Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

1783 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 janvier 2021

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Décret PCH (Prestation de Compensation du Handicap) : parentalité, alimentation, âge

Commentaires sur le nouveau décret concernant la Prestation de Compensation du Handicap : forfait Aide Humaine concernant la parentalité pour des enfants de moins de 7 ans, temps pour l'alimentation (préparation de repas et vaisselle), limite d'âge.

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme promis lors de la Conférence Nationale du Handicap du 11 février 2020, le décret du 31 décembre 2020 permet d'accorder la PCH (prestation de compensation du handicap) aide humaine au titre de la parentalité. Des dispositions concernent aussi l'alimentation et la barrière d'âge.

La PCH (prestation de compensation du handicap) aide humaine au titre de la parentalité

Il faut bien faire attention. Cette nouvelle disposition n'est pas liée au handicap de l'enfant, mais à celui d'un parent handicapé qui a un enfant de moins de 7 ans.
C'est le parent qui doit avoir un handicap. Ce handicap doit lui permettre, sur la base des critères actuels, de bénéficier de la PCH (prestation de compensation du handicap) Aide Humaine. Il doit être déjà éligible à la PCH (sur 19 activités, avoir une difficulté absolue ou 2 difficultés graves) puis à la PCH aide humaine (une difficulté absolue ou 2 difficultés graves sur 5 actes essentiels, OU besoin de surveillance ou aide pour les actes essentiels pendant au moins 45 minutes par jour).
Plus d'explications : PCH : comment permettre à une personne autiste de consolider son autonomie ?

Illustration 1
Activités référencées pour la PCH © CNSA

Le montant de la PCH parentalité

Il dépend de l'âge de l'enfant, de la situation de monoparentalité ... et du nombre de personnes du couple ayant droit à la PCH aide humaine (arrêté du 17 décembre 2020).
Il est dit d'abord que pour un enfant de moins de 3 ans, il y a une heure de PCH forfaitaire par jour (30 heures par mois). De 3 à 7 ans, il s'agit d’une demi-heure (15 heures).
Ces durées sont augmentées de moitié si le parent vit seul. Elles sont doublées si les deux parents ont le droit à la PCH aide humaine.
Mais cette notion d'heures est un peu plus subtile que cela. En fait, 30 heures se traduisent par un forfait de 900 €.
C'est ce qu'explique le cabinet de Sophie Cluzel dans une interview parue sur le site handicap.fr

  • CSC : Le doit à la PCH parentalité est ouvert au 1er janvier 2021. A partir de cette date, le parents qui déposent leur dossier à la MDPH ont la possibilité, sur présentation d'un certificat de naissance, de bénéficier de cette somme de 900 euros par mois. Prenons un exemple. Des parents qui font appel à une assistante maternelle 35 heures par semaine lui versent un salaire brut de 1 550 euros. Or, comme tous les parents, ceux en situation de handicap bénéficient du Complément de libre choix du mode de garde (CMG), soit une aide de la CAF (Caisse d'allocations familiales) de plus de 600 euros par mois, et d'un crédit d'impôt de 50 %. Le coût réel des 35 heures hebdomadaires de l'assistante maternelle leur revient à 475 euros. Il reste à ce stade presque la moitié de la PCH parentalité à 900 euros, pour augmenter encore significativement le nombre d'heures par semaine, en fonction des besoins de la personne. Pour d'autres, cela peut permettre de couvrir les dépenses de crèches, en plus des aides de droit commun.

Il y a donc une liberté absolue pour le parent pour utiliser ce forfait défini en euros.
Ce forfait pourra être utilisé pour rémunérer un salarié en service prestataire (salarié du service), mandataire (salarié de la personne handicapée, dont le contrat est géré par un service au nom de l'employeur), emploi direct (par la personnes handicapée) ou pour le dédommagement d'un aidant familial.  Il devrait permettre de payer à un taux plus élevé un salarié, comme un TISF (travailleur en intervention sociale et familiale). Mais le montant est quand même inférieur au coût moyen d'un TISF pour un service prestataire.
Il a été dit dans les discussions qu'il n'y aurait pas de contrôle d'effectivité. C'est à dire que les conseils départementaux verseraient cette somme, sans pouvoir contrôler ensuite comment elle a été utilisée.

