Un décret du 27 décembre 2018 simplifie les démarches pour l'AEEH.
Il prévoit notamment, quand le taux de handicap est compris entre 50% et 80%, que la durée minimum d'attribution est de 2 ans - au lieu d'un an auparavant - et 3 ans si le taux de handicap est au moins égal à 80%
Je fais le point sur quelques problèmes d’application pour l’attribution de l’AEEH et de ses compléments. Quelques soucis également dans les relations MDPH/CAF.

Le taux « temporaire » de 50%
Quand le taux de handicap, en vertu du guide-barème, n'atteignait pas 50%, une circulaire ministérielle prévoyait d'accorder ce taux "à titre temporaire" pour une durée d'un an, du fait de la lourdeur des dépenses engagées en vertu du handicap.
Il fallait que les dépenses (non remboursées par ailleurs) soient au moins égales à 12 fois l'AEEH de base, soit 132.21 x 12 = 1586.52 € sur un an.
Le renouvellement de ce taux temporaire posait problème quand la famille n'avait pas dépensé ce montant.
Certaines MDPH, comme la MDPH de l'Isère, n'appliquait pas cette règle, et donc refusait l'AEEH de base aux familles concernées, au motif que ce n'était pas conforme aux textes réglementaires ...
Cette disposition concernait le plus souvent des enfants avec divers troubles dys, et l'AEEH de base finançait surtout des séances d'ergothérapie.
A noter que pour ce taux "temporaire", les compléments d'AEEH ne pouvaient pas être attribués.
Extrait guide CNSA sur les troubles dys
« Le taux d’incapacité est inférieur à 50 % lorsque seuls les apprentissages scolaires sont perturbés sans retentissement important sur la vie quotidienne, l’insertion scolaire, professionnelle et sociale de la personne. Néanmoins, dans les situations où il existe une lourdeur effective des traitements et des remédiations à mettre en œuvre, le taux sera supérieur à 50 % pendant une durée limitée, permettant d’envisager l’attribution de cette prestation 37. Pour l’attribution de l’AEEH, la première question à se poser est donc celle du taux d’incapacité avant de se questionner sur la présence de frais ou de répercussions professionnelles. Toutes les situations de troubles Dys ne permettront pas l’ouverture d’un droit à l’AEEH »
37 Voir la section 2 du chapitre IV du guide-barème et la circulaire DESCO et DGAS-3C 2004-157 du 29 mars 2004 relative à l’application, pour les personnes atteintes de troubles des apprentissages du langage oral ou écrit, du guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées, chapitre IV, section II
Extrait circulaire du 29 mars 2004 : « Cependant, il peut exister des variations dans le temps du niveau de contrainte qui pèse sur l'enfant et sa famille : il peut par exemple s'avérer nécessaire pendant certaines périodes charnières d'intensifier notablement les prises en charge afin de prévenir la survenue ou l'installation d'incapacités qui auraient des conséquences délétères sur l'insertion sociale future de la personne. Il s'avèrera alors parfaitement pertinent d'attribuer un taux d'incapacité temporairement supérieur à 50 % pour prendre en compte pendant une année ou plus une lourdeur effective des traitements et remédiations à mettre en œuvre. »
Aujourd'hui, l'AEEH (nouveau droit ou renouvellement) ne peut être attribuée que pour 2 ans minimum.
Dans la logique, ce taux "temporaire" devrait continuer à être appliqué. La rééducation dure en général plus d'un an, et il ne devrait pas être compliqué d'obtenir un devis de l'ergothérapeute sur une période de deux ans.
Mais la CNSA a dit aux MDPH que ce taux "temporaire" ne pouvait plus être attribué. Sacrée "simplification" !
Des MDPH continuent à l'appliquer pour des dossiers déposés avant janvier 2019 ou pour des renouvellements de taux temporaires.
Une clarification est nécessaire.
Et pas seulement par circulaire, puisque certaines MDPH refusent d’appliquer ce taux temporaire.
J'ai fait une analyse sur 142 dossiers d'AEEH (un mois dans un département).
