the-scientist.com Traduction par Sarah de "Savant in the Limelight, 1988–2009" par Sukanya Charuchandra - 1er mai 2020
Aux yeux même de Darold Treffert, expert dans l’étude des savants, qui a rencontré près de 300 personnes avec des troubles comme l’autisme, possédant d’extraordinaires facultés mentales, Kim Peek sortait du lot. Treffert a parlé pour la première fois avec Peek au téléphone, en 1980. Peek a demandé à Treffert la date de son anniversaire, puis il a entrepris de raconter des faits historiques survenus ce jour-là et pendant cette semaine-là, se rappelle Treffert. Devant cette démonstration de mémoire, Treffert n’a eu aucun doute : Peek était bien un savant.
Les facultés de Peek ont ébloui le scénariste Barry Morrow, lorsque les deux hommes se sont rencontrés en 1984 à une réunion de comité de l’Association pour les Citoyens Déficients Mentaux. Morrow a commencé à écrire le scénario du film Rain Man, qui sortirait en 1988, en fondant le personnage de Dustin Hoffman sur Peek.
Le concept du syndrome du savant remonte à 1887, quand le médecin J. Langdon Down a utilisé pour la première fois le terme « savant idiot » pour des personnes qui présentaient un QI faible, mais qui excellaient dans un domaine artistique, musical, mathématique ou autre. (A l’époque, le mot « idiot » désignait un QI bas, et n’était pas perçu comme insultant.)

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Champion de la mémoire : Kim Peek en 2006. Parmi les traits les plus remarquables chez Peek figurait la mémorisation de l’index d’un ensemble d’encyclopédies, ainsi qu’un certain nombre de passages d’autres livres, à six ans. Les années passant, il lui arrivait de se souvenir de codes zip pour certaines zones, les lettres d’appel pour toutes les stations de télévision régionales, et les codes de zones de téléphone, ainsi que de faits issus de l’histoire mondiale, la géographie, la littérature, la culture populaire et d’autres choses encore.
Neuf mois après la naissance de Peek en 1951, un médecin a averti sa famille « que Kim était attardé, et qu’ils devraient le placer dans une institution et oublier son existence », raconte Treffert. « Un autre médecin a proposé une lobotomie, ce qu’ils n’ont heureusement pas mené à bien ». A la place, ses parents l’ont élevé dans leur maison de l’Utah, où il a foncé dans les livres, mémorisant tout. Malgré ses exploits de mémoire et d’autres aptitudes, comme d’effectuer des calculs impressionnants de tête, Peter n’a jamais appris à réaliser de nombreuses tâches quotidiennes, comme de s’habiller. Un IRM révélerait plus tard que le cerveau de Peek comportait des anomalies dans l’hémisphère gauche, et qu’il n’y avait pas de corps calleux, qui contrôle la communication entre les deux hémisphères cérébraux.
A un moment donné, Peek a été diagnostiqué autiste, et l’on a pensé par la suite qu’il avait un trouble génétique appelé syndrome FG, qui touche à la fois le cerveau et le corps. Pamela Heaton, professeure de psychologie à Goldsmiths, Université de Londres, constate que l’on trouve plus souvent des aptitudes exceptionnelles comme celles de Peek chez les autistes que dans les autres troubles. Un goût pour la structure, une capacité à reconnaître les schémas récurrents dans les données, et une perception élevée semblent jouer un rôle dans les capacités des savants autistes, d’après Laurent Mottron, professeur de psychiatrie à l’Université de Montréal.
Jusqu’à sa mort en 2009, Peek a accompli sa mission de défenseur des personnes handicapées, faisant la démonstration de ses incroyables facultés de mémorisation aux personnes qu’il rencontrait lors de conférences. Treffert, pour qui les savants se distribuent en trois catégories selon le type d’aptitudes qu’ils ont, considère que Peek était un « savant prodigieux » comme on en rencontre rarement, ce qui signifie que ses capacités tranchaient même sur celles de personnes neurotypiques.
La recherche et les interventions destinées aux personnes qui ont le syndrome du savant, une forme d’autisme, et d’autres troubles intellectuels, a connu des progrès considérables depuis la naissance de Peek. « On voyait les choses très différemment d’aujourd’hui », en partie grâce à Rain Man, résume Treffert. Mottron, cependant, croit que le mouvement pour la neurodiversité – qui défend le respect, l’égalité, les droits civiques et l’inclusion pour les personnes neurodivergentes – a fait davantage pour faire changer la perception publique de tels troubles.
Alors que les catégories de Treffert ne sont qu’un des moyens pour les chercheurs de tenter de comprendre le syndrome du savant, aucun cadre de travail n’a été encore trouvé pour rendre compte de tous les cas dans ce trouble. Il indique qu’un plus grand nombre de recherches sur ces personnes pourraient aider à démêler les mécanismes non seulement de l’autisme et du syndrome du savant, mais de la mémoire humaine en général.

Steve Silberman, dans "Neurotribus" consacre le chapitre 9 à "L'effet Rain Man". Il décrit comment le futur scénariste de Rain Man a d'abord connu Bill Sackter, à qui il a évité l'HP¨. Il a connu ensuite Kim Peek. En travaillant le scénario de "Rain Man", il a contacté Bernard Rimland, un parent à l'origine des premières associations de parents de personnes autistes. Celui-ci lui a permis de contacter Joe Sullivan et Peter Guthrie, qui ont véritablement inspiré le Raymond Babbitt de Rain Man. En mettant l'accent sur Kim Peek, cela a permis de ne pas braquer les feux des projecteurs sur ceux-ci.