  • Nota Bene : si plusieurs enfants de moins de 7 ans, le forfait correspondra à l'enfant le plus jeune. Curieuse vision des gains de productivité parentale quand il y a plusieurs enfants.

L'avenir de ce forfait PCH parentalité

Ce forfait est contraire au principe d'individualisation de la PCH tel qu'il a défini dans la loi de février 2005. C'est ce qui a conduit le CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) à formuler quelque réserve. L'APF France Handicap, en particulier, a mené une campagne sur ce point.
Certes, il y a déjà des forfaits cécité et surdité pour la PCH.
Mais ce forfait parentalité est inquiétant. Il est manifestement trop faible dans certaines situations. Plus faible que ce qui avait été décidé par des CDAPH qui l'avaient expérimenté, ou estimé par l'IGAS (inspection générale des affaires sociales).
Une disposition du décret prévoit un rapport auprès du CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) dans un an. Il n'y a pas un engagement explicite à individualiser ce forfait dans un an.
Comment le gouvernement justifie ce forfait ? Sa motivation serait d'arriver le plus vite possible à une dépense de 200 (ou 184) millions d'euros en 2021. Les dépenses de PCH sont assurées par les départements, mais le gouvernement a négocié avec les départements qu'il rembourserait en 2022 les dépenses réelles au titre de la PCH parentalité faites en 2021. Ces dépenses seront inscrites au budget 2022, et pérennisées par la suite L'idée est donc d'assurer une montée en charge la plus rapide de cette PCH parentalité, de telle façon que la dépense soit budgétisée en permanence, chaque année.

Ces considérations de mélimélo budgétaires sont, bien entendu, en dehors des préoccupations des personnes handicapées.

Dans l'interview sur le site handicap.fr, le cabinet Sophie Cluzel [CSC] spécule sur le fait que les personnes handicapées seront satisfaites du forfait :

  • CSC : Nous pensons que les personnes vont rapidement s'apercevoir des bénéfices du forfait et ne sommes pas certains qu'elles voudront revenir en arrière... En revanche, il faudra peut-être affiner cette prestation, notamment pour les personnes qui, ayant plusieurs types de handicap, ont des besoins très particuliers.

Une analyse plus précise des besoins d'aide humaine pour la parentalité est nécessaire. En attendant, les CDAPH peuvent décider d'accorder un montant supérieur au forfait. Lors de ces décisions, les représentants du Conseil Départemental sont majoritaires.

L'éligibilité à la PCH parentalité

Pour bénéficier de la PCH parentalité, il faut que le parent ait le droit à la PCH aide humaine. Cette condition écarte beaucoup de personnes ayant un trouble cognitif ou psychique.

Je connais par exemple des jeunes autistes qui ont acquis un grand niveau d'autonomie, au point de vivre (plus ou moins) en couple et d'avoir un enfant, mais dont le principal besoin est d'avoir un accompagnement pour l'éducation de l'enfant.
Dans le cadre de la CNH de février 2020, un groupe de travail a été créé sur la question de l'éligibilité de la PCH. Cette mission Leguay n'a pas beaucoup avancé aujourd'hui, apparemment.

Dans un entretien à Hospimedia, Denis Leguay a remarqué récemment :

  • D. L. : Le problème se pose exactement de la même façon pour les personnes en situation de handicap psychique, cognitif, intellectuel et du spectre de l'autisme si l'éligibilité à la PCH n'est pas garantie. C'est-à-dire que l'on va s'apercevoir que, puisque ça ne répond pas aux critères d'éligibilité PCH, l'aide à la parentalité portée par une intervention PCH ne pourra pas être appliquée à ces personnes. C'est le serpent qui se mord la queue. Il faut passer la barrière de l'éligibilité à la PCH avant que l'éligibilité à l'aide à la parentalité soit mise en place. C'est ça qui est décrié : si le goulet d'étranglement de passage à l'éligibilité de la PCH ne change pas, l'aide à la parentalité restera lettre morte.