- 21% de refus pour taux inférieur à 50%
- 20% d'AEEH de base pour 12 mois (taux temporaire)
- 21% taux compris entre 50 et 80%
- 14% taux au moins égal à 80%
- 7% taux non indiqué (complément d'AEEH attribué en plus de l'allocation de base) : le taux est donc égal à au moins 50%, et un complément est attribué en fonction des dépenses surtout.
Dans les refus pour taux inférieur à 50%, il y a des dossiers pour lesquels les dépenses n’ont pas encore été effectuées. Le refus est donc provisoire. Un renouvellement avec taux temporaire de 50% est possible ensuite.
En effet, les familles peuvent avoir attendu la réponse de la MDPH avant d’engager la prise en charge. Mais au moment où elles demandent le renouvellement, suite à une lettre de la CAF plusieurs mois avant la date de l’échéance de l’AEEH, il n’y a pas eu encore assez de séances. Il faudrait leur expliquer d’attendre avant de demander le renouvellement du droit.
Compte tenu de leur nombre et du caractère simple de la prise en charge par un ergothérapeute, on devrait envisager que cela soit remboursé par l’assurance maladie, après un accord d’entente préalable du médecin conseil. Ce serait plus rapide.
Il y a cependant d’autres besoins de compensation (modalités des examens, matériel pédagogique, AVS). Les modalités des examens ne passent pas par la MDPH, le matériel pédagogique pourrait ne pas l’être. Une simplification est possible.
L’ajustement des compléments aux dépenses par des durées en mois
82% des compléments (dans le recensement ci-dessus) sont attribués pour des durées inférieures au décret de décembre 2018.
Toutes les MDPH ne font pas comme cela. Cette pratique est pourtant conforme aux recommandations précédentes de la CNSA pour éviter les effets de seuil, et peut couvrir les frais jusqu'à 100%.
- Réponse CNSA : Date 24/10/2011 Thème Prestations Sous-Thème Libre accès
Question
AEEH - Complément pour frais : (...) Les frais évoqués doivent-ils être pris en compte pour l'ensemble de l'année (c'est-à-dire le montant total divisé par 12) ou bien peut-on attribuer un complément (pour frais) pour quelques mois ?
Réponse
(...) S'agissent plus spécifiquement de la détermination du complément : si les frais n'atteignent pas le plancher requis au minimum pour le complément 1 on reste sur une AEEH de base. Toutefois, pour éviter des effets de seuils trop importants, le conseil qui a été donné depuis 2002 lors de la réforme des compléments était de globaliser les frais réguliers sur une année et d'accorder quelques mois de compléments par an de manière à couvrir à peu près la dépense.
http://extranet.cnsa.fr/visuQR.php?id=663
Comment cela va-t-il continuer ?
Une application sur la base des durées minimum (2 ou 3 ans) prévues par le décret serait une régression. En effet, dans ce cas, c’est un des compléments inférieurs qui sera attribué, car les dépenses ne sont pas suffisantes pour attribuer sur toute la période le droit.
Pratique des MDPH pour les compléments
Les demandeurs peuvent être agacés par l’accumulation des demandes à faire à la MDPH. Parfois, il y a des décisions de commission qui se succèdent les unes après les autres.
Il faut cependant distinguer des décisions qui ne font que compléter une décision antérieure avec une nouvelle décision ou un renouvellement.
Si vous avez obtenu un complément pour une certaine durée en fonction des factures ou devis de psychomotricité, d’ergothérapie, de psychologue etc …, vous pouvez obtenir, sur simple présentation des factures, le complément pour une durée supplémentaire.
S’il s’agit d’une nouvelle prise en charge (par exemple, vous aviez un psychologue ABA, mais vous avez désormais un suivi en psychomotricité), attendez-vous à ce que la MDPH vous demande la prescription d’un médecin.
Pour un renouvellement, il faudra de toute façon un certificat médical, même simplifié.
Dans le premier cas, le circuit de la décision à la MDPH sera simple, car il n’y a pas besoin d’analyse de l’équipe pluridisciplinaire. La décision de principe a déjà été prise.
A partir du moment où la demande est différente, cela implique un nouveau circuit.
Quand il y a un certificat médical simplifié pour le renouvellement, certaines MDPH ont un circuit court pour l’évaluation.
