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Billet de blog 3 septembre 2025

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De la fabrique du «crétin» à la fabrique du «créole»

Depuis des décennies, on assiste à une entreprise méthodique de déconstruction et d’effacement des repères propres à notre société — qu’ils soient culturels, historiques, linguistiques ou symboliques — au profit de références exogènes soigneusement pensées pour façonner des individus adaptés à un modèle qui n’est pas le leur.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
L’école martiniquaise comme instrument de domestication mentale

Ça y est, l’usine a rouvert ses portes.
Les ateliers d’abattage reprennent force et vigueur.
Le matériau est là, prêt : des centaines d’élèves, vidés de toute réflexion critique par l’insouciance des vacances et l’anesthésie festive des grandes vacances.
L’école redémarre, et avec elle, la chaîne bien rodée de la fabrique des esprits disponibles, dociles, éloignés d’eux-mêmes, prêts à absorber des normes sans jamais les interroger.
Comme chaque année, la production peut commencer.
Mais cette année encore, personne ne semble vouloir remettre en question les plans de production.

Pourquoi ce titre : De la fabrique de crétins à la fabrique de Créoles ?


Parce que le développement d’une société repose avant tout sur la transmission : des codes, des valeurs, des principes, des savoirs et des repères qui fondent le vivre -ensemble.
Lorsqu’ils sont ancrés dans l’histoire, l’environnement et la culture d’un territoire, ils participent à la définition d’un peuple, à la conscience qu’il a de lui -même et à sa capacité à
agir dans le monde.
Or, en Martinique, c’est exactement le contraire qui se produit.
Depuis des décennies, on assiste à une entreprise méthodique de déconstruction et d’effacement des repères propres à notre société — qu’ils soient culturels, historiques, linguistiques ou symboliques — au profit de références exogènes soigneusement pensées
pour façonner des individus adaptés à un modèle qui n’est pas le leur.

Ce processus a donné naissance à ce que plusieurs penseurs et chercheurs ont analysé, parfois avec lucidité, parfois avec ironie : “l’Homme créole”. Dans Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon décrivait déjà cet être colonisé qui adopte les codes de l’oppresseur jusqu’à en perdre sa propre substance : « le colonisé qui va à l’école se blanchi, se décolore, se dissout. Et il croit que c’est un progrès ».
Jean -Luc Bonniol , dans La couleur comme malentendu, montre comment cette aliénation se prolonge dans les hiérarchies raciales et culturelles, reconduites de génération en génération.
De leur côté, Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, dans Éloge de la créolité, saluent la force de la créolité comme espace de métissage et de création, mais avertissent aussi des dangers de sa récupération institutionnelle, qui peut la réduire à un folklore docile.
Édouard Glissant l’a dit autrement : la créolité doit être un espace vivant de relation et d’échange, mais non un simple vernis pour masquer la continuité coloniale.
Enfin, Olivier Pulvar, dans La Fabrication du Créole (2000), éclaire ce processus sous un angle plus radical encore : il décrit la construction historique d’un être social façonné pour s’adapter, pour servir, pour se conformer aux normes extérieures. Un être “créole” au sens le plus dur et le plus critique du terme : détaché de ses origines, programmé pour la dépendance.

Aujourd’hui, en Martinique, cette figure de l’homme créole est bien là :

- Il parle français, pense “hexagonal”, rêve parisien, 
- il est porté par le système d'assistance et revendique encore plus d'intégration à la France
- Il connaît Platon mais pas Césaire.
- Il se méfie du créole, il méprise la parole de ses anciens.
- Il a appris à penser à travers les codes de l’occupant, sans même en avoir conscience.
- Il milite pour le statut quo institutionnel
- Il est parfois animé de sentiments progressistes mais dans le cadre colonial

C’est cette fabrique invisible mais puissante que je me propose de mettre en lumière à travers ce texte, non pour céder à la caricature ou à la provocation, mais pour éclairer le rôle déterminant de l’école dans la fabrication de “l’Homme créole”. Car au -delà des apparences et des illusions, l’école est l’outil principal de ce façonnement : elle transmet des repères qui ne sont pas les nôtres, elle façonne des imaginaires qui ne nous appartiennent pas, elle normalise l’adhésion à un modèle qui n’est pas fait pour nous.
Mon propos n’est donc pas un simple réquisitoire : il s’appuie sur les données disponibles, les choix éducatifs, les orientations politiques et les logiques institutionnelles qui, toutes ensemble, continuent aujourd’hui à façonner la Martinique.

