spectrumnews.org Traducton de "Detecting a signal amid noise in autism early-intervention research"
Détecter un signal au milieu du bruit dans la recherche sur les interventions précoces dans l'autisme
Isabel Smith - 28 mars 2022
- Expert : Isabel Smith, Professeur, Université de Dalhousie
- Expert : Kate Tsiplova, statisticienne, Institut de recherche sur la santé des populations
- Expert : Wendy Ungar, Scientifique senior, Institut de recherche de l'hôpital pour enfants malades (Hospital for Sick Children Research Institute)
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Lorsqu'une étude portant sur une intervention comportementale pour l'autisme ne parvient pas à montrer une amélioration significative des résultats mesurés, cela signifie-t-il que le traitement ne fonctionne pas ? Pas nécessairement.
L'étude de la relation entre les interventions comportementales pour l'autisme et les résultats est une entreprise complexe. Les interventions comportementales font appel à un large éventail de méthodes et varient en termes de structure, d'intensité, de durée et de qualité. Les personnes autistes ont des traits de caractère variés et, souvent, des pathologies concomitantes, et l'inscription à une étude de recherche peut ne pas être une priorité pour de nombreuses familles.
Tout cela signifie que les études sur les interventions doivent être conçues de manière à ce que les enfants qui reçoivent le traitement puissent être comparés à ceux qui ne le reçoivent pas, en ce qui concerne les caractéristiques de l'autisme ainsi que les données démographiques personnelles et familiales. Les études doivent également porter sur un échantillon suffisamment important et une période d'étude suffisamment longue pour permettre de détecter un effet, le cas échéant.
Lorsqu'une nouvelle étude sur l'efficacité d'une intervention est publiée, il est important d'aller au-delà de l'énoncé de la conclusion et de creuser en profondeur pour comprendre les obstacles auxquels les chercheurs ont été confrontés et pourquoi ils n'ont peut-être pas réussi à détecter un signal au milieu du bruit.
Notre étude récemment publiée, "Measuring the association between behavioural services and outcomes in young autistic children", a été mise en évidence dans l'édition du 18 janvier de Null & Noteworthy. Notre étude a montré que les enfants canadiens qui ont reçu des services d'intervention que nous avons classés comme "comportementaux" sur la base des informations fournies par les parents au moins une fois au cours des années préscolaires n'ont pas eu de meilleurs résultats plus tard dans l'enfance que les enfants qui n'ont pas reçu de tels services.
Nous n'avons pas détecté d'effet significatif, mais plusieurs éléments peuvent y avoir contribué. Par exemple, notre mesure du comportement adaptatif n'était peut-être pas assez sensible pour déceler des améliorations importantes chez les enfants autistes. De plus, les scores peuvent diminuer au cours de l'enfance à mesure que l'écart entre les compétences attendues des enfants neurotypiques et celles des enfants autistes s'accroît.
Bien que nous ayons tenté de saisir les variations des services fournis aux enfants inscrits dans l'ensemble du Canada, il est possible que les services utilisés par les participants aient changé au fil du temps. Nous avons également constaté que les familles ayant un revenu familial plus élevé accédaient à davantage de services. Bien que les services comportementaux soient subventionnés par l'État dans toutes les provinces, les familles dont les revenus sont plus élevés peuvent accéder plus facilement à des services privés, ce qui complique notre capacité à mesurer l'efficacité des services financés par l'État. L'un des plus grands défis auxquels nous et d'autres chercheurs avons été confrontés est que le type, l'intensité, la durée et la qualité des interventions varient probablement entre les régions et les participants, mais nous manquons de données spécifiques pour mesurer et contrôler cette variation.
Dans notre article, nous formulons des recommandations concrètes sur la manière d'améliorer les études visant à estimer les effets des interventions dans le domaine de l'autisme. Ces recommandations mettent en évidence trois points clés que les lecteurs devraient surveiller pour mieux comprendre la recherche scientifique sur l'efficacité des interventions dans le domaine de l'autisme :
La conception de l'étude était-elle appropriée ? En raison de la grande diversité des traits de l'autisme, l'utilisation d'un modèle approprié permet d'assurer l'équilibre entre les groupes de comparaison. Par exemple, un essai contrôlé randomisé peut être une option pour une intervention thérapeutique révolutionnaire. Cependant, pour démontrer l'efficacité d'une intervention dans la communauté, il faut généralement recourir à un modèle d'observation pragmatique qui ne randomise pas les participants, mais qui permet de détecter des différences importantes entre des groupes comparables grâce aux données collectées.
Les enfants ont-ils eu accès à une gamme d'interventions comportementales ? Étant donné les différences considérables entre les programmes pour l'autisme au Canada, toute étude multijuridictionnelle doit recueillir des données détaillées sur l'admissibilité, le type, l'intensité et la durée de l'intervention en question, ainsi que des données démographiques et des traits et fonctionnements de base, afin que des types d'interventions similaires puissent être comparés entre des groupes appariés ou ajustés en fonction des différences démographiques et des différences de base.
Les mesures étaient-elles appropriées et suffisamment sensibles pour saisir des informations importantes sur les services ? Il est difficile pour les parents de se rappeler et de rapporter avec précision le type, la dose et l'intensité des interventions dont leurs enfants ont bénéficié, en particulier lorsque les enfants reçoivent plusieurs services sur plusieurs années.
Idéalement, certaines mesures pourraient être recueillies par les prestataires de services et inclure des paramètres de qualité, tels que la formation des prestataires et la fidélité ou l'exactitude de la mise en œuvre de l'intervention. Les questionnaires destinés aux parents devraient être conçus de manière à saisir l'intensité de l'intervention de façon structurée et uniforme, être administrés tous les deux ou trois mois par des enquêteurs utilisant des aides-mémoire et avoir des périodes de rappel relativement courtes. Par ailleurs, les enfants autistes reçoivent souvent des services en plus de l'intervention évaluée. Des services similaires concomitants peuvent brouiller le "signal" statistique de l'intervention étudiée. Tous les services de santé, d'éducation, de santé mentale, sociaux ou communautaires dont bénéficient les enfants doivent être enregistrés et l'on doit s'efforcer d'en tenir compte dans l'analyse.
La réalisation d'études bien conçues peut s'avérer coûteuse ou difficile, mais l'allocation de fonds publics ou familiaux à des services inefficaces ou inadéquats dans le domaine de l'autisme est cliniquement et éthiquement injustifiée. Il est inapproprié de supposer que le fait de ne pas détecter un effet de traitement indique nécessairement que le traitement est inefficace. Pour faire avancer le domaine, il faut des études bien conçues avec une puissance statistique suffisante pour détecter les effets, y compris des études d'interventions réalisées dans des environnements communautaires. Cette subtilité est souvent négligée et peut conduire les gens à ignorer prématurément des interventions potentiellement efficaces pour les enfants autistes.
Citer cet article : https://doi.org/10.53053/QIHE6081