Me Christine Cerrada vient de publier un livre où, à partir de 10 exemples, elle montre le déroulement de 10 placements abusifs d'enfants.

Les associations de personnes autistes et de leurs familles connaissent bien cette question. L'enlèvement par la justice et l'ASE des trois enfants de Rachel a fait l'objet d'un documentaire poignant.
Un livre blanc a été publié par Autisme France, soutenu par les autres associations. Une mesure supplémentaire du 3ème plan autisme a commencé à être étudiée, puis stoppée ... du fait du changement de Ministre. Le 4ème plan s'est traduit l'année dernière par la publication d'un annuaire des professionnels compétents en autisme, mais cela avance très lentement.
Les situations présentées par Christine Cerrada, nous les rencontrons malheureusement en permanence dans l'autisme. Je reviendrai plus tard sur quelques exemples vécus. Toutes ne se terminent pas aussi mal, mais les risques sont permanents. Mais il suffit souvent d'une demande d'aide aux services sociaux, d'un problème à l'école, d'une seule expertise ou d'un seul jugement pour que tous les autres jugements suivent. Un rapport social déterminera en cascade les rapports suivants. Un service sera chargé du suivi, et les cadres du service préconiseront, parfois de façon tellement aberrante que les juges ne les suivent pas, la continuation des mesures d'AEMO ou de MJIE. D'autant plus que ce sera la même association (pas nécessairement le même service) qui bénéficiera de ces rapports.
Les conflits d'intérêts sont évidents dans les services qui participent aux mesures mises en œuvre "avec l'accord des familles" ou judiciairement.
Le marché augmente, parce qu'il y a une inflation permanente des mesures décidées par l'ASE ou les juges. Cela arrange bien les gestionnaires (souvent associations 1901 du secteur non lucratif), mais pas les travailleurs sociaux qui sont débordés par les mesures à mettre en œuvre, qui ne bénéficient pas tous de la formation nécessaire. C'est particulièrement vrai en matière d'autisme, beaucoup ayant été biberonnés avec "La forteresse vide" de Bruno Bettelheim, et avec son pendant, toutes les mères d'enfants autistes ont voulu les tuer.
Exemples récents malgré l'enquête menée par des professionnels et des parents dans les organismes de formation, où seuls 14% formaient sur la base des recommandations de la HAS de 2005 et 2012.
Quand on parle du secteur associatif non-lucratif, cela ne concerne pas seulement les dirigeants rémunérés ou bénévoles. Il peut y avoir aussi l'objectif d'augmenter la place de l'association, ce qui permet une rétribution symbolique pour commencer, mais pourrait ensuite conduire à des avantages plus matériels au plus haut niveau. De plus, le secteur de la protection de l'enfance a un turn-over important, du fait de l'écart entre la responsabilité engagée envers les enfants et le manque de reconnaissance sociale et financière. Je pense que, pour se protéger psychiquement, les salariés en arrivent à utiliser une stratégie collective de défense (voir Christophe Dejours, médecin du travail, ergonome, psychiatre et psychanalyste :) ), qui conduit à rejeter sur les parents tous les dysfonctionnements du système. Si vous dites que les parents sont fusionnels (la mère surtout), vous avez le jackpot pour que les mesures s'enchaînent. Vous avez servi à quelque chose, car votre intervention a permis d'éviter une situation de maltraitance "psychique" ... éventuelle.
On arrive à un mécanisme similaire à ce qu'a décrit Hugo Dupont ("Ni fou ni Gogol") pour les ITEP : l'offre crée la demande.
Ce sont des réflexions que m'a inspiré ce livre. Les situations décrites sont affligeantes, déboussolantes, aberrantes etc. Tout professionnel de la protection de l'enfance devrait être scandalisé par ces pratiques ... sauf s'il les pratique aussi.
Il faut lire ce livre si nous voulons protéger les enfants autistes et leurs parents.
Vous pouvez lire l'anti-avant-propos et l'introduction en ligne.
Critique à lire de Lien Social, avec une interview de Christine Cerrada.