Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

1944 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 juin 2024

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Service Public Départemental de l'Autonomie : à quoi çà peut servir ?

Des services publics départementaux de l'autonomie doivent exister au 1er janvier 2025. Mais à quoi peuvent-ils servir ? Information et réorientation, coordination, planification ... C'est le flou. Propositions.

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La loi Bien Vieillir a décidé de la création au 1er janvier 2025 d'un SPDA (service public départemental de l'autonomie). Et comme les assemblées et le gouvernement ne savent pas à quoi çà peut servir - au-delà d'un échange au café du commerce -, 18 départements se sont portés volontaires pour élaborer un cahier des charges.

Illustration 1
SPDA


Le chach bléo (dispute), comme on dit en Bretagne, n'a eu lieu que sur le sigle SPDA et le SPTA. Départemental ou "Territorial" ? Les conseils départementaux ont emporté le morceau, car ils financent certaines aides aux personnes âgées et pour les adultes handicapés.

18 départements ont été sélectionnés pour préfigurer le SPDA, en vue d'établir un cahier des charges qui sera généralisé. Questions ...

Sur le SPDA : guichet unique ou outil de coordination ?

On parle du service public départemental de l'autonomie comme un guichet unique ou un outil de coordination.
Dans le handicap, nous avons déjà la MDPH comme guichet unique. La communauté 360 est censée orienter vers les services compétents. Et Via Trajectoire faciliter la recherche d’établissements et de services.
Même en supposant que Via Trajectoire ait été complètement déployé et soit fiable, on voit bien que ce n’est qu’un annuaire sur Internet avec lequel les usagers devront se débrouiller, sans être accompagnés. Des démarches vers chaque établissement ou service sont encore nécessaires.
Le SPDA ne peut être un guichet unique s’il se contente de réorienter vers le « guichet unique » de la MDPH pour le handicap. Un ajout au mille-feuilles ? MDPH, Communauté 360, SPDA et retour à la MDPH etc... ?
A quelles conditions un SPDA outil de coordination pourrait servir ?

On peut supposer que cela voudrait dire que les accueils des différents organismes et services concernés auraient une formation suffisante et des outils d’information actualisés qui permettraient de renseigner sur qui fait quoi et autant que possible quelles sont les démarches à faire.

Mais un point d’accueil devrait être capable de fournir les imprimés à compléter (une imprimante est nécessaire).
Il doit pouvoir accuser réception d’un imprimé, puis le transmettre à l’organisme compétent, en en informant l’usager.
Conformément au code des relations du public avec l’administration, une demande orientée à tort vers un organisme doit être adressée par l’administration à l’organisme compétent.
La date d’effet d’un droit doit être basée sur la réception par le premier service, même incompétent. Ainsi, une demande d’AEEH, d’AAH, de PCH etc. déposée à la CAF doit voir sa date d’effet basée sur la réception à la CAF, et non à la MDPH. Une demande au CDAS ou au CCAS concernant l'aide au logement serait prise en compte par la CAF pour le droit à l'aide au logement.

La coordination suppose une coordination entre services, et pas un renvoi d’un standard à un numéro vert, site internet ou un email.
Suivant les orientations de la conférence nationale du handicap, chaque usager aura un référent de parcours à la MDPH. La loi donne mission à la MDPH d’assurer le suivi des décisions de la CDAPH.
Le référent de parcours devrait avoir accès à un référent identifié dans des organismes, par exemple la CAF.
Nous avons un bon exemple avec l’enseignant référent, qui est l’interface entre la famille, la MDPH et l’Éducation Nationale.

Dans certains cas, le simple accès à un internet/intranet sécurisé permet l’échange d’informations nécessaires à un service de l’autonomie. Des échanges automatisés sont parfois une solution.
Exemples :

  • un service de la CAF (AAH) devrait avoir accès directement au service de la CPAM qui s’occupe des pensions d’invalidité, pour initier la demande de pension ou d’allocation de solidarité invalidité : c’est déjà le cas à la MSA, puisqu’elle réunit les deux services. Idem en cas de révision ou de suspension d’une prestation

  • Idem entre la CARSAT et la CAF (à la MSA, c’est déjà le cas).

  • La MDPH devrait pouvoir vérifier dans les fichiers de la CAF ou MSA qu’un usager bénéficiaire de la PCH aide humaine a des enfants de moins de 7 ans, ce qui permettrait de déclencher la PCH parentalité.

  • La MDPH doit fournir à la CAF les informations nécessaires (avis de la CDAPH ou PCH aide humaine avec activité réduite) pour l’initiation d’une AVA (assurance vieillesse des aidants), alors que le décret fait reposer la démarche sur l’aidant d'un adulte.

  • En cas d’attribution de la PCH aide humaine, la CAF récupère l’AJPP. Elle devrait pouvoir récupérer directement « l’indu » auprès du conseil départemental , qui doit faire un rappel de PCH. Cela suppose une subrogation légale (parfois mise en œuvre sans cette base par convention entre organismes) entre CD et CAF, et la désignation d’interlocuteurs qui suivront la procédure.