Les formalités pour obtenir cette PCH parentalité

L'article 5 du décret précise : "Les dispositions (...) sont applicables aux demandes de la prestation de compensation du handicap déposées à compter du 1er janvier 2021, ainsi qu'aux demandes en cours d'instruction devant la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées à la date d'entrée en vigueur du présent décret."
La "montée en charge", comme on dit, de cette PCH parentalité sera donc très lente. Sur la base du décret, il faudra que les heureux parents bien informés fassent une nouvelle demande et produisent un nouveau certificat médical, alors que le seul fait d'avoir déjà la PCH aide humaine et d'avoir un enfant de moins de 7 ans (facile à prouver) devrait suffire pour ouvrir droit à ce supplément de PCH, qui est forfaitaire et n'exige aucune étude par la MDPH. Il faudrait donc faire tout le fourbi, et le droit ne rétroagirait pas au 1er janvier, mais au mois de la demande.
Le décret ne reprend pas les promesses gouvernementales faites concernant les simplifications administratives pour accéder à cette prestation.

D'autre part, une information pourrait être faite avec la collaboration des CAF et MSA pour informer les parents de jeunes enfants et bénéficiaires pour eux-mêmes de la PCH aide humaine (donnée connue du conseil départemental et de la MDPH) de la possibilité de faire cette demande. Cela implique un croisement de fichier.

PCH aides techniques parentalité

Des aides techniques sont également attribuées automatiquement et forfaitairement : "le montant forfaitaire attribué pour ces aides techniques est égal à 1 400 € à la naissance de l'enfant, 1 200 € à son troisième anniversaire puis 1 000 € à son sixième anniversaire."

La PCH aide humaine au titre de l'alimentation

Le décret (article 3) modifie le temps d'aide humaine pour l'alimentation en tenant compte du temps de préparation des repas et de la vaisselle.

  • « Les activités relatives à la préparation des repas et à la vaisselle consistent à cuisiner et servir un repas, ou à assurer un accompagnement pour la réalisation de cette activité, et incluent aussi le lavage de la vaisselle, des casseroles et ustensiles de cuisine ainsi que le nettoyage du plan de travail et de la table. »

Ce temps reste plafonné cependant à 1 h 45 mn par jour. Cela n'aura donc d'effet que pour les personnes pour lesquelles la PCH aide humaine n'atteignait pas ce maximum actuellement. Sauf si la CDAPH (dans les votes sur la PCH, les conseillers départementaux ont la majorité) décide d'aller au-delà.
Principale limite de cette modification : la préparation des repas (et la vaisselle) ne fait pas partie de la difficulté grave ou absolue pour définir l'acte d'alimentation.
Autrement dit, le fait de ne pas être capable de préparer un repas n'est pas considéré comme une difficulté dans l'acte d'alimentation.Aussi, dans ce cas, cela ne conduira pas à rendre éligible à la PCH quelqu'un qui ne l'est pas.

Il y a une incohérence dans cette définition, et la mission Leguay pourrait permettre de la résoudre. En étant très optimiste !
La modification a sans doute été conçue pour les adultes, en supposant que cela fait normalement partie des missions des parents de préparer les repas et de faire la vaisselle jusqu'aux 20 ans de l'enfant. Il me semble pourtant que le temps de préparation des repas peut être allongé lorsque l'enfant a des besoins particuliers en la matière, ce qui est souvent le cas dans l'autisme.
Comme pour la PCH parentalité, cette nouvelle règle en s'applique qu'aux nouvelles demandes de PCH déposées à compter du 1er janvier 2021 et aux demandes en cours. Les personnes qui ont la PCH aide humaine mais n'atteignent pas le plafond de 1h45 mn devront donc demander une révision de l’évaluation de leur PCH, avec tout le trafic adéquat.

La limite d'âge pour la PCH

Le décret ne fait qu'avaliser la modification intervenue par la loi du 9 mars 2020.
Il est désormais possible - depuis cette loi - de continuer à percevoir la PCH au-delà de 75 ans.
Seniors, ne rêvez-pas trop. Il faut toujours avoir rempli les conditions d'éligibilité de la PCH à 60 ans (art. D.245-3 CASF).

PS : l'avis adopté par le CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) le 20 novembre 2020 - 40 pages.


Aides à la parentalité : pour une prestation individualisée !

APF  France Handicap - 20.11.2020

Alors que le gouvernement a acté la prise en compte des aides à la parentalité dans la prestation de compensation du handicap (PCH), une de nos revendications fortes depuis plusieurs années, nous alertons le Premier ministre sur les conditions de sa mise en œuvre : une forfaitisation de l’aide humaine, totalement inadaptée aux attentes et aux besoins des parents en situation de handicap. (...)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.