spectrumnews.org Traduction par lulamae de "Analysis of single cells implicates set of neurons in autism"
de Jessica Wright / 22 Mai 2019

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La première analyse de cellules uniques provenant de cerveaux de personnes autistes attire l’attention sur un groupe de neurones qui seraient un facteur central d’autisme. (1)
Ces neurones interviennent dans la communication entre les zones cérébrales qui servent de médiatrices pour les capacités cognitives, comme les habiletés sociales et les aptitudes du langage.
Cette étude révèle également un rôle potentiellement important des microglies, les cellules immunitaires du cerveau.
Ces résultats, publiés la semaine dernière dans Science, s’appuient sur les données issues de plus de 100 000 cellules chez 15 personnes autistes et 16 sujets contrôles.
Ils indiquent que les différentes formes d’autisme résultent d’altérations communes à certaines cellules, avance le chercheur principal Arnold Kriegstein, professeur de neurologie à l’Université de Californie, à San Francisco.
“Nous avons pu remarquer des changements systématiques et des types de cellules vulnérables », explique-t-il. « Une convergence serait bel et bien possible sur un ensemble spécifique de neurones. »
Les chercheurs se sont appuyés sur une nouvelle technique qui leur permet de séquencer l’ARN – les transcriptions des gènes – de cellules uniques prélevées dans des cerveaux après la mort. Ils ne parvenaient jusque-là qu’à analyser des touffes de tissu.
Cette étude offre “un aperçu qui pourrait transformer la vision des troubles du spectre autistique, et de ce que des changements spécifiques dans les types de cellules pourraient entraîner », affirme Tomasz Nowakowski, professeur assistant d’anatomie à l’Université de Californie de San Francisco, qui n’a pas participé à l’étude. « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, qui se révélera de plus en plus à mesure que nous utilisons ces technologies. »
Liaison directe
Arnold Kriegstein et ses collègues ont effectué de fines coupes de sections du cerveau. Ils ont prélevé des tranches dans deux parties du cortex cérébral contrôlant des fonctions complexes, cognitives pour les unes et sociales pour les autres. Les neurones du cortex cérébral sont répartis dans six couches, et les chercheurs ont essayé de prélever des échantillons de chaque couche de manière égale. Les chercheurs ont ensuite isolé le noyau de chaque cellule et séquencé l’ARN. Ils ont effectué des mesures de contrôles concernant l’épilepsie, trouble fréquent chez les autistes.
Selon leur constat, 513 gènes au total sont exprimés à des niveaux plus ou moins élevés ou faibles dans les cerveaux des personnes autistes ; 26 d’entre eux sont des gènes clés dans l’autisme. Les neurones qui comprenaient le plus de gènes modifiés, parmi lesquels les gènes de l’autisme, se trouvaient dans les couches 2 et 3. Et ces gènes ont une tendance à la sous-expression.
Ces cellules se connectent à d’autres cellules par le cortex cérébral pour former des réseaux qui commandent des aspects variés de la cognition. L’équipe a présenté ses résultats l’année dernière, lors du Congrès annuel 2018 de la Société pour les Neurosciences à San Diego, en Californie.
Le lien avec cet ensemble spécifique de cellules est frappant, selon certains experts, dans la mesure où d’autres études ont mis en évidence la participation de ces neurones dans l’autisme. Ainsi, une autre étude sur le séquençage des cellules uniques, présentée plus tôt dans l’année au Congrès 2019 de la Société Internationale pour la Recherche sur l’Autisme à Montréal, a également fait apparaître les neurones des couches 2 et 3.
“Je trouve impressionnant ce résultat selon lequel il semble exister un signal très fort dans une couche particulière du cortex, malgré le nombre de cas, et l’hétérogénéité supposée de ces cas », confie Matthew Anderson,* professeur associé de pathologie à l’Université d’Harvard, qui n’a pas participé à l’étude. (*lien complémentaire)
Cellules centrales
Une étude de 2013 établissait que de nombreux gènes de l’autisme tendent à s’exprimer dans les neurones des couches 2 et 3 à mi-gestation du fœtus – que l’on considère comme une période clé pour la genèse de l’autisme.
“Maintenant, il existe vraisemblablement une connexion directe entre le risque génétique pour le trouble et la pathologie moléculaire », argumente Daniel Geschwind, professeur de neurologie et psychiatrie à l’Université de Californie, à Los Angeles, qui a dirigé l’étude en 2013, ainsi que celle présentée en mai.
L’équipe d’Arnold Kriegstein a également remarqué des signaux d’expression de gènes dans d’autres cellules du cerveau. Les différences parmi les plus importantes étaient visibles entre les microglies et les astrocytes, des cellules en forme d’étoiles qui soutiennent les neurones.
Ces différences aussi bien dans les neurones que dans les microglies vont de pair avec la gravité de l’autisme, qui repose sur des scores sur l’échelle de l’ADI-R.
Certains chercheurs se disent sceptiques sur ces résultats, car le nombre de cerveaux sur lequel l’étude a porté est trop faible pour représenter la diversité de l’autisme.
“Depuis le départ, la conception suppose que ce qu’on appelle ‘autisme’ est une seule et même chose, alors que nous savons de manière très claire que ce n’est pas le cas », commente Kevin Mitchell, professeur associé de génétique au Trinity College de Dublin en Irlande. « Il n’y a aucune raison de penser que l’autisme dépende de manière importante d’un profil particulier d’expression des gènes dans quelques cellules spécifiques. »
Les auteurs projettent de renouveler leurs travaux en analysant un plus grand nombre de cerveaux, et en les faisant porter sur des zones extérieures au cortex cérébral.
Références :
- Velmeshev D. et al. Science 364, 685-689 (2019) PubMed

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Voir La recherche scientifique sur l’autisme : 10 avancées majeures en 2019 Article 4.
Traduction de Notable papers in autism research in 2019, Spectrum News, décembre 2019 sur le site Comprendre l'autisme de Phan Tom