Un dossier de Spectrum News
- The signaling imbalance theory of autism, explained
by Sarah DeWeerdt / 1 May 2019
The signaling imbalance theory holds that the brains of autistic people are hyper-excitable because of either excess neuronal activity or weak brakes on that activity. - The multiple hits theory of autism, explained
by Jessica Wright / 1 May 2019
Researchers are studying how a combination of genetic ‘hits’ may contribute to autism’s diversity. - The connectivity theory of autism, explained
by Rachel Zamzow / 1 May 2019
A growing body of evidence suggests that autism involves atypical communication between brain regions, but how and where in the brain this plays out is unclear. - The female protective effect, explained
by Hannah Furfaro / 1 May 2019
One of the leading theories of autism posits that girls and women are biologically protected from the condition. - The extreme male brain, explained
by Hannah Furfaro / 1 May 2019
The ‘extreme male brain’ theory suggests that autism is an exaggeration of systematic sex differences in ways of thinking. - The predictive coding theory of autism, explained
by George Musser / 1 May 2019
In autism, a person’s brain may not form accurate predictions of imminent experiences, or even if it does, sensory input may override those predictions. - Serotonin’s link to autism, explained
by Nicholette Zeliadt / 1 May 2019
Serotonin, the brain chemical best known for its link to depression, may also be involved in autism.
La théorie du codage prédictif dans l’autisme – explications
par GEORGE MUSSER
1er mai 2019
Agrandissement : Illustration 1
La théorie du codage prédictif soutient que notre expérience du monde vient de l’intérieur de nous. Notre cerveau génère un modèle du monde qui prédit ce que nous allons voir, entendre, toucher, sentir et goûter. La tâche de nos sens consiste à vérifier nos prédictions pour s’assurer que notre modèle intérieur ne s’écarte pas considérablement de la réalité.
Cette théorie est également appelée traitement prédictif ou « cerveau bayésien », en clin d’œil à ses fondements mathématiques.
Les partisans de cette théorie ne l’appliquent pas seulement aux perceptions, mais aussi aux émotions, à la cognition et au contrôle de la motricité. Ainsi, nous bougeons notre bras parce que nous prédisons que nous allons le bouger, et notre corps réalise cette prédiction.
La théorie du codage prédictif dans l’autisme avance que le cerveau d’une personne autiste ne formule pas de prédictions précises ou que les informations sensorielles neutralisent ces modèles prédictifs internes. Par conséquent, la personne autiste est excessivement sensible aux informations extérieures et incapable de passer outre. Elle a des difficultés à traiter les signaux sociaux et la communication en temps utile pour y répondre de manière appropriée, car ses modèles internes représentant le comportement des gens ne sont pas bien constitués.
Ainsi, le codage prédictif pourrait expliquer les difficultés sociales, sensorielles et autres que rencontrent les autistes.
Nous développons cette théorie ci-dessous et décrivons les données qui l’étayent.
Dans quelle mesure cette théorie s’applique-t-elle à l’autisme ?
Le codage prédictif définit l’autisme comme une différence dans la courbe d’apprentissage du cerveau — l’apprentissage recouvrant tout, de la compréhension d’une scène visuelle complexe au bachotage pour un examen d’histoire.
Selon cette théorie, un paramètre, la « précision », détermine l’importance que le cerveau accorde aux divergences entre les informations sensorielles et nos attentes. Lorsque nous apprenons quelque chose de nouveau, le cerveau augmente la précision et utilise les résultats pour créer un modèle. Quand le cerveau estime que le modèle est complet, il diminue la précision, partant du principe que toute autre divergence sera une variation aléatoire qu’il peut ignorer en toute sécurité.
La modélisation est hiérarchique. Dans le système visuel, par exemple, elle commence par des détails géométriques et se développe jusqu’aux caractéristiques générales et aux abstractions.
Biologiquement, le cerveau ajuste la précision en modifiant ses proportions de messagers chimiques comme le glutamate, la dopamine et la norépinéphrine. Subjectivement, nous ressentons d’abord de la surprise, puis la satisfaction de la maîtrise, et enfin de l’ennui.
Dans l’autisme, le cerveau est donc plus lent à recalibrer la précision. Il reste focalisé sur les détails et a du mal à généraliser. La théorie pourrait expliquer pourquoi les personnes autistes affirment se sentir souvent hyperstimulées et constamment surprises, pourquoi elles préfèrent la routine et pourquoi elles peuvent avoir des difficultés à « lire » les autres personnes.