Le système éducatif français : « La fabrique du crétin  »


Dans son essai polémique L’école des crétins (2005), Jean -Paul Brighelli dénonce une transformation profonde du système éducatif français depuis les années 1980. Selon lui, l’école a délaissé sa mission première — transmettre un savoir structurant, exigeant, libérateur — au profit d’une pédagogie égalitariste et molle, centrée sur l’élève mais vidée de contenu. Ce glissement aurait abouti à une baisse généralisée du niveau, à une dévalorisation du savoir, et à la fabrication d’individus conformes, mais incapables de penser par eux -mêmes.
Le récent rapport de la Cour des comptes sur l’enseignement primaire français (2025) met en lumière ces dysfonctionnements « nationaux » qui prennent une dimension encore plus critique en Martinique.

Pour la france le constat est sans appel.
Malgré une augmentation constante des moyens financiers, le système éducatif primaire français échoue à améliorer les résultats scolaires et reste marqué par de fortes inégalités sociales et territoriales.

Un système en échec et inégalitaire
Les performances des élèves français en CM1 déclinent en mathématiques et en français, les
plaçant parmi les derniers en Europe.
La difficulté scolaire est fortement liée à l’origine sociale : les élèves défavorisés sont
surreprésentés parmi ceux en grande difficulté.
L’écart filles/garçons en français est plus élevé qu’ailleurs en Europe.
La part des très bons élèves diminue, illustrant un étiolement global des résultats.

Une organisation inadaptée aux besoins de l’enfant
Le système ne tient pas assez compte du développement de l’enfant (rythmes biologiques,
besoin de continuité éducative).
L’attractivité du métier d’enseignant est en berne, notamment dans les zones difficiles.
Le retour majoritaire à la semaine de 4 jours nuit aux apprentissages selon les experts en chronobiologie.

Une dépense croissante mais mal mesurée
52 milliards d’euros consacrés à l’enseignement primaire en 2022, soit 2 % du PIB.
La répartition des dépenses entre État, collectivités, ménages et autres acteurs est opaque et probablement sous -estimée pour les collectivités.
Les petites communes sont particulièrement impactées par les investissements scolaires, ce qui accentue les inégalités territoriales.

Un système trop centralisé et cloisonné
Faible intégration des collectivités territoriales, parents et autres partenaires dans la gouvernance de l’école.
Le statut du directeur d’école est flou et mal adapté : un rôle de pilotage pédagogique peu reconnu.
L’évaluation des écoles reste superficielle malgré la création du Conseil d’évaluation de l’école.

Une double peine pour la Martinique
Les inégalités structurelles, les choix d’investissement déséquilibrés et les séquelles persistantes du colonialisme imposent aux élèves martiniquais une véritable double peine.
Les données disponibles en témoignent.
Il ne s’agit pas ici de céder à une logique de comparaison victimaire, mais de rappeler que le discours officiel d’égalité républicaine oblige le système à traiter de manière uniforme « l’ensemble national ». C’est précisément là que l’absurdité d’une gestion centralisée d’un territoire colonisé prend tout son sens : en prétendant gommer les différences, on ignore les réalités, et on perpétue l’injustice.

Des résultats scolaires alarmants, encore plus faibles qu’en france
En français, les évaluations « nationales » montrent que  60 % des élèves martiniquais en fin de primaire ont des difficultés graves en lecture (contre 20 % en moyenne nationale).
En mathématiques, seuls 35 % des élèves maîtrisent les compétences de base en fin de CM2
(Contre 50 % en France).
Taux de décrochage scolaire : près de  15 % des jeunes quittent l’école sans diplôme (contre 8 % en France).

