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tekhnè hypomnesis . . photo (cc) jef safi / flickr
( jef safi : E≥M.C2 )
En écho à l'article de Joël Martin : "Vulgarisation scientifique mode d'emploi : le premier guide pratique", et en réponse à l'invitation de Gilbert Pouillart : "Qu'en pense Joël ?", je m'efforce de répondre ici en images et en m'accompagnant du propos d'un des meilleurs vulgarisateurs scientifiques contemporains.
Pour ma part, je n'aime pas l'expression vulgarisation par tout ce qu'elle charrie de dépréciatif, de réducteur, de méprisant, etc., tant pour l'oeuvre qui est la sienne que pour les êtres auxquels elle se destine. Et ce, d'autant plus que la mission des dits vulgarisateurs est, tout au contraire, haute de noblesse par son infinie difficulté à répondre à son impérieuse nécessité. Elle est celle des médiateurs, des pédagogues, des conciliateurs, des passeurs, des rapporteurs, des instituteurs, des éclaireurs, des pacificateurs même. C'est dire combien les missions des vulgarisateurs ne sont pas seulement celles des sciences mais aussi évidemment celles de toutes les disciplines par trop absconses pour l'entendement commun, qu'elles soient technologiques, économiques, médiatiques, écologiques, sociologiques, politiques, philosophiques, etc. C'est dire ô combien Etienne Klein a raison, au-delà de son seul propos scientifique, lorsqu'il affirme que la responsabilité du vulgarisateur est ... éthique.
Etienne Klein : << [...] Qu'est-ce qu'on a le droit de dire ? [...] La question de savoir si les théories décrivent l'univers, ou la matière, ou le réel, est une question compliquée d'autant plus que nous savons que ces théories sont incomplètes. Si je prends l'exemple de la physique quantique, elle ne permet de décrire que trois interactions fondamentales sur quatre quand la théorie de la relativité générale, elle, ne décrit que la quatrième, la gravitation.
[...] Comment être sûr que les théories physiques que nous utilisons sont les bonnes ? Est-ce qu'il peut parfois leur arriver de divaguer ? C'est-à-dire de nous faire croire à propos de la réalité des choses qui ne sont pas dans la réalité ?
C'est une question compliquée notamment par le fait que la physique est une science expérimentale, c'est-à-dire dont les théories doivent être validées par l'expérience. [...] C'est la première question qui préoccupe tous les physiciens: savoir tester les théories. Comment faire subir aux théories des tests qui permettent d'avoir confiance dans les principes, les équations, les concepts qu'elles utilisent ?
Et puis il y a une deuxième question qui occupe moins de gens mais qui est presque aussi importante à mes yeux. C'est la question du langage. C'est la question de savoir comment dire avec des mots que tout le monde puisse comprendre, ce que nous savons par la physique ?
Les langages naturels de la physique, depuis Galilée, ce sont les mathématiques, ce sont les équations. Galilée pense que les lois physiques s'écrivent sous forme d'équations et la suite de l'histoire lui a donné raison. Mais la question est comment est-ce qu'on traduit en mots ce que disent les équations ? Ou pour dire les choses d'une manière plus pragmatique : que diraient les équations de la physique si elles pouvaient parler ?
[...] C'est un travail intéressant non seulement parce qu'il permet de comprendre la physique mais surtout parce qu'il a, en quelque sorte, des implications . . éthiques. [...] Si nous disons mal ce que nous savons, dès lors que notre façon de dire les choses détermine en grande partie notre façon de les penser, si on les dit mal, il y a des chances qu'on les pense mal. [...] Ça crée alors tout un tas de malentendus, de confusions, etc., et surtout ça empêche de comprendre.
C'est pour ça que cette deuxième question que j'évoque, qui est la question du langage, me semble être une question . . éthique. L'éthique, en sciences, souvent on dit qu'elle apparaît au niveau des applications. Est-ce qu'il faut faire des centrales nucléaires, des bombes atomiques, des nano-technos, des OGM, etc ? Autrement dit, l'éthique on l'envisage uniquement lorsqu'il s'agit de faire des choses à partir des connaissances que la science nous a permis d'obtenir.
Mais à mon avis l'éthique se pose déjà en amont dans le choix de la façon de parler. Si on dit mal ce que disent les théories scientifiques, alors on peut avoir toutes sortes de problèmes qui apparaissent, et qui viennent de ce que les scientifiques, ou les autres, font preuve d'une trop grande désinvolture langagière. Parfois le soucis d'être compris conduit à dire des choses qui sont fausses, ... mais qui sont compréhensibles. [...] >>
( Etienne Klein - Festival d'Astronomie de Fleurance 2o13 - Propos extrait de la conférence )
lógos hypomnesis . . photo (cc) jef safi / flickr
( jef safi : E≥M.C2 )
NB : Pour la composition de ce diptych, les mannequins ont été photographiés au coeur de l'installation I manichini di Nani d' Alessandro Marcucci Pinoli di Valfesina («Nani» per gli amici), avec son aimable autorisation ; installation présentée dans l' Alexander Museum Palace Hotel ; 61121 Pesaro (PU) Italia.