Dossier Stonewall 50 ans après : LGBTQI+ et autisme

Jim Sinclair, 1992
Traduction de lulamae
[On m’a demandé : si vous aviez le choix d’être né homme ou femme, quel sexe auriez-vous préféré avoir ? Et si vous aviez le choix d’avoir eu une orientation sexuelle plutôt qu’une autre, seriez-vous plutôt gay ou hétéro ?]
Avoir passé un peu plus de temps adulte en tant qu’homme était assurément une meilleure expérience. Mais je ne pense pas que cela ait été du fait d’être [étiqueté] homme ; je pense que c’était du fait d’être plus adulte. Je peux ajouter qu’à cette époque, j’étais suffisamment âgé pour qu’on ne puisse pas manquer l’ambiguïté physique (surtout avant le traitement hormonal), donc même les gens qui ne connaissaient pas mon histoire et qui croyaient consciemment que j’étais un homme, semblaient admettre inconsciemment que je ne l’étais pas, et cela se reflétait à la façon dont ils me traitaient. Ainsi, tandis que la vie m’était plus facile en tant qu’homme qu’en tant que femme, je pense qu’une des raisons principales en est que je n’étais jamais traité réellement comme un homme. (L’autre raison étant qu’à ce moment-là j’étais capable de parler.)
Non seulement cela, mais j’étais encore mal à l’aise dans des situations où des catégorisations de genre se faisaient, même quand on me catégorisait comme homme. Je me retrouvais à réagir de la même manière que, quelques années auparavant, j’avais réagi lorsqu’on me catégorisait comme fille. Je suis certain que si cet ordre avait été l’inverse, et que j’avais été désigné comme garçon à la naissance, puis à nouveau désigné comme femme pendant l’adolescence, j’aurais su d’emblée que je n’étais pas un garçon, j’aurais beaucoup mieux vécu d’être une femme à l’âge mûr, et je n’aurais toujours pas intériorisé aucun des deux genres.
Donc, si l’on me forçait à choisir puis à adhérer à ce choix ? D’un point de vue social, je pense que je choisirais celui des deux sexes auquel je ressemble le moins physiquement. Au moins, de cette façon, les gens continueraient à m’allouer ce qui leur conviendrait dans leur subconscient.
D’un point de vue physique, pendant mon enfance de fille, j’ai vu assez de corps féminins pour ressentir une profonde répulsion à l’idée d’en habiter un, donc ma réaction primaire venant des tripes serait sans doute : « Tout sauf ça ! » Mais là encore, je suis sûr que je ressentirais la même chose si j’avais été exposé à autant de corps masculins. Cela a une résonance très désagréable. Toutes les parties de mon corps ont des fonctions adéquates pour ma vie, aucune d’elles ne coule sans autorisation (sauf mon nez à certains moments, et appartenir à l’autre sexe n’empêcherait pas cela, donc ce ne serait pas une bonne affaire, sinon l’adjonction d’une partie coulante de plus), et il n’y rien qui pende nulle part, sans os qui le retienne de sautiller. J’aime qu’il en soit ainsi. Si j’étais né avec n’importe quelle partie superflue, coulante ou sautillante, je pense que j’aurais demandé à les faire retirer à la première occasion.
Voici une question pour vous : les aspects sociaux ou physiques sont-ils les plus importants dans l’expérience que vous avez de votre sexe ?
“Seriez-vous plutôt gay ou hétéro ? »
Là, vous me demandez de faire deux choses : imaginer que je sois sexuel, puis choisir une orientation sexuelle. Je n’ai aucun doute sur le fait que ce qui arriverait si j’étais sexuel c’est que je serais bisexuel. Le sexe d’autres personnes n’a rien à voir avec les sentiments que j’éprouve pour elles à présent, donc, à moins qu’il soit inhérent à la nature de l’érotisme d’être focalisé sur un seul sexe (ce qui ne peut être le cas, sinon personne ne serait bisexuel), je ne pense pas que cela changerait si j’avais une pulsion sexuelle.
Maintenant, est-ce que c’est ce que je voudrais qu’il arrive, à supposer que j’ai le choix en la matière ?
Mon premier choix serait de rester asexuel. Si vous enlevez les parties compliquées, qui me semblent quelque peu répugnantes, je ne pense pas que les personnes sexuelles soient capables de quelque chose que je ne pourrais pas faire moi-même (sauf faire des bébés, ce qui n’est pas une réponse pertinente à votre question, puisque si c’est la raison pour laquelle vous vouliez un rapport sexuel, vous n’auriez d’autres options que l’hétérosexualité ou l’hermaphrodisme), et j’aime les différentes façons dont je le fais. J’aime découvrir des choses pour lesquelles on ne trouve pas d’instructions dans des manuels. J’aime les sensations qui se produisent aux endroits où je sais comment les éveiller. J’aime être libre des contraintes de l’anatomie. Avoir des relations sexuelles au lieu de tout cela serait terriblement restrictif. Et avoir des relations sexuelles en plus de tout cela (oui, il existe des personnes qui sont aussi capables de faire l’amour d’autres manières, mais nombre d’entre elles ne se fatiguent pas à les rechercher, car le sexe est trop facile) serait redondant. De ce qu’on m’a dit sur les bienfaits du sexe, je ne pense pas que cela vaudrait la peine, même si je pouvais les ressentir – surtout si cela devait me détourner de ce que j’ai déjà.
Mais si vraiment il m’arrivait d’avoir une pulsion sexuelle, alors oui, je pense que je serais plutôt bisexuel. Toute personne à qui je m’intéresserais devrait être une personne belle et spéciale. Je ne voudrais pas manquer la possibilité de connaître une telle personne juste parce qu’iel se trouverait être du « mauvais » sexe.
https://web.archive.org/web/20090207122944/http://web.syr.edu/~jisincla/choice.htm