Des inégalités sociales et territoriales exacerbées
Concentration de la pauvreté : 40 % des enfants martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté (contre 20 % en france), ce qui aggrave les difficultés scolaires.
Fracture numérique : 30 % des foyers n’ont pas d’accès stable à Internet, limitant l’accès aux ressources éducatives en ligne.

Un manque criant d’enseignants et de moyens
Taux de vacance des postes : Jusqu’à 25 % dans certaines zones (contre 8 % en france)

Les Chiffres qui prouvent encore les inégalités

Indicateurs                                                     Martinique                   France            Écart
Taux d’échec en français (CM2)                    60 %                               20 %              +40 pts
Accès aux classes prépa                                 3,2 % des bacheliers       12,1 %            x4 moins
Enseignants formés en pédagogie adaptée    15 %                                65 %              -50 pts
Budget éducatif par élève                              8 200 €                            9 500 €          -1 300 €

A quoi sert l’école en Martinique


Il serait réducteur d’ignorer que l’école martiniquaise a permis l’émergence de personnalités intellectuelles majeures comme Aimé Césaire, Édouard Glissant ou Suzanne Roussi -Césaire, qui ont profondément marqué la littérature, la pensée politique et la culture de la Caraïbe.
D’autres parcours individuels — scientifiques, enseignants, artistes, professionnels de divers horizons — témoignent également des trajectoires remarquables que certains ont su tracer à partir de cette formation.
Mais ces cas exceptionnels ne doivent pas masquer les effets systémiques d’un modèle éducatif qui, dans sa conception même, n’est pas pensé pour construire une conscience collective, ni pour servir les intérêts du peuple martiniquais. Ces brillantes individualités
ne compensent en rien les dégâts à grande échelle que cause une école encore arrimée à
des finalités d’assimilation, de normalisation, et de soumission culturelle. Une école qui sélectionne, isole, déconnecte, bien plus qu’elle ne libère ou n’enracine.
Brighelli dénonçait une école qui "abêtit" les enfants par des méthodes pédagogiques ineptes. En Martinique, c’est bien plus grave :  l’école formate des sujets coloniaux.
Des élèves en échec massif (60 % en difficulté en lecture) mais surtout aliénés : incapables de nommer un seul héros de la résistance antillaise, mais récitant sans problème les rois de
France.

Une formation tournée vers l’extérieur
Les filières les plus valorisées – tourisme, commerce, fonction publique – sont orientées vers l’économie française ou ses relais locaux. Elles forment à servir plutôt qu’à entreprendre, à s’insérer plutôt qu’à initier. Cette logique d’extraversion perpétue un schéma de dépendance : les décisions structurantes sont prises ailleurs, et l’économie locale reste marginale, sans stratégie endogène, sans autonomie réelle.

Une désindustrialisation éducative assumée
Ce constat se renforce quand on observe l’absence de filières techniques ambitieuses dans des secteurs pourtant vitaux pour l’avenir du territoire :
agriculture vivrière et durable,
transformation locale des productions,
énergies renouvelables,
métiers de la culture, des langues, de la mémoire.

Ces domaines, essentiels pour l’autosuffisance et l’épanouissement culturel, sont sous -investis, relégués, voire stigmatisés. On forme plus d’hôtes d’accueil que d’artisans enracinés, plus de gestionnaires que de créateurs.
Mais ce n’est pas tout. L’école participe puissamment à l’édification d’une société martiniquaise hyper -consumériste, où la réussite se mesure à la capacité d’acheter, non de ou de créer.
Les luttes récentes contre la vie chère l’illustrent : elles ne visaient pas à soutenir une production locale autonome, mais à obtenir un accès facilité à la consommation de produits
Importés, quelle que soit leur qualité.
Ces réflexes de consommateurs dociles illustrent parfaitement le profil de “l’homme créole” tel que formaté par l’école coloniale : un être qui, bien qu’aliéné, reste convaincu que l’imitation est synonyme de progrès.

