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Billet de blog 28 janvier 2021

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Des montres "intelligentes" des élèves autistes et la science

A quoi peut servir une montre "intelligente" pour un élève autiste ? Et pour quoi elle est inutile ou même nuisible ? Doit-on normaliser certains comportements non pertinents ? L'analyse d'un projet par une américaine autiste.

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medium.com Traduction de "Strapping Smartwatches on Autistic Students, for Science" - Hannah Hottenstein -  23 janvier 2021

Ont-ils vraiment besoin de rappels de comportements neurotypiques ?

Illustration 1
Montre "intelligente" pour élève autiste © Northeastern

Le contexte

  • L'intention est noble : aider les étudiants autistes à tirer le meilleur parti de leur éducation en les mettant en contact avec leur environnement, en leur rappelant de participer aux cours et en les encourageant à prendre des habitudes indépendantes.

Emily Arnsten, pour News@Northeastern, a écrit hier un article sur Ralf Schlosser, professeur à la Northeastern University de Boston, et sur son dernier projet. Ses antécédents en sciences de la communication et en troubles de la communication l'ont amené à développer des outils pédagogiques pour encourager l'apprentissage, l'indépendance et la collaboration entre pairs chez les étudiants autistes.

Pour atteindre ces objectifs, il réoriente "une technologie sans reproche - une montre intelligente". Les montres intelligentes seraient portées par les élèves autistes et mises en vibration. Les enseignants peuvent envoyer des notifications discrètes par SMS à ces élèves pendant la journée scolaire, ce qui suscite une action sociale. L'idée est d'encourager la participation sociale en classe par le biais d'une smartwatch.

La discussion

Parmi les premiers essais de Schlosser en classe, on peut citer l'invitation faite à un élève autiste de demander à un camarade de classe comment s'est passée sa journée. Ils ont constaté que l'élève autiste avait répété l'invite et la question à haute voix les premières fois que cela s'était produit, mot pour mot. On peut supposer que c'est parce qu'on leur a donné des instructions pour "lire et faire ce que dit le SMS", et ils ont pris cela au pied de la lettre.

Il est intéressant de noter que M. Schlosser, son équipe et l'enseignant ont estimé qu'une interaction réussie ne se produisait que lorsque "l'élève était capable de suivre correctement le message".

  • Pourquoi cela était-il important ?
  • L'élève autiste voulait-il demander à son camarade de classe comment s'était passée leur journée ?
  • L'autre élève était-il disposé à se faire poser une telle question ?
  • Une série d'invites de ce type pourrait-elle réellement favoriser des relations plus étroites entre l'élève autiste et ses camarades ?

Les avantages sociaux escomptés qu'un enfant autiste obtiendrait en utilisant cet outil semblent... peu probables.

Il faut se demander si l'utilisation d'une smartwatch pour inciter un enfant autiste à être verbal et social est une bonne utilisation du temps, des ressources et des efforts. Pour de nombreux autistes, en particulier ceux qui sont non verbaux ou semi-verbaux, cela ressemble plus à du capacitisme qu'à de l'adaptation.

Les personnes autistes peuvent apprendre sans lever la main pour parler en classe et se faire des amis sans y être artificiellement contraintes. Néanmoins, discutons des avantages et des inconvénients de cet outil de classe smartwatch.

Les Pour

  • Il pourrait encourager une plus grande participation en classe. En fonction de l'élève autiste, de légers rappels vibrants par le biais d'une montre pourraient être la chose nécessaire pour susciter l'engagement en classe.
  • Cet outil peut être utilisé en dehors de la classe. Il serait utile de rappeler à l'élève de sortir et de faire une pause toilette toutes les quelques heures, de se rendre à sa séance de thérapie ou de ne pas manquer le bus.
  • L'ajout d'un élément vital et la possibilité de prévenir une personne de confiance en cas de pic de tension pourraient aider à prévenir des événements médicaux graves qui surviennent souvent lentement chez les jeunes autistes (comme un coup de chaleur, une crise de panique, une surstimulation, une maladie ou des allergies).
  • Utilisé à titre volontaire et non obligatoire, il peut également aider à l'exécution de tâches scolaires. Des rappels de dates limites, de devoirs, d'études, de participation à des groupes ou à des activités extrascolaires pourraient être utiles.