Ces procédures ne sont pas toujours conformes aux principes de l’évaluation globale des demandes par une équipe pluridisciplinaire, mais ont pour but de donner des réponses plus rapidement. Vouloir traiter globalement toutes les demandes conduit à les aligner sur la demande la plus longue à instruire. Cela n'arrangerai sans doute pas les indicateurs de la MDPH, mais ce serait surtout préjudiciable pour les bénéficiaires.
Les décisions peuvent être contestées, mais il me semble qu’elles ne peuvent l’être utilement sur le défaut dans la procédure de décision.
Répartition du contrôle entre la MDPH et la CAF sur les frais et la réduction d'activité pour le droit au complément d'AEEH
Des allocataires de la CAF percevant un complément d'AEEH reçoivent des demandes de justification des frais engagés. L'AEEH est parfois suspendue en l'attente de production de pièces justificatives. La MDPH est sollicitée par les allocataires, parce que les pièces lui ont été fournies.
Procédé inutile et illégal. Seule la MDPH est habilitée à contrôler les frais. La CAF ne contrôle que le recours à une "tierce personne" (parent ou salarié), mais elle n'a pas le droit de le faire avant d'ouvrir le droit.
Arrêté du 24 avril 2002 relatif aux conditions d'attribution des six catégories de complément d'allocation d'éducation spéciale | Legifrance
A signaler : au moins la MSA, pour ceux qui en relèvent, vous fout la paix. :)
ODPF = organisme débiteur des prestations familiales, en général CAF ou MSA.
Le guide d'évaluation annexé à l'arrêté du 24 avril 2002 précise dans son introduction: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000591203&categorieLien=vig
"Elle [CDES=CDAPH/MDPH] devra alors prendre sa décision pour une durée brève (un an), afin de réévaluer rapidement la situation, en s'assurant lors du renouvellement de l'attribution de l'AES de l'effectivité des charges qui lui avaient initialement été présentées, et de réajuster au besoin sa décision.
(...)
La CAF assure le contrôle de la mobilisation effective de l'aide humaine. Elle apprécie le volume de l'aide humaine sur justificatifs : bulletin de paie de la tierce personne, attestation de l'employeur du ou des parents, ou constat de l'absence totale d'activité professionnelle d'un des parents. Elle réduit le versement de la prestation, lorsque l'aide humaine apportée réellement est inférieure à celle évaluée par la CDES lors de l'attribution du complément. La CDES doit alors réévaluer la situation. Conformément à l'article 3 du présent arrêté, elle prend une nouvelle décision infirmant ou confirmant sa précédente décision dans un délai de deux mois suivant sa saisine par la CAF."
La circulaire ministérielle 20002-290 a précisé : https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2002/02-25/a0252304.htm
"II. - MISE EN PLACE DU DISPOSITIF : COMPÉTENCES RESPECTIVES DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DE L'ÉDUCATION SPÉCIALE ET DE L'ORGANISME DÉBITEUR DES PRESTATIONS FAMILIALES (ODPF)
(...)
Afin de permettre à l'ODPF de mettre en paiement le montant du complément mais aussi d'exercer le contrôle prévu par la réglementation, il appartient à la CDES de lui adresser une notification motivée précisant la quotité globale de recours à une tierce personne nécessitée par l'état de l'enfant ainsi que le montant des dépenses engagées. A cet égard, il est recommandé aux CDES d'utiliser les libellés de motivation joints en annexe.
L'ODPF verse le complément attribué par la CDES sans effectuer de contrôle a priori de l'effectivité et de l'importance du recours à une tierce personne, mais il peut effectuer à tout moment ce contrôle en cours de droit.
Si ce contrôle fait apparaître des modifications de la quotité du recours global à une tierce personne (par exemple, une diminution globale en additionnant la diminution ou la cessation d'activité du ou des parents et le temps du recours à une tierce personne rémunérée), l'ODPF suspend le versement du complément attribué par la CDES et sert provisoirement, à titre d'avance, le complément correspondant à la situation constatée. Parallèlement, il saisit la CDES afin que celle-ci réexamine le droit à complément.
