LE CHÔMAGE ET LA PAUVRETE,
LES DEUX ANGLES MORTS DE L’ADMINISTRATION SASSOU
Quand on aime, on ne compte pas. Au Congo-Brazzaville, on devrait pourtant parfois prendre le temps de se pencher sur la réalité des chiffres. Dignitas et gravitas. Ils sont accablants sur le front du chômage et implacables sur le terrain de la pauvreté laissé en friche.
I-Chômage
Mis sous le boisseau pendant plusieurs années, le chômage a pris de l’ampleur, ménace la cohésion sociale et commande de tirer la sonnette d’alarme. C’est à cet exercice que s’est employé Jean Paul Pigasse dans un éditorial d’une plume trempée dans de l’acide. Vaut mieux tard que jamais. L’éditorialiste , chantre du pouvoir, qui déplore ramasser dans le caniveau de la société congolaise l’objet de sa matière économique, s’en bat la coulpe mais remet ça, au risque de s’entendre reprocher par les agents du « chemin d’avenir » son usage un peu répétitif de la prétérition, ce procédé rhétorique par lequel on glose d’abondance d’un objet qu’on prétendait vouloir taire.
En outre, le taux de chômage est de 53 % selon les statistiques avancées par le RDPH. En tout état de cause, la vérité oscille entre les deux chiffres. Au Congo-Brazzaville, les jeunes en âge d’activité sont les oubliés des divers projets de société de ces vingt-cinq dernières années. Du plan triennal au plan quinquennal, de la « nouvelle espérance » au « chemin d’avenir », les jeunes n’ont pas eu droit de cité dans le monde du travail. Les promesses de 40.000 emplois par an de Denis Sassou Nguesso sont restées lettre morte. Elles se sont évaporé comme des écrits sur du sable du Sahara. C’était du grand bluff.
politique des grands travaux engagée par Sassou Nguesso, Jean-Jacques Bouya et les agents du chemin d’avenir dans le cadre de la « municipalisation accélérée », dont les entreprises chinoises du BTP se taillent la part du lion avec une main-d’œuvre « made in china » ne crée pas assez d’emplois pour endiguer le flot de chômeurs qui courent les rues de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi, Mbomo, Sibiti, Djambala et Owando.
On touche ici aux deux faiblesses majeures de l’administration Sassou : la désindustrialisation, la rançon de la nationalisation des entreprises, qui est la disparition progressive des activités industrielles du Congo-Brazzaville amorcée à la fin des années 1970 par les gouvernements marxistes et le peu d’intérêt pour le développement des PME/PMI.
II-Pauvreté
Cet angle mort chez Sassou Nguesso et ses agents du « chemin d’avenir » n’est pas le seul. Il y en existe un autre : la pauvreté. Significativement le terme lui-même ne figure pas dans le programme du « chemin d’avenir » mais dans celui des objectifs du millénaire. C’est un secret de polichinelle. Au Congo-Brazzaville, ces objectifs ne seront pas atteints. Et pour cause. Denis Sassou Nguesso s’occupe des riches, pas de la pauvreté des populations du Congo-Brazzaville (Mwinda.org, 24 Janvier 2012). Quand les membres du clan Sassou, au premier rang desquels figurent ses rejetons et ses neveux, paradent couverts d’or, à l’instar de Christel Nguesso, grand amateur de Jet privé, qui brasse plus d’un milliard de dollars par mois de surplus pétrolier sans en rendre compte à qui que ce soit (sauf à son géniteur Sassou Nguesso, chef du clan) tandis que les salariés sont en guenilles, alors le peuple quitte les oripeaux du désespoir pour endosser l’habit de colère. La crise politique dans laquelle s'enfonce le Sénégal après la Côte d'Ivoire et les convulsions que connaissent les géants d’Afrique, le Nigeria et la République démocratique du Congo, envoient un signal fort aux chefs d'État adeptes de « je l’ai dit, je me dédis » et tripatouilleurs des Constitutions qui seraient tentés de croire que le « printemps » arabe ne gagnerait jamais les pays situés au sud du Sahara comme le nuage de Tchernobyl qui « s’arrêta » à la frontière de la France. Une colère populaire sournoise et en sourdine se manifestera tôt ou tard comme le châtiment dont parle Horace dans la formule « pede poena claudo »*. Par la pratique du pouvoir et la gestion des ressources financières du Congo-Brazzaville, Sassou Nguesso et ses amis ont instauré l’approfondissement de la pauvreté et de la famine comme arme de destruction massive de la population. Aujourd’hui, le Congo-Brazzaville a pris des allures d’une pyramide dont la base formée de l’essentiel de la population est souffrance et la pointe, constituée de la famille régnante et ses courtisans du « chemin d’avenir » est gabegie. Au Congo-Brazzaville, le creusement des inégalités sociales est sans cesse grandissant à tel point qu’il a entraîné la disparition de la classe moyenne. Rien ou presque n’est entrepris par Sassou Nguesso, Isidore Mvouba, Jean-Jacques Bouya et Gilbert Ondongo pour relancer l’emploi, stopper la descente aux enfers des couches populaires et renverser la tendance. Dans les grands centres urbains, et encore davantage dans les agglomérations rurales, la pauvreté est la chose la mieux partagée par les Congolais. Rarement, sans doute, le " système " congolais du chemin d’avenir aura paru aussi virulent. Rarement l’avenir n’aura semblé à la population du Congo-Brazzaville aussi incertain. Et, dans ce chaos social, une minorité de nouveaux riches côtoie une masse grandissante de pauvres comme une citerne d’essence sur le point de se répandre sur une mèche en train de brûler.
Benjamin BILOMBOT BITADYS
*- Le châtiment au pied boiteux. Horace dit que quel que soit le temps que met le châtiment, il finit par arriver.