Les Contre

  • Les prémisses de l'intention initiale de Schlosser pour ces montres sont un peu à côté de la plaque. Comment un encouragement aux interactions sociales améliore-t-il concrètement l'apprentissage et la qualité de vie des élèves autistes ? Elle semble viser, au moins en partie, à aider le professeur et les camarades de classe neurotypiques à se sentir plus à l'aise et moins coupables d'ignorer leur pair/élève autiste.
  • J'ai été déconcerté lorsque Schlosser a déclaré que pour ses jeunes participants autistes la portant, "la montre n'était pas un problème". Beaucoup d'autistes préfèrent ne pas porter d'objets à leur poignet en raison de problèmes sensoriels.
  • Les camarades de classe neurotypiques remarqueront et peut-être taquineront le porteur de la montre. De toute façon, il ne faut pas grand chose pour que des brimades se produisent dans une classe. Ajoutez une montre intelligente et un professeur qui dit à un élève autiste ce qu'il doit faire, et vous avez la recette pour le taquiner.
  • De nombreux élèves neurodivergents n'apprennent pas mieux dans les salles de classe traditionnelles de toute façon, quel que soit le nombre de rappels que vous "poussez" [push] vers leur montre. Malheureusement, une technologie ne peut pas réparer la structure du système scolaire dans son ensemble, ni accueillir et soutenir les élèves neurodivergents de manière suffisamment significative.
  • De nombreux enfants autistes peuvent trouver que ces messages perturbent leur concentration et nuisent à leur niveau de stimulation. Au cours d'une journée scolaire typique, ces facteurs peuvent se combiner avec tous les autres facteurs de surstimulation et entraîner des arrêts ou des effondrements en fin de journée.
  • Il existe un risque de piratage des montres intelligentes. De plus, il semble y avoir un manque de consentement et de respect de la vie privée de l'élève concerné, surtout si cela inclut la surveillance des signes vitaux.

Ce qu'il faut retirer

"Suivez correctement l'invite..."

Qu'est-ce qu'un comportement socialement "correct" ? Qui décide de la nécessité pour un groupe de modifier ses comportements sociaux pour s'adapter à ceux des autres ? Pourquoi les autistes doivent-ils être incités à agir de manière neurotypique ? Pourquoi les enseignants et le personnel neurotypique ne peuvent-ils pas rencontrer les élèves autistes à mi-chemin au moins ? Oolong l'a bien expliqué :

  • "Si l'on pense que les autistes ont des déficits sociaux inhérents plutôt que d'être compris comme communiquant différemment des autres personnes, tout malentendu risque d'être épinglé du côté des autistes plutôt que de considérer la communication comme une chose à double sens".

Schlosser imagine également que la technologie smartwatch pourrait même aider les adultes autistes dans des situations sociales exigeantes, comme les entretiens d'embauche, s'ils ont "des difficultés à maintenir un contact visuel ou à se souvenir d'autres indices sociaux". Selon les normes neurotypiques, cela semble utile, à moins que vous ne réalisiez que le contact visuel et l'étiquette sociale n'ont absolument rien à voir avec le fait d'être qualifié pour un vaste éventail d'options d'emploi.

Cette technologie a un certain potentiel, et ceux qui imaginent son utilisation sont presque sur la bonne voie. Toutefois, je recommande, comme toujours, de consulter des autistes adultes lors du développement de ce type d'outil pour les autistes plus jeunes. Nous sommes déjà passés par là, luttant pour survivre et s'épanouir dans un environnement scolaire en tant qu'enfants autistes. Nous pouvons vous dire si votre idée est bonne et si elle profite largement aux autistes ou si elle risque d'aggraver la situation.

Le slogan "Rien sur nous, sans nous" s'applique également aux discussions sur la manière dont il convient de sangler les jeunes autistes avec des montres intelligentes dans les écoles.

Remarque : l'article original (...) inclut le langage de la personne d'abord (PFL) [personne avec autisme], que de nombreux autistes ne cautionnent pas, ainsi qu'une description des effondrements comme des "accès de violence".

NB : Je sais que la traduction du titre n'est pas bézf, et je suis donc ouvert à toute proposition ... "honnête".

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