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Billet de blog 14 janv. 2022

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À Saclay, la mairie refuse l'accès à l'eau et à l'école aux familles d'un bidonville

Depuis décembre, la mairie de Saclay (91) applique une politique agressive envers les habitant.es d'un bidonville : coupures d'eau, refus d'inscriptions scolaires, mépris à l'égard des habitant.es et de leurs soutiens... En plein hiver, au pic de la crise sanitaire, ces familles sont privées de l'accès aux droits fondamentaux : l'eau, l'éducation, un environnement décent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Non loin des lacs, sur la commune de Saclay (91), se trouve un bidonville composé de 40 cabanes. Il a été construit à la fin de l'été dernier, notamment par des familles qui venaient d'être expulsées d'un autre terrain situé à Orsay, détruit en août 2021 pour laisser passer les travaux de la ligne 181 (qui n'ont toujours pas commencé sur cette parcelle). Jugées en décembre pour cette occupation illégale d'un terrain privé, les familles installées aujourd'hui à Saclay se sont néanmoins vues reconnaître le droit de rester au moins jusqu'en mars 2022, en accord avec leur droit à la trêve hivernale. De la même façon, c'est conformément à leurs droits fondamentaux qu'elle ont pu accéder à l'eau, en utilisant deux bornes incendie situées non loin du bidonville : si la mairie n'avait pas prévu d'y faire des aménagements nécessaires à un usage domestique (installation de robinets, etc.), les habitant.es pouvaient néanmoins s'y approvisionner en eau.

Cette situation déjà précaire et fragile est cependant en train de s'aggraver, et la municipalité de Saclay en est directement responsable. Depuis décembre, la mairie a en effet coupé l'eau dans ces bornes incendie. Selon le Collectif de solidarité avec le bidonville de Saclay - un groupe de bénévoles et d’associations spécialisées intervenant régulièrement sur le bidonville pour y animer des ateliers socio-éducatifs, du soutien scolaire et aider les habitant.es dans leurs démarches administratives, leurs installations – le maire M. Michel Sénot aurait accusé les familles d'avoir endommagé les bornes, et prévenu que leur réparation prendrait « le genre de délai que prend ce genre d’opération dans une mairie », sans plus de précisions. « Au cours de la réunion, il s'est montré menaçant et méprisant, se plaignant que les habitants venus le rencontrer ne parlaient pas français, que les familles abîmaient les bornes incendie, jetaient 80% de l'eau qu'elles en tiraient ou pillaient les fermes alentours », témoigne Clément, engagé dans le Collectif. « Il nous a accusé de ne rien connaître à la situation, et s'est même permis une remarque pseudo-écolo, nous demandant si nous savions que l'eau était un bien précieux qu'il ne faut pas gaspiller ! », ajoute-t-il. Une ironie bien mal venue, quand on sait que les habitant.es des bidonvilles doivent chaque jour aller chercher, porter et transporter de lourds bidons d'eau potable pour répondre à leurs besoins fondamentaux – hygiène, alimentation, soin des enfants, participation à une vie sociale décente. Ainsi, samedi dernier, alors que le Collectif devait animer un atelier de soutien scolaire sur le bidonville, les parents ont préférer annuler l'évènement, réticent.es à y faire paraître des enfants à qui ils et elles n'avaient pu donner leur bain.

Autre manquement grave à ses obligations, la mairie de Saclay ne répond pas aux nouvelles demandes de scolarisation. Alors que cinq enfants du bidonville avaient déjà été inscrit.es en septembre, le Collectif a transmis les dossiers de sept autres enfants arrivé.es ultérieurement.

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Pour accueillir les ateliers du Collectif, les bidonvillois.es ont construit une cabane, que les enfants appellent "l'école" © Jennifer Garçon

« En réunion, le maire a prétendu qu’il avait fait 30 ou 40 certificats de scolarité. Le service éducation de Saclay a refusé de prendre les fiches d’inscription amenées par un habitant et reste pour l'instant silencieux face aux e-mails du Collectif » rapporte Clément. Une situation intolérable, par laquelle la mairie se met en illégalité, malmène ses habitant.es les plus précaires et les personnes qui les soutiennent. 

1Voir notre article à ce sujet.

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