Cette dépossession alimentaire et culturelle est d’autant plus grave qu’elle va de pair avec une aliénation gustative et sensorielle. Les cantines scolaires, les programmes d’éducation alimentaire, les références culturelles présentes dans les manuels — tout cela valorise les produits standardisés, importés, homogènes, au détriment de la richesse et de la diversité de nos savoir -faire culinaires. Le goût, pourtant première porte d’entrée dans la culture, est ainsi déraciné
Il existe pourtant des leviers pour résister, notamment dans la restauration scolaire. Les appels à projets, les clauses d’insertion dans les marchés publics, les filières de formation agricole ou culinaire — tout cela pourrait permettre de reconnecter la cantine à la terre martiniquaise, de faire des repas scolaires un véritable levier de souveraineté alimentaire et culturelle.
Malheureusement, ces dispositifs restent massivement captés par le lobby importateur : des acteurs économiques qui verrouillent les circuits d’approvisionnement au profit des denrées standardisées venues d’ailleurs, perpétuant la logique de dépendance au l ieu de la briser. En résumé, la lutte pour une éducation martiniquaise libératrice ne se limite pas à l’école : elle imbrique l’alimentation, le corps social et la mémoire collective. Elle exige que l’école redevienne un lieu d’ancrage et de fierté — et non un espace de formatage et d’oubli.

Transformer ou reconstruire ?
En Martinique, le système éducatif ne prépare pas à transformer le pays, ni à construire une autonomie collective. Il perpétue, sous des apparences modernes, une logique héritée du système colonial : former pour exporter, instruire pour intégrer, éduquer pour reproduire.
L’école ne fabrique pas des bâtisseurs de société, mais des agents adaptables à un monde pensé ailleurs, pour d'autres finalités que les nôtres.

Il ne s’agit pas de réclamer une simple “adaptation” — ce mot sous -entend que le modèle central serait fondamentalement juste, et qu’il suffirait d’en ajuster les contours pour qu’il fonctionne partout. Non. Il s’agit de concevoir un modèle éducatif enraciné, bâti à partir de notre territoire, de notre histoire, de nos besoins, de nos langues, et de notre rapport singulier au monde. Non pas un système “à part” dans la République, mais un système pensé par nous, pour nous, dans une relation lucide, critique et ouverte à l’universel — bien loin des logiques de rattrapage ou de folklorisation.
On nous a longtemps fait croire que l’école était un sanctuaire de savoir, une voie royale vers l’émancipation. En réalité, pour beaucoup de Martiniquais, elle a surtout été une fabrique de docilité, une machine à produire des esprits disciplinés, bien alignés, bien détachés de leur culture, bien intégrés dans un projet qui n’est pas le leur.

La question est désormais simple et brutale


Au regard de tout ce qui a été dit, je me pose la question suivante : ne vivons-nous pas en ce moment, en Martinique, dans ce que l’on pourrait appeler une “société créole” – mais au sens le plus dur, le plus critique du terme ?
Non pas la créolité vivante et poétique qu’Édouard Glissant appelait de ses vœux, une créolité faite de rencontres, de brassages, d’inattendus, qui enrichit et complexifie l’humain. Non. Ici, c’est une créolité figée, instrumentalisée : une société fabriquée pour la dépendance, façonnée pour l’adaptation plutôt que pour l’émancipation.
Allons -nous rester prisonniers de cette société créole imposée, ou allons -nous inventer, ensemble, une société martiniquaise consciente de ses racines et capable de se projeter dans le monde à partir de son propre sol ?

