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Billet de blog 12 février 2021

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Crédit d'impôt pour emplois à domicile menacé ?

Un arrêt du Conseil d'Etat menace une partie des emplois à domicile, pour les activités qui se déroulent partiellement en dehors de celui-ci. Nouvelle version du pavé de l'ours ? Le gouvernement a promis le maintien de l'avantage fiscal.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un article du Monde publié le 20 janvier 2020 a mis le feu aux poudres. Il fait état d'une décision du Conseil d’État du 30 novembre 2020.

"Emploi à domicile : attention, certains services ne donnent plus droit au crédit d’impôt

Une décision du Conseil d’État va s’appliquer dès la prochaine déclaration de revenus, c’est-à-dire pour des dépenses qui auraient été engagées en 2020.

Sauf que… dans une décision récente, le Conseil d’Etat vient de juger que seuls les services rendus au domicile des particuliers permettaient de bénéficier du crédit d’impôt. Il annule donc le paragraphe du Bofip qui fait référence aux services rendus hors du domicile. En conséquence, il n’est plus possible de bénéficier du crédit d’impôt pour ce type de prestation d’accompagnement en dehors du domicile.

Compte tenu de la date à laquelle cette décision est intervenue (30 novembre 2020) et du fait générateur de l’impôt sur le revenu (31 décembre 2020), cet avantage ne peut plus jouer dès l’imposition des revenus de 2020. En clair, si vous avez engagé de telles dépenses l’année dernière, vous ne pourrez pas vous en prévaloir lorsque vous remplirez votre déclaration de revenus, au printemps prochain."

Illustration 1
Ours de Pompon, confiné derrière les grilles du parc Darcy. - Dijon © Luna TMG Instagram

Un petit tour sur le site service-public permet de constater que cette page, mise à jour le 1er janvier 2021, donne une information différente. Question posée sur cette discordance, et le site précise désormais :

  •   Attention : l'avantage fiscal est supprimé pour les prestations accessoires réalisées à l'extérieur du domicile (accompagnement...). Seuls les services rendus au domicile du contribuable (ou de son ascendant) donnent droit au crédit d'impôt.

L'objet du litige : l'EHPAD demande l'abrogation d'un commentaire des Impôts

La société Les jardins d'Iroise d'Auch demande l'annulation du paragraphe n° 80 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP).


5. Prestations extérieures comprises dans une offre globale

80  L' avantage fiscal s’applique aux prestations mentionnées à l’article D. 7231-1 du code du travail réalisées à l’extérieur du domicile, dès lors qu’elles sont comprises dans une offre de services incluant un ensemble d'activités effectuées à domicile.

Ainsi, l'accompagnement des enfants sur le parcours école/domicile ou sur le lieu d’une activité périscolaire (gymnase, ludothèque, visite du zoo, etc.) est admis, dès lors qu’il est lié à la garde d'enfant à domicile.

De même, l'aide à la mobilité et le transport des personnes ayant des difficultés de déplacement figure au nombre des activités de services à la personne à l'extérieur du domicile mentionnées au I l'article D. 7231-1 du code du travail. Il en résulte que la prestation de transport proposée dans le cadre d'une offre globale de services est éligible à l'avantage fiscal lorsque le contribuable recourt à une prestation éligible effectuée à son domicile dont la prestation de transport constitue l'accessoire. 


La décision : " Il résulte de ces dispositions combinées, notamment de celles du 2 de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, que seules ouvrent droit au crédit d'impôt prévu par cet article les sommes versées en rémunération des services, mentionnés à l'article D. 7231-1 du code du travail, qui sont rendus au domicile du contribuable ou de son ascendant, à l'exclusion des sommes versées en rémunération des activités exercées en dehors de ce domicile. "

Et le "2" dit : "2. L'emploi doit être exercé à la résidence, située en France, du contribuable ou d'un de ses ascendants remplissant les conditions prévues au premier alinéa L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles"

Les emplois à domicile comportent explicitement des temps de travail hors du domicile  (article D7231-1 du code du travail) :

« 5° Accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) quand cet accompagnement est réalisé dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du même code »

Le Conseil d’État fait une interprétation très restrictive de la notion de "résidence", mais il est difficile de voir une différence entre résidence et domicile.
L'arrêt du Conseil d’État ne permet pas de savoir qu'elle était l'argumentation du Ministère, sinon qu'il a essayé de jouer sur l'irrecevabilité de la demande (motif écarté par le Conseil d'Etat compte tenu des dispositions suspendant les délais dans le cadre du premier état d'urgence).
Mais il est encore plus difficile de comprendre ce que voulait l'association Les Jardins d'Iroise. Elle exploite un EHPAD , quel était son intérêt de demander l'abrogation de cet article ? Ou c'est une nouvelle version du pavé de l'ours http://www.linternaute.fr/expression/langue-francaise/20686/le-pave-de-l-ours/*? En effet, l'EHPAD livre des repas à domicile dans tout le département du Gers.
Hypothèse : des prestataires extérieurs à l'EHPAD proposait des services avec bénéfice du crédit d'impôt, qui faisaient concurrence aux services procurés par l'établissement. Par exemple la livraison de repas à domicile peut concurrencer le réfectoire et le service de livraison des repas de l'établissement. Voir avec la liste ci-dessous des activités pré&vues par le Code du Travail.
On y trouvera d'ailleurs la source des commentaires des Impôts, la dernière phrase de l'article D 7.231-1 : "III.-Les activités mentionnées (...) n'ouvrent droit au bénéfice du (...) qu'à la condition que la prestation soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d'activités réalisées à domicile." Le commentaire du Bulletin des Impôts résultait logiquement de ce texte du code du travail et évitait de complexifier la réglementation.

