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Billet de blog 1 avril 2025

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Autisme : Forum Handicap et Logement social

Une intervention sur les besoins de logement des personnes autistes, lors d'un forum à destination des bailleurs sociaux (organismes HLM) dans le Finistère.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Après plus de deux ans de préparation, s'est tenue une conférence sur "Handicap et Logement social en Finistère". J'y suis intervenu quelques minutes pour présenter les adaptations nécessaires en cas de troubles neurodéveloppementaux ou psychiques.

Le but de cette conférence était de sensibiliser les organismes de logement social du Finistère aux besoins liés aux personnes handicapées.
En ce qui me concerne, je voulais ouvrir la question de l'accès au logement social aux personnes autistes. Ils n'ont pas les mêmes besoins que d'autres personnes handicapées, et la priorité (une des 17 priorités légales) peut être satisfaite par bien des logements.
Je ne sais pas si mon intervention a été efficace. Je crains que non - les travailleurs sociaux étaient présents, mais pas tellement le personnel des organismes HLM. Elle a été précédée par une intervention dans la salle de Francine, de l'UNAFAM. Je me disais qu'elle était en train de "bouffer" mon intervention, mais taper à plusieurs sur un clou est plutôt efficace. Je m'inquiète cependant d'avoir été sollicité d'intervenir par les professionnels - surtout des ergonomes -, comme s'ils ne savaient pas quoi dire en dehors des troubles physiques (PMR : personnes à mobilité réduite) ou sensoriels.
Cela n'empêche que bien des questions concernant aussi les personnes autistes étaient abordées dans plusieurs interventions. Je reproduis ci-dessous ce que j'avais prévu de dire et que j'ai raccourci compte tenu du retard pris dans le déroulement de la journée et des interventions précédentes. Les publications sur le sujet visent surtout les établissements, parfois le logement inclusif. J'ai été aidé par le CRA de Bretagne, l'association Les Genêts d'Or, et une personne autiste en logement social, apte à déterminer ses besoins et à les exprimer.


Particularités du logement recherché pour une personne présentant un handicap neuro-développemental ou psychique

Bien que ces deux catégories de handicap présentent bien des différences, nous les avons regroupés dans cette présentation compte tenu de leurs ressemblances en matière d’exigences pour le logement.

Les troubles psychiques sont considérés comme handicap depuis la loi de 2005, qui les définissent comme handicap s’ils durent au moins un an. Chaque année, une personne sur 5 est atteinte d’un trouble psychique. Le Finistère dépasse les normes nationales en matière de tous les troubles psychiques, … sauf pour le nombre de psychiatres dont le nombre est inférieur ! Les personnes schizophrènes représentent 1% de la population, les personnes bipolaires 2 à 3%.
Les troubles neurodéveloppementaux concernent 10 % de la population. Ils sont la plupart du temps permanents – sauf  le trouble de l’attention TDAH divisé par 2 à l’âge adulte. Vous trouverez par ordre de prévalence les troubles dys (dyslexie, trouble du comportement moteur appelé dyspraxie …), le TDA/H, les troubles du spectre de l’autisme - au-dessus de 1% - , le trouble du développement intellectuel – appelé auparavant déficience mentale - 1%. Les personnes ont souvent plusieurs troubles.

Vous pouvez accueillir des personnes relevant de tous ces handicaps. Les besoins ne seront pas tous les mêmes.
L’imprimé CERFA de demande de logement social ne tient absolument pas compte des personnes avec handicaps psychiques ou neurodéveloppementaux - et il est d'ailleurs inadapté aussi aux autres handicaps. Il appartient donc au bailleur de solliciter la personne pour définir ses souhaits et besoins. S’ils sont accompagnés par un SAVS ou un SAMSAH, ou tout autre service ou professionnel - sanitaire ou médicosocial -, cela sera très utile. Et très souvent nécessaire.

On parle assez souvent de handicap invisible, qui est un concept un peu trop large, à mon avis. Mais il faut tenir compte du stigmate social du handicap neurodéveloppemental ou psychique. Ce n'est pas évident de le déclarer dans ce type de document accessible à un certain nombre d'organismes et de personnes. Ce n'est pas comme la communication d'une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) lors d'une candidature à un employeur : les besoins d'adaptation au poste de travail sont évoqués lors de l'entretien d'embauche, ou avec le médecin du travail. Comment faire lors d'une demande de logement social ? Les organismes HLM traduisent surtout cette priorité par logement pour PMR (personnes à mobilité réduite), alors que bien des logements dans leur parc peuvent satisfaire les demandes pour d'autres handicaps.

