Sous les glaces du Groenland, des chercheurs découvrent une toundra âgée de 2,7 millions d’années
Vincent Deroy juillet 23, 2015

En date du 19 avril 2014.
Groenland.
Une toundra restée intacte depuis 2,7 millions d’années gît à 3 kilomètres sous les glaces du Groenland, révèle une étude publiée dans Science.
Sous la calotte glaciaire du Groenland, à quelques 3 km de profondeur, gît une toundra qui s’est formée avant même que les ancêtres de l’Homme moderne ne foulent la surface de notre planète. Et pour cause, puisque ce paysage végétal est âgé de quelques 2,7 millions d’années.
Cette découverte fait l’objet d’une publication le 17 avril 2014 dans la revue Science, sous le titre «Preservation of a Preglacial Landscape Under the Center of the Greenland Ice Sheet ».
La présence de ce paysage ancien sous les glaces du Groenland a des implications qui sont loin d’être négligeables : en effet, cette découverte signifie que la couche de glace surmontant ce paysage est restée en grande partie intacte durant 2,7 millions d’années, et ce malgré les phases de réchauffement survenues depuis cette date.
Ce résultat est d’autant plus surprenant que, en général, les calottes glaciaires produisent un important effet d’érosion sur les sols qu’elles surmontent. Or ici, ce n’est pas le cas : cette toundra vieille de 2,7 millions d’années est restée parfaitement intacte sous l’épaisse couche de glace.
Pour réaliser cette découverte, le géologue américain Paul Bierman (Université du Vermont à Burlington, États-Unis) et ses collègues ont analysé la composition chimique d’une carotte glaciaire longue de 3000 mètres, prélevée à Summit, une station scientifique installée sur la calotte glaciaire du Groenland. Un prélèvement effectué… en 1993. Comment se fait-il que la découverte n’ait pas été effectuée plus tôt ? Selon les auteurs de l’étude, l’explication est simple : jusqu’à très récemment, très peu de scientifiques avaient pris la peine d’analyser la partie la plus profonde de la carotte glaciaire.
Selon Paul Bierman et ses collègues, cette ancienne toundra enfouie sous la glace a été exposée à l’air libre durant 200 000 ans à 1 million d’années, avant d’être recouverte par la couche de glace. Il semble que cet antique paysage végétal soit assez proche de la toundra d’Alaska d’aujourd’hui : un paysage verdoyant, doté de zones forestières.
Ce résultat suggère bien évidemment que des paysages similaires se trouvent peut-être enfouis sous les autres calottes glaciaires de la planète, comme celle de l’Antarctique par exemple.
Sources: Wikistrike, journaldelascience.fr.
http://paranormalqc.com/2015/07/23/sous-les-glaces-du-groenland-des-chercheurs-decouvrent-une-toundra-agee-de-27-millions-dannees/
http://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/20070705.OBS5294/le-groenland-un-pays-vert-fossile-sous-la-calotte-glaciaire.html
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Pierre Taberlet : « Quand le Groenland était vert »
terre - par Propos recueillis par Jacques-Olivier Baruch dans mensuel n°411 daté septembre 2007
L'analyse d'ADN de plantes et d'insectes retrouvés sur le socle du Groenland prouve que l'île danoise était couverte de forêts il y a 450 000 ans.
Quand les glaces du Groenland ont-elles fondu pour la dernière fois ?
Pierre Taberlet : Les forages réalisés par l'équipe danoise d'Eske Willerslev, de l'université de Copenhague, ont permis de creuser jusqu'au socle. À Dye 3, au sud de l'île, à environ 100 kilomètres des côtes, l'épaisseur de glaces atteint 2 kilomètres. Diverses méthodes de datations des mètres les plus profonds indiquent que la neige s'y est déposée entre 800 000 et 450 000 ans, et y serait restée [1] . La calotte groenlandaise n'aurait donc pas complètement fondu lors du dernier interglaciaire, il y a 125 000 ans, comme on le pensait jusqu'à présent.
A-t-on une idée des conditions qui y régnaient ?
C'est la nouveauté de cette étude. Le Groenland d'alors était peuplé d'ifs, d'aulnes et d'épicéas, au moins dans sa partie sud. Suivant leur aire de répartition actuelle, au sud de la Suède ou au Canada, nous pouvons en conclure que les températures hivernales n'étaient pas inférieures à - 17 °C, celles d'été étant supérieures à 10 °C.
Comment l'équipe a-t-elle procédé ?
Les premiers mètres de glace ne sont pas purs. Ils contiennent des matériaux du substrat et des molécules organiques. Ils recèlent entre autres des fragments d'ADN que l'équipe a analysés selon une méthode brevetée il y a trois ans par notre laboratoire.
Ces courtes séquences de moins de 120 paires de bases font partie de l'ADN des chloroplastes, des éléments fonctionnels des cellules végétales. Ce fragment d'ADN nous permet d'identifier l'espèce dans au moins 50 % des cas, et le genre pour la quasi-totalité des échantillons.
Y avait-il des animaux ?
Les seules traces d'ADN animal que l'équipe a retrouvées sont celles d'insectes. Elle a identifié des papillons, des papillons de nuit, des mouches et des scarabées. Nous ne savons rien sur les vertébrés. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en avait pas, car leur ADN est beaucoup moins fréquent que celui des végétaux ou des insectes dans l'environnement. Il est donc plus difficile de mettre en évidence des vertébrés à partir de telles carottes glaciaires où les traces d'ADN sont diluées à l'extrême.
Par Propos recueillis par Jacques-Olivier Baruch
http://www.larecherche.fr/actualite/terre/pierre-taberlet-quand-groenland-etait-vert-01-09-2007-81273