  • Les bailleurs sociaux devraient être en mesure de vérifier auprès de la MDPH l’existence d’un handicap pour la priorité.

Illustration 2
départements de préfiguration du SPDA

Pour un  Droit Opposable à l’Autonomie

On trouve normal que la sécurité sociale finance les prestations maladie, que la CAF paye les prestations familiales, que l’hôpital prenne en compte les urgences, que l’Éducation Nationale scolarise. Il y a des délais inadmissibles (calculés en semaine ou en heures suivant le cas), mais en fin de compte, le service doit être rendu.

Devrait-on trouver normal que le SPDA se contente d’attribuer des droits à … prendre sa place dans une liste d’attente de plusieurs années ?
Il faut un Droit Opposable à l’Autonomie, comme le DALO (droit au logement opposable). Si la MDPH a décidé d’une orientation, il faut une procédure et une sanction pour que cette orientation soit appliquée. De même pour toute décision liée à l’autonomie : s’il y a un droit à l’APA, peut-on admettre qu’il ne soit pas appliqué ?

L’article L.246-1 du code de l’action sociale et des familles a établi cette obligation de résultat pour l’autisme et le polyhandicap. L’arrêt Beaufils du Conseil d’État a confirmé le droit à indemnisation du préjudice dans ce cas. Il a été à l’origine de la réponse accompagnée pour tous (RAPT) et du plan d’accompagnement global (PAG).

Il faut étendre ce droit opposable à tous les handicaps et aux personnes âgées.

Planifier les moyens pour assurer le service public

Le service public de l’autonomie serait un progrès s’il était chargé de planifier les moyens pour assurer l’autonomie. Mais les financeurs doivent être solidairement responsables du résultat.

Il y a une amorce ainsi dans ce qu'on appelle l'amendement Creton. Les jeunes adultes handicapés (plus de 20 ans) qui sont dans des établissements type IME (instituts médico-éducatifs) peuvent y rester s'ils n'ont pas de place dans un service ou établissement désigné par la CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instance décisionnaire de la MDPH). Il faut demander ce maintien tous les ans à la CDAPH. L'esprit de l'amendement est de maintenir un accompagnement tant qu'une solution adaptée aux jeunes adultes n'a pas été trouvée.
Évidemment, cela conduit à maintenir dans des établissements pour enfants - avec heures de sortie et de coucher, entraves aux relations sexuelles etc ... - des jeunes adultes. Cela entraîne des goulots d'admission pour les enfants (mais pourquoi pas s'ils restent à l'école ordinaire avec accompagnements adaptés).

Le financement des jeunes en amendement Creton dépend des orientations CDAPH : si MAS (maison d'accueil spécialisée), c'est l’État qui finance l'IME (çà ne lui fait ni chaud ni froid, c'est dans le budget de l'assurance maladie). Si c'est une autre orientation, c'est le conseil départemental qui finance. Et il n'y a pas de doute, la sanction financière pour le conseil départemental ne le motive pas à créer des services ou établissements qui prendront le relai.

La solution amendement Creton, qui ne devrait être que provisoire - mais qui peut concerner le tiers ou la moitié des usagers d'un IME - n'est donc pas suffisamment efficace, mais elle part du principe qu'un usager ne doit pas être laissé sans solution adaptée. 

On peut continuer : par exemple, un SESSAD (service de soutien et d'accompagnement à domicile, financé par l'assurance maladie) ne pourrait pas s'arrêter tant qu'un SAVS (service d’accompagnement à la vie sociale - financé par le conseil départemental) ou un SAMSAH (service d’accompagnement médico-social des adultes handicapés - financé par le conseil départemental et l'assurance-maladie) ne prendrait pas le relai. Une solution provisoire a parfois été tentée localement avec une extension du SESSAD à 25 ans. Cela reporte l'échéance, mais pas le besoin de prise en charge.

On peut trouver beaucoup de cas de figure. L’essentiel est qu'une solution adaptée soit mise en œuvre sans délai. Cela implique de mettre en œuvre beaucoup de services et d'établissements, de France Travail aux services d'Aide à Domicile.

Il faut aller plus loin que la communauté 360 (standard du type guichet unique) ou le PCPE (pôle de compétences et de prestations externalisées - qui finance certaines prestations à court ou long terme, suivant l'orientation choisie et le financement). Les PCPE sont souvent utilisés pour financer les PAG (plans d’accompagnement global, quand les orientations CDAPH ne sont pas effectives) .Leur financement devrait être sérieusement accru, car ils financent ce qui est dans les "trous" d'accompagnement.

Un vrai service public a pour mission d'assurer des droits effectifs, et pas de distribuer des numéros verts ou des adresses pour demander des droits ou des papiers de droits théoriques.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.