Du 6 mars au 6 avril, les salarié·es du centre d’incinération d’Ivry-sur-Seine (94), géré par le groupe Suez, ont fait grève contre la réforme des retraites. Un mois complet de grève pour ces travailleur·ses du déchet très peu visibles, celles et ceux qui pèsent, déchargent, transfèrent, font brûler les ordures ménagères, et transforment la chaleur dégagée en chauffage et électricité.
Dans un premier temps, leur grève a été synchronisée avec celle des éboueur·ses de Paris (chauffeur·ses, rippeur·ses, balayeur·ses), des égoutiers et d'autres centres d’incinération. Ni collecte, ni traitement ont conduit à l’accumulation de déchets dans toute la capitale. À Ivry-sur-Seine, le site a été occupé pendant 18 jours et les fours éteints. Alors que les éboueur.ses reprenaient le travail en majorité le 24 mars, la grève des salarié·es de Suez continuait, interrompue cependant par de nombreuses réquisitions, obligeant les salarié·es à reprendre du service malgré leur volonté de prendre part au mouvement social.
Dans ce contexte, des collectifs mixtes et indépendants, réunis par la volonté de lutter contre la réforme des retraites et de soutenir les grévistes réquisitionnés, ont décidé de bloquer des incinérateurs et des garages de camions-bennes. Occuper l’entrée du site, empêcher ou ralentir le passage des camions-bennes a ainsi permis, à Ivry-sur-Seine, de ralentir puis arrêter complètement l’activité.

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Les salarié.es réquisitionné.es n’ayant plus rien à brûler, leur activité a cessé malgré l’obligation d’être à son poste. Le 5 avril au soir, la cheminée depuis peu rallumée de l’incinérateur s’est éteinte à nouveau. Ainsi, des personnes de divers horizons (travailleur.ses du déchet, fonctionnaires territoriaux·ales, étudiant·es, retraité·es…) ont efficacement pris le relais de grévistes mis en difficulté par les réquisitions, les pertes de salaire ou l’usure liées aux grèves.
Cette stratégie a permis de maintenir la pression sur le secteur du déchet, au point que le 7 avril, la direction de Suez réclamait une intervention policière pour lever le blocage. Deux violentes interventions (charges, gazages à bout portant, interpellations, blessures), ce jour-là et le suivant ont dispersé les bloqueur·ses. Mais, par la même dynamique de relais et d’alliance entre travailleur.ses du déchet et leurs soutiens, la pression ne risque pas de redescendre. En effet, jeudi 13 avril et les jours suivants, alors que la réforme d’Elisabeth Borne passera devant le Conseil Constitutionnel, les éboueur.ses de Paris se remettront en grève, comme annoncé dans un communiqué de la CGT-FTDNEEA promettant un « acte 2 » capable de « transformer les rues de la capitale en décharge ». Les salarié·es du centre d’incinération d’Ivry-sur-Seine, qui sont venu.es remercier et encourager les bloqueur·ses à plusieurs reprises, se disent prête·es à suivre.
Ainsi, travailleur·ses du déchet de tous secteurs et activistes de tous horizons se relaient stratégiquement, maintenant la pression sur un secteur d’activité particulièrement soutenu en ce moment, et sur un gouvernement particulièrement désavoué.