Les Conseils Départementaux financent la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Ils ont la main libre pour cela, car lorsque la CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) délibère sur la PCH, les conseillers départementaux sont majoritaires. Ce n'est que lorsque les conseillers départementaux sont partagés que les autres membres de la CDAPH (dont les représentants des usagers) peuvent faire pencher la balance.
Le Conseil Départemental a un autre pouvoir d'intervention : c'est lui qui pilote la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), c'est lui qui recrute la majorité du personnel, etc. Il peut donc "aider" à orienter les propositions de l'équipe pluridisciplinaire qui seront soumises à la CDAPH.
Il peut encore "mieux" faire, c'est de prendre des décisions illégales pour la mise en œuvre des décisions de la CDAPH.
Un exemple : le conseil départemental du Maine-et-Loire exige des preuves de dépenses pour la PCH parentalité, alors qu'il s'agit d'un forfait dépendant de l'âge des enfants. Les personnes handicapées ont pourtant la liberté de l'utiliser au mieux, comme elles l'estiment.

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Il y a donc ce qu'on appelle le "contrôle d'effectivité" qui est assuré par les conseils départementaux. Ils ont le droit de vérifier si la PCH attribuée est bien utilisée dans les conditions légales. Cela est évidemment une source de complications administratives pour la personne handicapée, mais n'est pas contestable sur le fond.
Cependant, pour la PCH parentalité comme pour les PCH cécité, surdité, surdicécité, il n'y a pas de contrôle possible, parce que ce sont des forfaits. Pour la PCH parentalité, sa mise en œuvre a été décidée pour une mise en œuvre rapide par Sophie Cluzel, sans attendre la définition de critères pour l'évaluation individuelle. Le CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) a défendu la nécessité d'une évaluation individuelle à terme depuis 2020, mais rien n'a bougé depuis.
Plusieurs problèmes se posent pour le contrôle, notamment :
- le lissage sur 6 mois
- le lissage sur 12 mois pour le soutien à l'autonomie ou l'aide à la vie sociale
- le type d'intervention
- les dépenses annexes au contrat de travail
- le niveau de rémunération des salariés
Le lissage sur 6 mois
Le contrôle ne peut se faire mois par mois, mais doit se faire sur une période de 6 mois au minimum.
La notion de contrôle suppose une révision rétroactive des droits payés.
Cela est à distinguer, quand l'utilisation du droit PCH peut varier, de la déclaration a priori des heures utilisées. Je pense que cela peut être différent entre l'emploi direct, un service prestataire ou un aidant familial (qui sert de voiture balai).
Le lissage sur 12 mois
L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation de la MDPH propose un certain nombre d'heures en fonction de différents critères, dont la participation à la vie sociale et au soutien à l'autonomie. Cela se traduit par l'attribution d'un quota d'heures par la CDAPH.
Le service payeur du conseil départemental ne doit pas avoir connaissance du détail de l’évaluation. Lors du contrôle, il ne peut donc (il n'a pas la capacité ni technique, ni juridique) de déterminer quelles sont les heures affectées à telle ou telle activité.
N'ayant pas le droit de connaître les évaluations entre soutien à l'autonomie, la vie sociale et les autres motifs, je ne vois pas comment le contrôle du CD peut s'exercer en-dessous des 12 mois.
La CDAPH peut accorder 30 heures par mois au titre de la participation à la vie sociale, heures pouvant être regroupées sur 12 mois.
En ce qui concerne le soutien à l'autonomie, la CDAPH peut accorder 3 heures par jour, capitalisables sur 12 mois.
Le type d'intervention
Il est compréhensible que le conseil départemental, lors d'un contrôle, se pose la question de l'utilisation de la PCH pour les motifs prévus.
Il y a deux point sensibles : la préparation des repas (et la vaisselle) et le ménage.
Le temps de préparation des repas a évolué. Il n'est pas tenu compte de cette activité pour définir un critère d'éligibilité à la PCH aide humaine, mais lorsque que les critères sont remplis, le temps de préparation des repas est admis. Ainsi que la vaisselle. Voir à la fin.
La question du ménage est un peu différente. Il y a exclusion de cette activité pour la PCH, parce qu'elle peut être financée par ailleurs, par les CCAS (commissions communales d'aide sociale). Cependant, cette prise en charge se fait sous condition de ressources. D'où contestation quand il y a un refus du CCAS.
Cette question peut conduire à de fortes récupérations de PCH, quand le prestataire ou l'aidant déclare lors d'un contrôle qu'il fait le ménage.
Dans les conditions actuelles de la PCH, la personne intervenante (aidant familial, emploi direct ou prestataire) ne doit pas assurer l'activité, mais apprendre à la personne handicapée à le faire (en cas de besoin de "soutien à l'autonomie", s'il y a un handicap pour des raisons, psychiques, cognitives ou neurodéveloppementales).
C'est un objectif très souhaitable (à condition que la personne ait les capacités physiques de le faire). Mais c'est plus facile de le dire qu'à le faire, ce qui pose la question de la compétence des intervenants. C'est plus simple de faire qu'apprendre à le faire faire.
Les dépenses annexes au contrat de travail
Le ministère a revalorisé le 1er juin 2024 le montant de la PCH en cas de rémunération par emploi direct d'un aidant salarié.
L'emploi "direct" correspond à un contrat de travail établi entre la personne handicapée et un salarié.
Alors qu'un service prestataire n'implique pas un contrat de travail entre un salarié et un employeur. Cela n'est pas le cas non plus s'il y a un aidant familial.
L'emploi direct est administrativement le plus compliqué pour la personne handicapée, mais cela lui permet d'ajuster les "ressources" (salariées) à ses besoins. En tout cas, elle peut s'autodéterminer.