L’école, terrain stratégique de la lutte politique
Nous consacrons une part considérable de nos énergies à des combats conjoncturels, où l’État demeure le maître du jeu. Ces luttes, si elles sont nécessaires dans la dynamique d’une contestation permanente du système, ne doivent jamais nous faire oublier que l’éducation, la formation, la connaissance sont la priorité. Car c’est là que se joue l’essentiel : la conscientisation collective, indispensable pour forger la conviction et la détermination qui seules permettront de renverser l’ordre imposé.
Ce chaos que nous voyons aujourd’hui – dans les transports, la justice, la violence juvénile, l’hôpital – n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une somme de crises isolées. Il serait le reflet direct du management des “produits” élaborés par la fabrique de créoles.
Tant qu’on continuera de former des exécutants au lieu de bâtisseurs, tant qu’on préférera l’illusion d’une modernité importée à la puissance de la pensée locale, ce chaos sera notre quotidien.

Edgar Morin nous rappelle que vivre, c’est affronter l’incertitude, relier les savoirs, comprendre autrui tout en se comprenant soi -même. L’école devrait être cela  : un espace de pensée complexe, pas un lieu de savoirs fragmentés. Elle devrait initier à la vie, pas à la soumission.
Tout commence par l’école. C’est là que s’installe la dépendance. C’est là que l’on apprend, souvent sans le savoir, à douter de soi, à valoriser l’ailleurs, à tourner le dos à notre propre héritage. C’est là que le colon continue son œuvre, discrètement mais efficacement.
Il ne s’agit pas de brûler les écoles, mais de brûler les modèles mentaux qui les structurent. Il ne s’agit pas de rejeter les savoirs universels, mais de les relier à notre réalité, de les inscrire dans notre langue, notre histoire, nos douleurs, nos espoirs.
La réparation de l’école viendra d’en bas : des enseignants qui réinscrivent le savoir dans nos réalités, des parents qui exigent une éducation émancipatrice, des élèves qui se lèvent pour apprendre autrement.

Si l’école martiniquaise a permis l’éclosion de figures d’exception, elle doit désormais relever le défi collectif : penser et bâtir une société martiniquaise lucide, enracinée, tournée vers l’avenir. Cela exige une sortie assumée du modèle colonial, pour entrer dans une dynamique d’émancipation.
Et si l’école est si peu priorisée par la classe politique locale, c’est précisément parce qu’une
École libérée donnerait naissance à un peuple éveillé. Parce qu’elle pourrait devenir subversive, l’école ne figure jamais au cœur de leurs priorités. Ils savent trop bien la force et le pouvoir qu’elle pourrait libérer.

Un peuple qui apprend à penser à partir de lui -même, c’est un peuple qui commence à devenir libre. Et c’est là que commence la vraie révolution.

Et si l’homme créole n’était, au fond, qu’un Nègre génétiquement modifié ?
Un produit standardisé, façonné par des décennies de malbouffe importée et de lessivage culturel. Nourri aux conservateurs chimiques et aux programmes scolaires désincarnés, il consomme sans se questionner, parle sans mémoire, rêve ailleurs et pense selon les codes d’un autre.
Une mutation lente, méthodique, orchestrée par l’assiette et l’école. Une déprogrammation assumée.

Ne soyons pas dupes.


Pendant que l’école perfectionne ses rouages, le prochain congrès des élus se prépare.
Une nouvelle grand-messe républicaine, drapée des habits du changement, mais soigneusement encadrée par les gardiens du statu quo.
Un congrès préparé par des "créoles" — dans le sens critique que nous avons défini — c’est-à-dire des produits fidèles du système, qui en partagent les codes, les réflexes, les tabous et les limites.
Faut-il rappeler qu’en 2010, ces mêmes élus avaient voté à 74 % pour l’article 74, affirmant vouloir un “changement de statut” pour la Martinique…
Et pourtant, 15 ans plus tard, aucun changement structurel réel n’est intervenu.
Le système a survécu, intact.
C’est dire si ce qui nous attend n’est pas une révolution, mais un simulacre renouvelé, une variation coloniale sur un thème créole. 

Et pendant ce temps, la fabrique continue inlassablement.

Alors « Tous créoles ? ». Heureusement NON !


Jeff Lafontaine

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