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Billet de blog 2 mai 2025

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CTM : faut-il que le PCE récompense l’ordinaire du service public ?

À ce rythme, faudrait-il bientôt remercier les agents qui arrivent à l’heure, ou féliciter les élus qui ne détournent pas l’argent public ?

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La récente décision d’accorder, le vendredi 2 mai 2025, une journée de congé exceptionnel aux agents de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), « afin de tenir compte de leur engagement professionnel », mérite réflexion.

Si l’organisation des services relève bien des compétences de l’exécutif (article L.4132-2 du Code général des collectivités territoriales), il est indispensable de rappeler les fondements déontologiques de l’action publique, tels qu’affirmés par le statut général de la fonction publique territoriale (loi n°84-53 du 26 janvier 1984, désormais intégrée au Code général de la fonction publique).

L’engagement professionnel n’est ni exceptionnel ni accessoire : il est au cœur même des missions de service public. Il constitue une obligation permanente, inscrite dans le respect du principe d’égalité de traitement des usagers, du principe de continuité du service public et de l’obligation de servir (articles L.121-1 et suivants du Code général de la fonction publique).

Remercier ponctuellement les agents pour leur engagement, c’est laisser entendre qu’il s’agirait d’un effort extraordinaire, alors qu’il devrait constituer l’ordinaire même de la fonction publique. À ce rythme, faudrait-il bientôt remercier les agents qui arrivent à l’heure, ou féliciter les élus qui ne détournent pas l’argent public ?

La décision soulève également des interrogations au regard du principe d’égalité : le même jour, les services administratifs de la CTM seront fermés et les agents administratifs bénéficieront de ce congé, tandis que les agents ATTEE (Agents Techniques Territoriaux des Établissements d’Enseignement) devront, eux, assurer leur service dans les établissements scolaires. Reporter cette journée pour eux avant la fin de l’année scolaire ne gomme ni la différence de traitement, ni le signal symbolique envoyé. Or, l’article L.121-1 du Code général de la fonction publique rappelle clairement le principe d’égalité de traitement entre agents placés dans une situation comparable.

Par ailleurs, une telle décision ne manquera pas d’attirer le regard des organisations syndicales, dont le rôle est précisément de veiller au respect des droits collectifs et de dénoncer toute entorse aux principes d’égalité, d’équité et de cohérence dans la gestion des ressources humaines. Ce type de mesure ponctuelle pourrait être perçu comme relevant davantage d’une logique de communication que d’une véritable politique RH structurée et alignée avec l’esprit du service public.

Si la volonté est véritablement de valoriser les agents, d’autres leviers, bien plus conformes à cet esprit, existent :

  • améliorer les conditions de travail,
  • renforcer les perspectives de carrière,
  • accélérer les avancements de grade et ouvrir des opportunités de mobilité (articles L.422-1 et suivants du Code général de la fonction publique).

Ces actions durables construisent une reconnaissance réelle, bien plus porteuse de sens qu’une gratification ponctuelle, dont le fondement juridique, au regard des régimes de congés (articles L.621-1 et suivants), mérite d’ailleurs d’être clarifié.

En effet, le Code du travail et les textes relatifs aux congés (congés annuels, congés exceptionnels, autorisations spéciales d’absence) encadrent strictement ces dispositifs, notamment dans la fonction publique. Si l’exécutif dispose d’une marge d’appréciation pour accorder des autorisations d’absence, celles-ci doivent reposer sur des motifs légitimes, clairs et alignés avec l’intérêt général et les nécessités de service.

Dans un contexte de tensions budgétaires et de fortes attentes de la population quant à la qualité des services rendus, il importe que chaque décision publique porte un message cohérent : le service public n’est pas un lieu où l’on récompense le simple respect de ses obligations, mais un espace où l’on agit, collectivement et quotidiennement, au service de l’intérêt général.

Jeff Lafontaine

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