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Billet de blog 21 avril 2023

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ASE 11 : Dans les IME et ITEP, enfants autistes invisibilisés

Comment un rapport statistique peut faire disparaître l'autisme dans une série d'autres troubles, à ne pas accompagner spécifiquement les personnes autistes. La situation des enfants placés à l'ASE et pris en charge dans des IME ou ITEP.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un document volumineux « Le handicap en chiffres » vient d'être publié par le service statistique du Ministère de la Santé et de la Solidarité (DREES).

Illustration 1
Sensations II © https://www.instagram.com/lunatmg/


C'est une excellente base d'analyse de la situation des personnes handicapées.
Je m'interroge sur le fait que les troubles du spectre de l'autisme n'apparaissent que dans les données concernant l’Éducation Nationale, pages 29 et 31.

Dans le premier degré, ce sont les élèves qui ont le plus besoin d'accompagnant individuel (AESHi), que ce soit à temps plein ou à temps partiel. L'accompagnement mutualisé (AESHm) permet aux élèves avec handicap moteur de les « rattraper ».
Dans le secondaire, 65,3% des élèves autistes ont besoin d'un accompagnement !
Une preuve que l'accompagnement humain des élèves autistes est essentielle pour leur scolarisation. Cela est nécessaire assez souvent aussi dans les ULIS, ce qui est permis par une circulaire ministérielle de mai 2016.
Je m'interroge donc sur le fait que les troubles du spectre de l'autisme ont disparu dans les statistiques concernant les IME et les ITEP, alors que c'était le cas jusqu'à récemment.
Cela a – très certainement – comme conséquence que la prise en charge dans ces établissements considère comme secondaire l'autisme, au point de le nier.
Dans son plan ASE (aide sociale à l'enfance), le conseil départemental du Finistère a établi que 28% des enfants de l'ASE avaient un « dossier MDPH », soit un handicap reconnu administrativement.
Le rapport « Le handicap en chiffres » développe page 24 et 25 la situation des enfants pris en charge en IME et ITEP :

  • 15% des enfants accompagnés par ces structures sont "bénéficiaires" de l’ASE

  • Les jeunes bénéficiant d’une mesure d’ASE constituent 41 % des effectifs dans les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep)

  • Près de la moitié (47 %) des jeunes accompagnés par les structures pour enfants et adolescents handicapés et bénéficiaires de l’ASE ont comme déficience principale un trouble du psychisme, du comportement ou de la communication, soit largement plus que parmi les non-bénéficiaires (25 %).

Enfants placés à l'ASE © DREES (pdf, 559.7 kB)

L'autisme n'existe donc pas dans les IME et ITEP. Ou il est anecdotique ?
Dans les ITEP, ce serait normal, car la circulaire interministérielle du 14 mai 2007 indique qu'ils ne sont pas adaptés aux enfants autistes ou avec un trouble du développement intellectuel :

  • "Il convient de remarquer que d’une façon générale, les ITEP ne sont pas adaptés à l’accueil d’enfants et adolescents autistes ou présentant des troubles psychotiques prédominants, ou des déficiences intellectuelles importantes, qui requièrent d’autres modes d’éducation et de soins, et qui pourraient souffrir de la confrontation avec des jeunes accueillis en ITEP."

Une étude statistique à la demande de l'ARS de Bretagne avait établi que plus d'un tiers des enfants accueillis en ITEP avaient un diagnostic de « psychose infantile ». Faut-il rappeler que c'est le diagnostic obsolète (rejeté par la HAS depuis 17 ans) pour l'autisme issu de la CFTMEA (classification franco-française psychanalytique) ?
La psychose infantile a aujourd'hui disparu dans les enquêtes statistiques quadriennales dans les établissements médico-sociaux (ES 2014, ES 2018, etc). C'est devenu trouble du comportement, de la communication, du psychisme : faites votre marché dans la liste. Mais l'autisme infantile semble avoir également disparu.
Le phénomène inverse a été constatée dans des ULIS. Il y avait des ULIS TP (troubles de la personnalité). Au CRA, ostracisé par bien des pédopsychiatres du département, on considérait qu'il s'agissait d'enfants autistes. Mais les ULIS TP n'étaient plus possibles légalement. Aussi, elles sont devenues des ULIS TSA. Il fallait donc que les élèves aient un diagnostic de TSA. Pas de problème : les mêmes médecins ont reconverti les troubles de la personnalité en TSA.
Une illustration de la « fluidité » opportuniste des diagnostics !
Les troubles du psychisme interviennent habituellement à la fin de l'adolescence. Surprenant qu'ils prennent autant de place chez les enfants avec handicap.
La mesure 37 de la stratégie nationale de l'autisme … préconise un repérage des adultes autistes dans les établissements médico-sociaux et sanitaires. Déjà prévue dans le 3ème plan autisme, cette mesure a beaucoup du mal à décoller. Il paraît que ce n'est pas confraternel de réévaluer le diagnostic précédemment posé par un confrère.
Mais c'est assez renversant que les IME et ITEP ne l'aient pas déjà fait. Ils ont plus de moyens, plus d'éducateurs spécialisés et de psychologues. Et donc bien plus en mesure de faire ce repérage, de participer à la réévaluation du diagnostic. Encore faut-il que leur formation initiale et leur formation continue les y prépare. Une enquête menée dans le cadre du 3ème plan autisme avait établi que seuls 14% des instituts de formation en travail social avaient un programme conforme aux recommandations de la HAS sur l'autisme. Cela a sans doute progressé depuis, mais à quel rythme ?
Pour les psychologues, compte tenu de l'allongement de l'âge de la retraite, il faudra plus longtemps pour espérer que leur pratique obsolète – et nocive – diminue dans les établissements. Compte tenu de l'autonomie des Universités, c'est terra incognita sur l'évolution des enseignements.
Évidemment pour les ITEP, plus infectés par l'idéologie psychanalytique, l'évolution est plus difficile. Pourquoi leur financement n'est pas remis en cause ? Parce qu'ils servent de poubelle à l'Education Nationale, de circuit d'éjection de la scolarité ordinaire ?
Seul point positif dans ce constat assez déplorable : les enfants placés en ITEP sont de plus en plus scolarisés en milieu ordinaire.
L’Éducation Nationale s'est résolue à identifier les élèves autistes, pour mener une politique spécifique. Ce n'est pas pour autant habituel d'identifier le type de handicap.
Dans les IME et ITEP, c'est la base du métier : que cela soit invisibilisé dans les statistiques, c'est plutôt inquiétant sur la qualité de la prise en charge.
Dans le contexte difficile des enfants de l'ASE, c'est catastrophique.
Cela est à mettre en lien avec la dé-formation des services chargés des Informations Préoccupantes, d'AEMO (action éducative en milieu ouvert), des MJIE (mesures judiciaires d'intervention éducative).

Conclusion

  • Formation des éducateurs et psychologues
  • Repérage des enfants autistes dans les IME et les ITEP
  • Évaluation fonctionnelle
  • Modification de l'accompagnement
  • Maintien en milieu scolaire ordinaire autant que possible.

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