Ça y’est ! Je vois enfin arriver la tête du cortège, avec leurs uniformes rose, rouges, bleus… les caissièr-es de supermarché ouvrent la marche derrière une banderole ou s’inscrit en lettres capitales : Ça fait quoi de prendre conscience que les métiers les moins considérés soient les plus utiles ?
Certaines portent des pancartes, Combien de temps vous faudra-t-il pour nous oublier ?, Un sourire, un merci, c’est gratuit !, Sous le tapis la plage !.
Elles et ils sont suivies par les magasinier-es, et toute les professions qui ont concourue à nous permettre de franchir, en continuant de pouvoir nous alimenter, cette crise au risque de leur sacrifice.
Arrivent ensuite les transporteurs avec un cortège multicolore de camionnettes et de camions rutilants, leurs klaxons scandant en rythme : ce n’est qu’un début, continuons le combat !.
Puis viennent les agriculteurs et les éleveurs, maillons indispensable de cette chaîne, qui ont su s’organiser pour nous ravitailler de même, souvent en imaginant des « circuits court » et prévoir le lendemain en assurant la continuité de leur production. Un épouvantail dressé sur une meule de foin porte eu TShirt avec inscrit : Que vive l’agriculture biologique, locale et conviviale.
A leur suite La grande foule des bénévoles des associations qui se sont dépensé-es sans compter pour amplifier l’aide aux plus démuni-es et lutter contre les inégalités sociales, le mal logement, l’aide aux sans-logis et aux précaires, aux sans-papiers… ils forment un cortège disparate et bigarré, toutes et tous portent une chasuble où est écrit : Etre humain ou rien !.
Le vrombissement sourd des hélicoptères du SAMU et de la protection civile annonce l’arrivée des services publics ou assimilés et de ceux qui devraient l’être. Ils trainent des calicots où l’on peut lire Relocalisons la production ou encore Socialisons les laboratoires ou Avons-nous enfin compris ?
Derrière les feux de bengale multicolores des salariés de la SNCF entament le dfilé, elles et ils portent une banderole Voici venir le convoi des régimes spéciaux, ha ha!, une autre Le ferroutage c’est l’avenir !, ou Transportons nous en commun ! Les Bus et les taxis ont rejoint leur défilé.
Les camions rouges rutilants des pompiers leur succèdent ouvrant le bal à grand coups de sirène suivis de près par les gyrophares bleus de la police et de la gendarmerie portant des pancartes: Avec nos excuses, (quoi que l’on en pense certain-nes ont su se mettre au service de la population malgré les ordres contradictoires de leur hiérarchie, mais si mais si, quelques-uns, enfin j’espère… je crois...). Bon signe leurs hauts parleurs diffusent l'internationale.
Viennent derrière les camions oranges de l’équipement, les jaunes des PTT, les voitures blanches des services administratifs, les bleus de l’EDF GDF, qu’on appelle Engie, Suez ou autre maintenant, mais qui restent dans mon esprits et redeviendrons, je le souhaite, un grand service public. Les éboueurs, les services techniques de la territoriale et les services des eaux et leur encadrement avec les salari-ées de la Sécurité sociale et des finanaces publiques ferment la marche . Tous chantent en choeur: hé ho hé ho viv’ les régim’ spéciaux…not’service public c’est notre bien commun !
Le puissant cortège des enseignants les suivent de prés. Celle et ceux qui se sont dépensé sans compter et ont fait preuve d’imagination pour que nos enfants et étudiants puissent continuer tant bien que mal leurs formation et préparer la société à venir. Sur leurs pancartes on peut lire entre autre Les ministres aux fraises, les sous-prefets aux champs !
La clameur de la foule enfle à l’approche du cortège des travailleuses et travailleurs du social et de la santé.
Avec leur banderole Nous sommes le socle !, les personnels techniques et administratifs de nos établissement de soin les précédent, celles et ceux sans le dévouement de qui notre dispositif de soin et de solidarité n’aurait pu tenir. Personnel des lingeries, de secrétariat, des cuisines, pharmacies, laboratoires, ambulances, maintenance,… en complètent l’effectif avec quelques membres des directions, peu nombreux, qui les accompagnent.
Viennent en tête du cortège de la grande famille du « prendre soin » les auxiliaires de vie, aides à domicile, par milliers. Elles et ils ont su par leur présence braver le danger pour maintenir lien, soins, et entretien auprès des personnes les plus fragiles de notre société. En tête une pancarte Nous les invisibles vous nous voyez maintenant !».
Suit le secteur médico-social d’aide et d’accueil des handicapés, de la petite enfance, de la prise en charge des précaires et des migrants en une foule dense qui précède les soignants des maisons de retraite.
Agent-es de service, aide-soignant-es, aides médico-psychologiques, éducatrices et éducateurs, infirmières, assistant-es sociales, animatrices et animateurs qui ont mené la lutte pied à pied pour protéger les personnes âgées et leur permettre de passer ce cap sans trop souffrir de l’isolement ni être contaminés, sur leur banderole il est écrit Vivre est le privilège de tous les âges ! C’est un hommage vibrant que leur rends la foule immense rassemblée ce jour.
Un silence assourdissant s’installe annonçant l’arrivée des personnels de santé hospitaliers et libéraux. Toutes et tous ont payé un lourd tribut, trop souvent de leur vie, plus que toute autres professions, la lutte contre cette pandémie.
Viennent d’abord les médecins et infirmier-es, libéraux qui ont su aller au-delà de leur exercice habituel pour former un premier niveau de soin efficace et éviter au maximum l’engorgement inévitable des hôpitaux. Certaines de leurs pancartes réclament la fin du paiement à l’acte, d’autres un service public universel de santé.
Les vivats redoublent à l’arrivée du cortège hospitalier ouvert par une banderole tenue par des agent-es de service, aide-soignant-es, infirmier-es et praticiens, où est inscrit: Plus jamais ça !, juste suivie d’une autre Si la mémoire des politiques est courte la nôtre sera sans faille. Le cortège est immense, un océan de blouses blanches, roses, vertes, bleues… comme un tapis de fleurs des champs dans un pré au printemps. Les banderoles se succèdent: Si vous ne changez pas de politique nous changerons de politiques, Nous ne sommes pas des héros, nous avons fait notre boulot, faites le vôtre maintenant !, La santé n’est pas une marchandise, l’hôpital n’est pas une entreprise !, Si l’état n’est pas social, à quoi bon un état !, Vous avez compté vos profits, nous comptons nos morts!, Nos vies valent plus que leur profits !, Le capitalisme nuit à la santé, la Sociale nous a sauvé…
Victimes du dénuement matériel et du manque de tout ils auront su faire face à une situation, que les responsables politiques qualifiaient de guerre, sans l’équipement nécessaire. Nous ne sommes pas des héros de guerre, nous sommes des professionnels du prendre soin !, Nous ne tuons pas nous sauvons des vies !, s’écrit sur leurs blouses.
En fin de cortège une immense banderole portée par les collectifs, les associations et les syndicats « Que les applaudissements d’aujourd’hui soient les mobilisations de demain pour un monde égalitaire, écologique de solidarité et de partage, nous sommes le service public de santé ! »
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Et c’est là que le réveil, avec une heure de décalage, en ce matin du quatorzième jour de confinement a sonné.
PS il n'y avait pas de tribune officielle, le gouvernement a quitté Paris en hélicoptère la veille pour une destination inconnue. La Corée du Nord leur a offert l'asile, grand bien leur fasse.