Localisation géographique :

° Vulnérabilité du locataire

° Accès aux transports en commun

° Petits collectifs

Ces personnes sont vulnérables. Cela peut impliquer de prendre en compte l’environnement, le quartier. Il ne faudrait pas avoir besoin de les signaler à la police pour un besoin surveillance rapprochée de leur environnement. Par exemple comme je l’ai vu pour le quartier St Martin à Brest.
Suivant qu’elles aient le permis de conduire ou une voiture, la proximité de transports en commun est nécessaire. Donc question à poser.
Les petits collectifs limitent l’obligation d’interactions sociales, et les facilitent aussi parce qu’elles sont moins nombreuses.
Localisation du logement au sein d’un habitat collectif :

° En l’absence de troubles moteurs associés, évitez le rez de chaussée.

° Privilégiez un appartement au calme

Le rez-de-chaussée peut être très anxiogène, du fait du regard à partir de l’extérieur. Surtout pour certains troubles psychiques. Il y a un besoin d'intimité, mais aussi un besoin de sentiment de sécurité. Une haie peut être à la limite un moyen de protection pour le rez-de chaussée, en empêchant la vue de l'extérieur.

Pour une personne autiste, si elle a des troubles sensoriels auditifs du type hyperacousie, le dernier étage est préférable, pour éviter les bruits sur le parquet supérieur. Le côté cour de l’immeuble permet aussi d’éviter les bruits de la rue – ou un regard extérieur.
Il peut par contre y avoir hypoacousie, ce qui élargit les possibilités de choix du logement.

Il faut s’attendre parfois à des nuisances potentielles de la part du locataire, comme faire du bricolage la nuit. L’isolation phonique est certes un atout. Mais un soutien par un professionnel est aussi utile à ce moment pour une évolution du comportement. Autant que possible, il faut éviter la concentration de personnes avec plusieurs troubles de ces types. Les interactions sociales peuvent devenir difficiles.

Particularités des parties communes :

° Contrastes visuels

° Informations en FALC

° Accès facilité / exclusion des dangers

Il peut y avoir une hypersensibilité aux couleurs : des couleurs douces, mates, neutres, sont à privilégier. Il faut éviter le néon, avec ses lumières stroboscopiques.
Les besoins en fonction du type de handicap ne sont pas les mêmes, et peuvent être contradictoires, comme ici pour les déficients visuels pour qui il faut des couleurs contrastées et des lumières intenses.

La question s'est posée pour les "heures silencieuses" dans les grands magasins, avec une diminution des lumières et une suppression des sons. Cela n'est pas adapté aux personnes avec déficiences visuelles ou auditives. Dans ce cas, il n'y a pas de contradiction puisque les heures silencieuses sont réservées à une partie de la semaine (une portion congrue, à vrai dire). Chacun peut donc s'y retrouver à des heures différentes.
Le FALC c'est à dire Facile A Lire et à Comprendre a été développé au départ en cas de « déficience mentale ». En fait, il est très utile dans beaucoup de situations avec handicap cognitif, y compris pour des personnes âgées. Il devrait être généralisé dans beaucoup d’actes habituels : le bail, mais aussi les notes de service, le règlement d’immeuble, le tour de service …
Vous trouverez un exemple de règlement intérieur dans l’atelier de midi, rédigé avec certains outils du FALC. Vous pouvez avoir recours à des associations labellisées dans le département comme les Papillons Blancs, Don Bosco…
Les consignes doivent être claires : le nettoyage des parties communes doit être fait à telle date (une fois tous les 15 jours : mais lesquels?). Il doit être facile de savoir qui appeler si c’est un problème technique ou si c’est un problème de voisinage. Le gardien doit être à l’écoute, en sachant faire parler car la personne handicapée peut en dire le minimum.
L’accès pour des personnes vulnérables doit évidemment être facilité : lumière, sécurité.
Particularités du logement personnel :

° Contrastes visuels

° Isolation phonique

° Luminosité naturelle douce et modulable

° Agencement simple et fonctionnel

Il peut y avoir une hypersensibilité aux couleurs : des couleurs douces, mates, neutres sont donc à privilégier comme je l’ai déjà dit.

L’isolation phonique est essentielle : elle doit être prise en compte dans la conception du logement.
La personne peut avoir une hypersensibilité à la lumière : elle doit pouvoir la baisser, la moduler.
Cela peut sembler enfoncer une porte ouverte : mais le logement doit être simple et fonctionnel. Il pourra être nécessaire pour certains de mettre des pictogrammes ou photos pour identifier les pièces, que le circuit de circulation soit compréhensible.

Prévoir une clef en plus pour chaque intervenant.

Les mutations de logement représentent 20 % du parc locatif des logements sociaux. Il y a donc des possibilités, mais il faut prévoir un accompagnement pour un changement de logement si nécessaire.

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