spectrumnews.org Traduction de "Autism’s sex bias disappears after tracking trajectories" par Pascale Castonguay, Coordonnatrice du Réseau national d'expertise en trouble du spectre de l'autisme (RNETSA) - Québec
par PETER HESS / 22 JUIN 2022

L’autisme pourrait être aussi fréquent chez les filles que chez les garçons, selon une nouvelle étude qui a modifié des outils cliniques courants afin de minimiser leur biais sexiste et a suivi des bébés ayant des antécédents familiaux de cette condition pendant cinq ans.
L’une des conclusions les plus constantes de la recherche sur l’autisme est qu’environ quatre fois plus de garçons que de filles sont diagnostiqués avec cette condition. Le rapport entre les sexes dans l’autisme pourrait refléter des différences biologiques, des biais de diagnostic ou les deux, selon des études antérieures.
L’équipe à l’origine de la nouvelle étude a évalué comment les outils couramment utilisés pour mesurer les traits de l’autisme saisissent différemment les trajectoires des garçons et des filles. Et après avoir ajusté les biais de sexe qu’ils ont trouvés dans leurs mesures, ils ont pu identifier à peu près le même pourcentage de garçons et de filles atteints de cette condition.
Ces travaux suggèrent que les cliniciens pourraient identifier avec plus de précision les filles autistes en examinant comment les traits de l’autisme évoluent dans le temps, déclare Catherine Burrows, investigatrice de l’étude et professeure adjointe de pédiatrie à l’université du Minnesota à Minneapolis. Cela est particulièrement vrai pour les enfants dont les caractéristiques les placent juste sous le seuil d’un diagnostic d’autisme au début de leur vie, dit-elle.
En suivant les enfants sur plusieurs points dans le temps et en continuant à les évaluer, les chercheurs ont identifié et diagnostiqué des filles qui, autrement, auraient pu passer entre les mailles du filet. Il s’agit de prendre l’une des connaissances les plus établies sur l’autisme, de la retourner et de dire : «En fait, non, si vous regardez de cette façon, il n’y a plus de préjugé de sexe», déclare Alycia Halladay, responsable scientifique de l’Autism Science Foundation (Fondation des sciences de l’autisme), qui n’a pas participé à l’étude.
Burrows et ses collègues ont étudié 377 enfants de l'Infant Brain Imaging Study Network (Réseau d’étude de l’imagerie cérébrale du nourrisson), un projet multisite pour évaluer les enfants qui ont un frère ou une sœur autiste plus âgé(e). Ces «petits frères et sœurs» ont une probabilité élevée d’être diagnostiqués autistes - environ 20 % contre 1 à 2 % dans la population générale.
Les chercheurs ont évalué les enfants à quatre reprises entre l’âge de 6 mois et 5 ans, en utilisant soit l’échelle d’observation de l’autisme pour les nourrissons (AOSI) pour les moins de 2 ans, soit l’échelle d’observation du diagnostic de l’autisme (ADOS) pour les plus âgés. Ils ont diagnostiqué l’autisme chez 86 des bébés de la fratrie à l’âge de 2 ans ; 20 d’entre eux étaient des filles, ce qui donne un rapport de masculinité d’un peu plus de 3 pour 1, conforme à d’autres études sur les bébés de la fratrie.
L’équipe a harmonisé les résultats de l’AOSI et de l’ADOS - en identifiant les éléments de chaque outil qui mesurent les traits diagnostiques fondamentaux - pour suivre l’évolution de ces traits sur toute la période de l’étude. Ils ont ensuite analysé dans quelle mesure l’AOSI et l’ADOS évaluent ces traits de façon similaire pour les garçons par rapport aux filles, ainsi que la façon dont chaque item évalue ces traits pour chaque sexe.
Ils ont constaté que l’initiation à l’attention conjointe est un indicateur plus faible des capacités de communication sociale pour les filles que pour les garçons, par exemple, et que les comportements stéréotypés et répétitifs indiquent plus fortement un score élevé dans le domaine des comportements restreints et répétitifs pour les filles que pour les garçons.
«Cela nous indique que si nous utilisons un score total qui ne tient pas compte de ces différences, nous risquons de comparer des pommes et des oranges», explique Burrows.
Après avoir pris en compte ces biais de mesure, les chercheurs ont identifié quatre sousgroupes, en fonction de l’évolution dans le temps des problèmes de communication sociale ou des comportements restreints et répétitifs des enfants.
Dans chaque groupe, le rapport entre les sexes était presque de 1 pour 1. Les travaux ont été publiés ce mois-ci dans le périodique Biological Psychiatry.
Les bébés de la fratrie participant à l’étude n’avaient pas encore reçu d’orientation ou de diagnostic d’autisme, ce qui a permis d’éviter une partie du biais de sélection à tendance masculine qui peut se produire lorsque les chercheurs recrutent des enfants qui ont déjà été dépistés positifs, explique l’équipe. Un certain biais subsiste néanmoins, car il s’agit des frères et sœurs plus jeunes d’enfants ayant reçu un diagnostic d’autisme.
«Il est clair que même s’il s’agit d’une progression importante, il ne s’agit que d’un échantillon», déclare Diana Schendel, professeur et responsable du programme de recherche sur les facteurs de risque modifiables de l’autisme à l’université Drexel de Philadelphie, en Pennsylvanie, qui n’a pas participé à l’étude. L’approche de l’équipe n’a été validée que sur les bébés de la fratrie, ditelle, mais elle suggère que le suivi des trajectoires des traits autistiques pourrait fonctionner dans la population générale avec des outils différents.
Pour les enfants qui ont plus de chances de recevoir un diagnostic d’autisme, le suivi des traits au fil du temps est une approche judicieuse, surtout si une seule visite clinique ne suffit pas à poser un diagnostic, déclare Catherine Lord, professeur distingué de psychiatrie et d’éducation à l’Université de Californie, Los Angeles, qui n’a pas participé aux travaux. «Je serais tout à fait d’accord avec leur point de vue selon lequel il n’y a pas de limite stricte pour l’autisme».
Mais l’utilisation de statistiques pour éliminer le biais de sexe n’est peut-être pas aussi importante que le suivi des trajectoires de ces enfants à l’avenir, dit-elle.
Burrows et son équipe analysent les données sur ces mêmes enfants de 7 à 12 ans, pour voir si les groupes identifiés plus tôt présentent des résultats différents au cours de leurs années scolaires.
Cite this article: https://doi.org/10.53053/JRCC4724