La tarification (remboursement) de l'emploi direct ne tenait pas compte des dépenses annexes au contrat de travail : indemnités de précarité, de remplacement, de licenciement ... Le montant est donc passé de 140% du SMIC à 150% au 1er juin 2014.
Cela fait augmenter la facture des conseils départementaux. Autant dire qu'ils renâclent, font comme s'ils n'avaient pas compris.
Une note ministérielle du 25 juin 2024 indique aux conseils départementaux à quoi peuvent servir les dépenses de la PCH.
La logique est que l'écart entre le paiement de la PCH et les dépenses peut être économisé par la personne handicapée, pour financer les dépenses aléatoires qui interviendront à un moment ou à un autre dans le contrat de travail. Une logique difficilement compatible avec un contrôle d'effectivité de 6 ou 12 mois. Ou avec un fonctionnement avec le CESU.
Le niveau de rémunération des salariés
Certains employeurs ont augmenté le salaire de leurs employés du fait de l'augmentation de la PCH aide humaine "emploi direct".
Ils n'y étaient pas obligés, mais c'est très bien comme çà.
Mais il y a une contradiction entre le salaire horaire des salariés et le montant de la PCH.
Dès qu'il faut un certain niveau de qualification ou d'expérience, il est anormal de continuer à payer les salariés au SMIC.
Il y a deux conceptions juridiques qui s'affrontent :
- la PCH intervient pour le nombre d'heures déterminé par la décision de la CDAPH;
- la PCH intervient dans la limite des dépenses déterminées par la CDAPH.
Dans le premier cas, l'usager n'a pas beaucoup de solutions :
- il finance l'augmentation des salaires horaires par le crédit (50%) d'emplois familiaux;
- il prend sur son dédommagement d'aidant familial au titre de la PCH
- il prend sur ses autres ressources
- il déclare un nombre d'heures supérieur à la réalité, ce qui lui permet d'augmenter le tarif horaire réellement payé.
Dans le deuxième cas, il peut déclarer la dépense réelle de financement d'un salarié, sans se préoccuper du nombre d'heures réalisées.
Il ne prend pas sur son dédommagement d'aidant familial, si c'est le cas, mais il va assurer gratuitement cette responsabilité d'aidant familial pour des heures en plus.
C'est la quatrième solution (du 2ème cas) qui va poser problème. L'usager demande au conseil départemental de lui verser une somme calculée en fonction du nombre d'heures et du tarif national emploi direct. Lors d'un contrôle, le CD constate que le nombre d'heures ne correspond pas.
Est-ce que le remboursement des dépenses est plafonné par le nombre d'heures, ou par le montant de ces dépenses ?
Il y a plusieurs tribunaux qui ont jugé que c'est le montant global des dépenses qui doit être remboursé (Exemple). Il n'y a pas d'arrêt de la cour de cassation pour le moment : il y a donc une incertitude.
Si le conseil départemental demande le remboursement de la PCH, il ne faut pas hésiter à engager des recours*.
Emploi direct : la PCH ne sert pas seulement à payer les salaires
Les critères d'éligibilité de la PCH (tableau de synthèse)
L'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles
Extrait : Prendre ses repas (manger et boire)
Définition : Coordonner les gestes nécessaires pour consommer des aliments qui ont été servis, les porter à la bouche, selon les habitudes de vie culturelles et personnelles.
Inclusion : Couper sa nourriture, mâcher, ingérer, déglutir, éplucher, ouvrir. [lorsque ces gestes ne peuvent être accomplis par la personne seule, cela veut dire qu'elle n'assure pas l'activité : elle remplit donc le critère permettant d'ouvrir le droit à la PCH]
Exclusion : Préparer des repas, se servir du plat collectif à l'assiette, les comportements alimentaires pathologiques. [même si la personne handicapée ne peut pas faire ces gestes, elle ne remplit pas ce critère d'ouvrir droit à la PCH]
Mais quand il s'agit de déterminer le besoin de compensation (d'une aide du fait du handicap), les activités prises en considération sont plus larges :
Alimentation : le temps quotidien d'aide pour les repas et assurer une prise régulière de boisson peut atteindre 1 heure et 45 minutes. Ce temps d'aide prend aussi en compte le besoin d'accompagnement ou l'installation de la personne. En complément d'actes relevant des actes essentiels, ce temps intègre aussi les activités relatives à la préparation des repas et à la vaisselle. Il ne comprend pas le portage des repas lorsque ce temps est déjà pris en charge ou peut l'être à un autre titre que la compensation du handicap.
L'acte “ Alimentation ” comprend les activités “ manger ” et “ boire ”, et le besoin d'accompagnement pour l'acte. Le temps d'aide prend aussi en compte le temps pour couper les aliments et/ ou les servir et assurer une prise régulière de boisson hors des repas.
Les activités relatives à la préparation des repas et à la vaisselle consistent à cuisiner et servir un repas, ou à assurer un accompagnement pour la réalisation de cette activité, et incluent aussi le lavage de la vaisselle, des casseroles et ustensiles de cuisine ainsi que le nettoyage du plan de travail et de la table.
Des facteurs tels que l'existence d'un besoin d'accompagnement ou de troubles de l'alimentation ou de la déglutition, notamment s'ils nécessitent le recours à une alimentation spéciale, hachée ou mixée, peuvent être de nature à justifier un temps d'aide quotidien important.
* Attention : la demande de remise de dette suppose d'accepter le bien-fondé de la dette. Il faut d'abord la contester sur le fond, et demander "à titre subsidiaire" la remise de dette.