Quelles dont les données expérimentales étayant cette théorie ?
Dans la vie quotidienne comme lors d’expériences en laboratoire, les personnes autistes sont lentes à passer outre le bruit de fond, et rapides à noter les nouveautés dans leur environnement. Comme si elles étaient moins assujetties par leurs attentes préalables. Les mesures des réponses cérébrales et cutanées aux informations sensorielles montrent qu’elles ne s’habituent pas facilement aux métronomes ou autres stimuli répétés. Elles sont également moins aptes à percevoir les illusions d’optique et multisensorielles qui se jouent des attentes.
Une expérience utilise une tâche d’apprentissage pour examiner la manière dont le cerveau autiste interprète les changements de scénarios. Les chercheurs font entendre un bip à tonalité faible ou élevée, montrent la photo d’un visage ou d’une maison, et demandent aux participants à l’étude d’actionner le bouton « visage » ou « maison ». Dans un premier temps, un son aigu annonce une maison, mais plus tard, c’est un son grave qui l’annonce. La relation entre les deux événements n’est jamais parfaite — la probabilité est juste plus élevée pour un son ou l’autre — si bien qu’il n'est pas évident de savoir si une rupture de scénario marque une exception ou une nouvelle règle.
Les personnes autistes sont globalement plus lentes à effectuer cette tâche, mais plus rapides à noter un changement de scénario, laissant à penser qu’elles anticipent le changement (au lieu de s’accrocher à un scénario) plus que les personnes neurotypiques.
Il est difficile d’établir si leurs difficultés prédictives se situent au niveau de la formulation d’attentes ou des sens qui neutralisent ces attentes. Les expériences semblent favoriser la seconde option [1].
L’affaire est donc entendue ?
En aucun cas. Certaines études montrent que les personnes autistes gèrent les tâches prédictives — s’habituer aux stimuli répétés, répondre à certains types d’illusions et discerner des schémas évoluant au fil du temps — aussi facilement que les personnes neurotypiques. De plus, le sens de la relation de causalité n’est pas clair: au lieu de problèmes de prédiction mettant la pagaille dans la cognition sociale d’une personne, il est possible que ce soient ses difficultés sociales qui altèrent le développement de ses modèles internes.
Quels sont les rapports entre le codage prédictif et d’autres théories sur l’autisme ?
Le codage prédictif recoupe d’autres hypothèses sur l’autisme. Comme certaines autres, il laisse entendre que chez les personnes autistes, le cerveau se focalise trop fortement sur les détails et qu’il est plus lent à dézoomer pour avoir une vue d’ensemble. Il suggère aussi que le cerveau autiste a du mal à prédire les intentions des autres personnes, difficulté illustrant sa lutte pour faire des prédictions en général; cette idée est cohérente avec la théorie selon laquelle les personnes autistes se battent avec la « théorie de l’esprit. »
Le codage prédictif offre-t-il des indications quant à d’autres troubles ?
Le codage prédictif peut contribuer à appréhender les liens entre l’autisme et d’autres troubles, en premier lieu la schizophrénie. Alors que le cerveau autiste accorde trop d’importance aux informations sensorielles, le cerveau des personnes schizophrènes n’en accorde peut-être pas assez, donnant trop d’emprise aux attentes internes et desserrant l’ancrage dans la réalité extérieure. Ce biais pourrait expliquer les hallucinations que connaissent les personnes schizophrènes.
Par d’autres aspects, l’autisme et la schizophrénie sont toutefois similaires. Les deux troubles peuvent impliquer des illusions, qui sont de fausse croyances et non des fausses perceptions. Le codage prédictif laisse entendre que les illusions peuvent se produire lorsque les attentes sont trop faibles et que le cerveau effectue une surcorrection, amenant une personne à tirer de grandes conclusions à partir d’indices ténus.
Les personnes autistes peuvent aussi afficher des taux plus élevés de maladie de Parkinson. Chez les personnes atteintes de cette maladie, les problèmes d’ajustement de la « précision » amènent le cerveau à décider prématurément qu’un mouvement physique est complet, ce qui entraîne une rigidité motrice.
Que signifie concrètement ce modèle du codage prédictif dans l’autisme ?
Si le cerveau autiste gère différemment les informations sensorielles et les attentes, les personnes autistes pourraient être capables d’apprendre à compenser. L’entraînement pourrait par exemple les aider à déplacer leur focalisation des détails de bas niveau aux détails de plus haut niveau.
Références :
1. Karvelis P. et al. Elife e34115 (2018) PubMed
Traduction par Estran