail, d’une manière systématique. »

Prêts, feu

L’équipe de Dan Feldman a stimulé les neurones dans des sections du cerveau qui provenaient d’une zone traitant les informations captées par les moustaches de la souris. Ils ont enregistré des courants activateurs et inhibiteurs qui se propageaient de ces neurones à d’autres neurones dans le tissu.

Les souris autistes ont toutes des courants inhibiteurs plus faibles que ceux des contrôles ; certains des modèles présentent aussi une activation plus faible, mais cette différence est moins marquée. Le résultat, commun à tous les modèles, est une augmentation du ratio de l’activation et de l’inhibition.

Jusque-là, les résultats ont validé la théorie : « J’ai trouvé ça très bien », dit Dan Feldman. « Je croyais que nous allions valider complètement l’hypothèse. »

Les chercheurs ont alors enregistré la fréquence à laquelle les neurones destinataires marquaient un pic. La théorie du déséquilibre de la signalisation prédit que ces neurones devraient s’allumer plus souvent que ceux des contrôles.

Ils ont constaté que les taux d’allumage sont les mêmes que chez les contrôles.

« Cela nous a complètement surpris, » déclare Michelle Antoine, chercheuse postdoctorale au laboratoire de Dan Feldman. L’étude est parue le 21 janvier dans Neurone.

Influence stabilisante

Les résultats de l’équipe ont été confirmés en mesurant l’activité des neurones chez des souris du modèle CNTNAP2, FMR1 et 16p11.2 vivantes, en réaction aux mouvements des moustaches. Là encore, ils n’ont pas observé d’allumage excessif dans la zone cérébrale correspondant aux moustaches.

Poussés par la perplexité face à ces résultats, les chercheurs de l’équipe de Dan Feldman ont poussé plus loin leurs investigations, soumettant les courants activateurs et inhibiteurs à des équations standards qui modélisent la physiologie des cellules nerveuses. Il ont ainsi constaté que la différence de signalisation dans le cerveau autiste fait partie d’un type qui stabilise les taux d’allumage des neurones plutôt que de les accroître. Cet effet de stabilisation est révélateur d’une réaction de compensation, explique Dan Feldman. « Nous savons qu’il existe des mécanismes de compensation intégrés dans le cerveau. »

Cela indique également que le déséquilibre de signalisation résulte des changements qui, quels qu’ils soient, surviennent dans le cerveau pour aboutir à l’autisme, plutôt qu’elle ne serait la cause du trouble autistique, et que ce phénomène est susceptible d’améliorer la fonction cérébrale et non de la dégrader.

Les scientifiques testent actuellement des médicaments destinés à favoriser l’inhibition et à normaliser le déséquilibre de signalisation chez les autistes. Mais si ce déséquilibre n’est pas une cause sous-jacente de l’autisme, ces médicaments pourraient bien n’avoir qu’un apport limité, répond Meng-Chuan Lai, professeure assistante de psychiatrie à l’Université de Toronto au Canada, qui ne participait pas à l’étude.

Ces nouveaux résultats soulèvent une question : « Ces médicaments vont-ils être aussi efficaces que nous le pensons ? » déclare Meng-Chuan Lai.

L’étude n’a examiné qu’une seule zone, aussi les résultats auraient besoin d’être confirmés dans d’autres zones cérébrales. Il se pourrait également que le déséquilibre de signalisation ait d’autres répercussions que celles qui aboutissent aux traits autistiques. La prochaine étape sera de tirer au clair ce mystère », conclut Dan Feldman.

Syndication : Cet article a été republié dans The Scientist.

Références :

  1. Antoine M.W. et al. Neuron Publication numérique avant impression (2019) PubMed
Illustration 2
© Phan Tom - Comprendrelautisme

Voir La recherche scientifique sur l’autisme : 10 avancées majeures en 2019   Article 7

 Traduction de Notable papers in autism research in 2019, Spectrum News, décembre 2019 sur le site Comprendre l'autisme de Phan Tom

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