Pour ce faire, l'ODPF informe la CDES de la date d'effet et de la catégorie du complément servi à titre d'avance, et transmet les pièces justificatives de la nouvelle situation constatée. La date d'effet correspond à la date du constat dressé par l'ODPF.
En retour, il appartient à la CDES de prendre une nouvelle décision pour la période commençant au premier jour du mois suivant la date d'effet du complément servi à titre d'avance par l'ODPF."
Copie du dossier MDPH demandée par la CAF
Des bénéficiaires d’allocation (AEEH ou AAH) ont été très surpris par la demande de leur CAF de communiquer leur demande à la MDPH, à savoir actuellement le dossier de 20 pages.
Ils estiment, à juste titre, que la CAF n’a pas besoin de connaître tous les éléments compris dans ce dossier. Ils croient que la CAF doit payer les prestations sur la base de la notification de la CDAPH.
Jusqu’au 31 décembre 2018, la législation prévoyait que la MDPH transmettait à la CAF une copie de la demande. Depuis le 1er janvier 2019, seules les données pertinentes peuvent être transmises.
Ces données figurent dans la demande, mais pas dans la notification.
Lorsque les MDPH décident d’appliquer à la lettre la nouvelle réglementation, elles ne transmettent rien à la CAF. Alors qu’elles devraient transmettre les données pertinentes.
On peut se fatiguer à demander à la MDPH – puisque c’est son rôle – de communiquer à la CAF les données nécessaires. Cependant, puisque le demandeur d’une prestation doit prouver son droit, il est plus simple de communiquer une copie de la demande, même si la plupart des informations n’ont pas d’intérêt pour la CAF.
Vous ne pouvez pas deviner quelles zones ou quelles pages sont nécessaires à la liquidation des prestations.
J’ai parfois vu des documents drôlement photocopiés. Il n’est pas possible d’imaginer qu’un organisme admette la communication d’un dossier tronqué.
J’y ai été confronté quand je travaillais dans un service de prestations familiales à la MSA. Il est arrivé qu’il s’agissait d’une demande d’allocation de soutien familial pour un employé de la MSA, suite à un divorce pour faute. Après avoir pris connaissance de l’intégralité du document, j’ai accepté qu’il n’y ait une copie que des pages essentielles du document (date du divorce, décision sur la pension alimentaire) dans le dossier : en effet, il n’était pas possible de garantir la confidentialité des archives papiers ou électroniques par rapport aux collègues de travail, malgré la règle du secret professionnel.
Cela a été une exception en plus de 35 ans de travail. Cela n’a été possible qu’après consultation de l’ensemble du document, ce qui permettait d’attester de la véracité des pages conservées dans les archives.
La liquidation d’une nouvelle prestation familiale exige une déclaration du demandeur de sa situation familiale et professionnelle, celle de son « conjoint » et de ses enfants à charge. Cela passe par ce qui est appelé l’imprimé pivot, qui est intégré à l’imprimé de demande de la prestation quand vous téléchargez l’imprimé.
Si vous êtes déjà connu de la CAF/MSA, il s’agit de vérifier si les informations existantes dans les fichiers sont toujours d’actualité.
Cet imprimé pivot n’est pas exigé des demandeurs d’AEEH ou d’AAH, car les informations figurent dans le formulaire de demande à la MDPH, informations dispersées dans différentes pages.
Le problème vient du retard du déploiement dans toutes les MDPH du SI harmonisé (Système d’Information), application informatique assurant le transfert électronique des données « pertinentes » de la MDPH à la CAF.
Si une MDPH arrête de transmettre la copie du formulaire, la CAF* se trouve gros-jean comme devant. D’où la demande de copie du formulaire. Une aberration ! Mais tant que la question n’a pas été résolue, il vaut mieux faire la copie demandée.
- Avis de la CNIL du 2 juillet 2015 sur le transfert de données dématérialisées entre MDPH et CAF
- Décision du directeur de la CNAF, Daniel Lenoir, sur l'échange
- Acte réglementaire Gestion des MDPH
* ou la MSA, qui n'a pas encore développé une liaison dématérialisée avec les MDPH.