Jeanne Guien (avatar)

Jeanne Guien

Chercheuse indépendante

Abonné·e de Mediapart

29 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 février 2023

Jeanne Guien (avatar)

Jeanne Guien

Chercheuse indépendante

Abonné·e de Mediapart

De Saulx-les-Chartreux à Villeron, protégeons les familles vivant en bidonville !

Face aux menaces, harcèlement, expulsions illégales vécus par les habitant·es des bidonvilles du 91, les associations Intermèdes-Robinson, Système B, le Collectif de solidarité avec les habitants des bidonvilles en Nord-Essonne et le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope publiaient hier cette lettre ouverte au maire de Saulx-les-Chartreux (91). Je la reproduis ici intégralement.

Jeanne Guien (avatar)

Jeanne Guien

Chercheuse indépendante

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous, associations et collectifs qui aidons et accompagnons socialement les familles vivant en bidonville en Essonne, vous écrivons pour exprimer notre inquiétude et notre révolte face aux mauvais traitements que subissent ces familles de la part des collectivités, de la police, mais aussi de personnes civiles. Ils se sont accentués ces dernières semaines et portent à redouter le pire.

Des expulsions en pleine trêve hivernale et hors cadre légal


En pleine trêve hivernale, 4 expulsions de bidonville ont eu lieu ce mois-ci en Essonne (Villejust, Villebon-sur-Yvette, Wissous et Corbeil-Essonnes). 2 autres bidonvilles peuvent être expulsés à tout moment (Champlan, Saulx-les-Chartreux (1)). A Wissous, des familles ont été chassées et leurs baraques cassées sous leurs yeux avec un tracteur par des personnes non identifiées. A Villebon, le maire est venu au procès au tribunal administratif, a tenu des propos mensongers et l'expulsion a eu lieu alors que des procédures judiciaires étaient encore en cours, sans respect des règles et délais en vigueur. À Villejust, quelques jours plus tard, les habitant.es d’un bidonville ont été informé.es oralement de leur expulsion, sans aucun document écrit se référant à une procédure en cours : une intimidation suivie d'une destruction sans préavis.

Des riverain.es qui cherchent à se faire justice


Ces expulsions se font sans diagnostic social préalable et sans proposition d’hébergement d’urgence, comme le prévoit pourtant l’instruction gouvernementale du 25 juillet 2018 sur la résorption des bidonvilles. Lorsqu’elles sont expulsées sans solution de relogement ou de mise à
l’abri durable, les familles expulsées se retrouvent livrées à elles-mêmes et vont dans d'autres bidonvilles ou en créent de nouveaux, subissant de nouvelles menaces pour quitter les lieux. Les familles de Villejust et Villebon-sur-Yvette, qui viennent d’être expulsées, se sont ainsi
installé.es à Saulx-les-Chartreux, et rapportent que des inconnu.es sont venu.es menacer leurs enfants avec des chiens. Non loin de là, les habitant.es d'un autre bidonville de Saulx-les-Chartreux reçoivent des visites inquiétantes : des civil.es qui les menacent, les accusent de vols et de nuisances, interpellent leurs enfants, crient, refusent les propositions de médiation associative que les bidonvillois.es leur soumettent en leur donnant notre contact. Selon la police municipale de Saulx-les-Chartreux, une pétition a recueilli 300 signatures pour les faire expulser (2), et des gens téléphonent régulièrement pour accuser les bidonvillois.es de toute sorte de nuisances.

Faut-il craindre le pire ?


Il est alarmant de voir ces réflexes antipauvres et antitsiganes se multiplier. Notamment, après l'attaque violente qui a eu lieu au début du mois à Villeron, où 200 habitant.es de cette commune du Val d'Oise ont envahi puis détruit un bidonville local, avec l'aide du maire Dominique Kudla (qui a assuré avoir « l'aval de l'intercommunalité » (3)) et sous les yeux de la police immobile. Les préjugés à l'égard des populations roms se sont exprimés sans gêne dans la commune et la presse, les agresseur.ses accusant les bidonvillois.es d'être sales, délinquant.es, dangereux.ses...
A nos yeux, ces comportements agressifs des collectivités et des civils constituent le véritable danger. Les occupant.es sans titre de lieux squattés ne sont pas sans droits, des procédures existent et ne manquent pas d'être menées si des propriétaires revendiquent leur bien. Nous rappelons donc que ce n'est pas aux riverain.es, ni à la police, ni à la mairie d'exercer la Justice. Nous déplorons de constater que des familles SDF, précaires et vulnérables, sont attaquées et perdent à chaque expulsion, à chaque agression, le peu de choses dont elles bénéficient – un abri de fortune, leurs biens, le fruit des accompagnements sociaux que nous mettons en place (scolarisation des enfants, parcours de soins, démarches d'insertion...).

Nous appelons à votre entière vigilance...


Dans le respect des personnes concernées, mais aussi des décisions de justice, et considérant l’instruction gouvernementale « visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles », nous vous prions de prendre toutes les mesures possibles pour répondre à l’objectif d’une réelle résorption des bidonvilles et de lutter contre les invectives et violences que pourraient subir les familles précaires de Saulx-les-Chartreux. Nous demandons la réalisation de diagnostics permettant de prendre en compte les besoins des familles et d'envisager une solution d'hébergement pérenne. En tant qu'associations et collectifs, nous rappelons que tout comportement menaçant ou propos
racistes à l'égard de personnes en situation de grande vulnérabilité est inacceptable. Nous vous appelons à une entière vigilance sur ce sujet, dans le respect de la légalité et de la dignité des personnes SDF. Nous vous demandons de prendre position pour défendre ces personnes
vulnérables, rappeler le droit à vos administré.es et ainsi éviter le pire.


Nous vous prions de croire, Monsieur le maire, en l’assurance de nos respectueuses salutations,


Association Intermèdes-Robinson
Collectif de solidarité avec les habitants des bidonvilles en Nord-Essonne
Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
Association Système B

1 : Mise à jour du 28/02/2023 : ce bidonville de Saulx les Chartreux a été expulsé hier, soit quelques heures après la publication de cette lettre ouverte.

2 : Mise à jour du 28/02/2023 : un lecteur nous a indiqué le lien vers cette pétition, qui a recueilli à ce jour plus de 2300 signatures. Le racisme antitsigane s'exprime violemment dans les pages de commentaires de cette pétition.

3 : Lire l'article du Parisien à ce sujet.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.