Un article d'Information Handicap du 11 février précise : " Le ministre délégué auprès du ministre de l'Economie, Olivier Dussopt, a indiqué le 11 février 2021 qu'il ne suivrait pas l'avis du Conseil d'Etat, annonçant officiellement que rien ne changerait". Cet arrêt du Conseil d’État va en effet contre la politique gouvernementale visant à faciliter les démarches pour obtenir au plus tôt ce crédit d'impôt. Le Gouvernement préconise de s'appuyer sur une autre circulaire non abrogée https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/44550. Et envisage une modification législative.

PS : Communiqué de presse

Illustration 2
https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=B40FCDC7-9578-462C-BFB4-611C63E93B51&filename=659%20-%20Monsieur%20Olivier%20DUSSOPT,%20Ministre%20d%C3%A9l%C3%A9gu%C3%A9%20charg%C3%A9%20des%20Comptes%20publics,%20annonce%20une%20stabilit%C3%A9%20du%20cadre%20juridique%20applicable%20pour%20le%20b%C3%A9n%C3%A9fice%20du%20cr%C3%A9dit%20d%E2%80%99imp%C3%B4t%20services%20%C3%A0%20la%20personne.pdf

Article L7232-1 du code du travail

Toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce les activités de service à la personne mentionnées ci-dessous est soumise à agrément délivré par l'autorité compétente suivant des critères de qualité :

1° La garde d'enfants au-dessous d'une limite d'âge fixée par arrêté conjoint du ministre de l'emploi et du ministre chargé de la famille ;

2° Les activités relevant du 2° de l'article L. 7231-1, à l'exception des activités dont la liste est définie par décret et qui ne mettent pas en cause la sécurité des personnes.

Article D 7231-1 du code du travail

I.-Les activités de service à la personne soumises à agrément, en application de l'article L. 7232-1, sont les suivantes :

1° Garde d'enfants à domicile, en dessous d'un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la famille ;

2° Accompagnement des enfants en dessous d'un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la famille dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) ;

3° Assistance dans les actes quotidiens de la vie ou aide à l'insertion sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles prestations à domicile, quand ces prestations sont réalisées dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du présent code, à l'exclusion d'actes de soins relevant d'actes médicaux à moins qu'ils ne soient exécutés dans les conditions prévues à l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique et du décret n° 99-426 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuer des aspirations endo-trachéales ;

4° Prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives quand cette prestation est réalisée dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du présent code ;

5° Accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) quand cet accompagnement est réalisé dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du même code.

II.-Les activités de services à la personne soumises à titre facultatif à la déclaration prévue à l'article L. 7232-1-1 sont, outre celles mentionnées au I du présent article et à l'article D. 312-6-2 du code de l'action sociale et des familles, les activités suivantes :

1° Entretien de la maison et travaux ménagers ;

2° Petits travaux de jardinage, y compris les travaux de débroussaillage ;

3° Travaux de petit bricolage dits " homme toutes mains " ;

4° Garde d'enfants à domicile au-dessus d'un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la famille ;

5° Soutien scolaire à domicile ou cours à domicile ;

6° Soins d'esthétique à domicile pour les personnes dépendantes ;

7° Préparation de repas à domicile, y compris le temps passé aux courses ;

8° Livraison de repas à domicile ;

9° Collecte et livraison à domicile de linge repassé ;

10° Livraison de courses à domicile ;

11° Assistance informatique à domicile ;

12° Soins et promenades d'animaux de compagnie, à l'exception des soins vétérinaires et du toilettage, pour les personnes dépendantes ;

13° Maintenance, entretien et vigilance temporaires, à domicile, de la résidence principale et secondaire ;

14° Assistance administrative à domicile ;

15° Accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) ;

16° Téléassistance et visio assistance ;

17° Interprète en langue des signes, technicien de l'écrit et codeur en langage parlé complété ;

18° Prestation de conduite du véhicule personnel des personnes mentionnées au 20° du II du présent article, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives ;

19° Accompagnement des personnes mentionnées au 20° du II du présent article dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) ;

20° Assistance aux personnes autres que celles mentionnées au 3° du I du présent article qui ont besoin temporairement d'une aide personnelle à leur domicile, à l'exclusion des soins relevant d'actes médicaux ;

21° Coordination et délivrance des services mentionnés au présent article.

III.-Les activités mentionnées aux 2°, 4° et 5° du I et aux 8°, 9°, 10°, 15°, 18° et 19° du II du présent article n'ouvrent droit au bénéfice du 1° de l'article L. 7233-2 du code du travail et de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale qu'à la condition que la prestation soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d'activités réalisées à domicile.

* Fait de causer du tort à quelqu'un en voulant lui venir en aide. L'expression trouve son origine dans la fable "L'ours et l'amateur de jardins" de Jean de La Fontaine. Cette fable raconte l'histoire d'une amitié entre un ours et un homme, et le moment où le plantigrade souhaite tuer une mouche installée sur la tête de son ami endormi. Mais ne mesurant pas sa force, l'animal tue la mouche à l'aide d'un pavé, provoquant du même coup, et sans le vouloir, la mort de son ami.

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